lundi 22 juin 2020

Une clause claire et précise, n'est pas forcément synonyme d'efficacité...

Cass. 3e civ., 28 mai 2020 n° 19-15.001 FS-P+B+I

Faits et procédure

1. Le bail d'une villa meublée avec terrain, terrasse et piscine, destinée à une activité d'exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière consistant en la sous-location meublée de locaux situés dans le même ensemble immobilier avec mise à disposition de services ou prestations para-hôtelière à la clientèle, est conclu.
Ce bail mentionne clairement que les parties "affirment et déclarent leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents ; et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application dudit statut ».

2. Puis les bailleurs ont délivré, à bonne date,  au locataire un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction .

3. Puis, postérieurement à ce congé, les bailleurs découvrent l'absence d'immatriculation de la société preneuse au RCS et déniant à la locataire le droit à indemnité d'éviction ils l' assignent en validation du nouveau congé et en expulsion.

La Cour d'appel juge que la locataire ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail et en conséquence et rejette la demande d'indemnité d'éviction, ordonne son expulsion et la condamne à verser aux bailleurs une certaine somme au titre d'une indemnité d'occupation. Pour elle en effet, "il n'est pas stipulé au bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » au registre du commerce et des sociétés, de sorte que cette condition était requise à la date du congé".

La Cour de cassation ne l'entend pas de cette oreille et rappelle en "préambule" que "le juge ne peut pas dénaturer les termes clairs et précis d'un contrat"  et "qu'en affirmant, pour refuser le droit à une indemnité d'éviction du preneur, qu'il n'est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » (sic) au RCS, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis" du bail "et a violé l'article 1134, devenu 1192, du code civil. »

On se demandera finalement, pourquoi une telle clause, alors que l'activité hôtelière ou para-hôtelière, pratiquée par une société avec l'assentiment de personnes privées, les bailleurs, est apparue indispensable aux rédacteurs du bail...dire que l'on soumet au statut des baux commerciaux une activité qui ressort par définition dudit statut et ajouter qu'il s'appliquera même si les conditions de son application ne sont pas remplies, c'est en quelque sorte opérer avec un zèle qui n'était pas commandé par la situation.
En tout état ce cause, cette clause était suffisamment claire pour ne pas avoir à prévoir les cas de violation du statut qui seraient en quelque sorte amnistiés...elle qui fait la loi des parties.
En l'espèce la violation a été réparée puisque le statut ne va s'appliquer que par la volonté des parties, qui en quelque sorte "force le système".