Le statut des baux commerciaux prévoit deux
systèmes de révision du loyer en cours de bail. A côté de la révision légale de
l'article L 145-38 du code de commerce, qui donne la possibilité pour le
bailleur de demander la révision triennale du bail en fonction de la variation
de l'indice trimestriel du coût de la construction ou de manière plus limité en
fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux (l'ILC), existe une
autre technique issue des dispositions des articles L 145-39 et R 145-22 al.
1er du code de commerce. Il s'agit d'une modalité de révision, légale elle
aussi, qui a pour rôle d'encadrer un autre mode de révision cette fois-ci,
purement conventionnel, à savoir, le jeu (généralement automatique) d'une
clause d'échelle mobile, fondé sur la variation d'un indice (I). En effet, afin
de ne pas aboutir à un loyer hors de proportion avec la valeur locative des
lieux par le seul jeu de la clause d'échelle mobile, le législateur a instauré
une protection d'ordre public. Tel est le rôle assigné à l'article L 145-39 en
permettant à chacune des parties, de solliciter l'intervention du juge pour
arbitrer le prix du loyer, à la hausse ou à la baisse, en fonction de la
réalité économique. Ce système a été mis en place par l'ancien article 28 du décret
du 30 septembre 1953 portant statut des baux commerciaux. En d'autres termes,
par ce texte d'origine, depuis codifié, il s'est agit pour le législateur
d'empêcher que le loyer conventionnel ne s'éloigne de la valeur locative à
laquelle fait référence l'article R 145-22 susvisé (II.).
L'article L 145-39 du Code de commerce qui utilise le mécanisme de la
clause d'échelle mobile pour en limiter les effets, oblige à examiner le
mécanisme de cette variation.
Mais ledit mécanisme ne pourrait être compris
sans que soit préalablement définie la clause d'échelle mobile.
Définition de la clause d'échelle mobile
Il s'agit d'une clause
qui, insérée dans un contrat à exécution successive consiste à faire varier
automatiquement, la valeur d'une prestation - le loyer dans le cas du bail- en
fonction d'un indice économique ou du prix d'une denrée ou d'un service, de
manière à conserver sa valeur par rapport à l'évolution des prix, cette
variation intervenant sans qu'il y ait lieu de recourir à une discussion ou à
une mesure d'expertise. Ce dernier point peut d'ailleurs être considéré comme
un avantage par rapport au système de la révision légale.
Il convient de ne pas confondre ce mode de
modification du loyer avec celui résultant de l'application d'une
clause-recettes qui lie conventionnellement le montant du loyer à celui du
chiffre-d'affaires ; ce type de révision échappant aux dispositions du code de
commerce donc à celles de l'article L145-39.
Il résulte de la définition de la clause
d'échelle mobile que pour comprendre le fonctionnement et l'encadrement de ce
système de jeu de la clause d'indexation, il convient d'examiner l'élément clef
qui le compose : l'indice (A) et d'analyser les effets de sa mise en œuvre (B).
A.- L'indice
Son choix (a.) conditionne la validité de la clause, sa variation (b.)
les effets des celle-ci.
Le législateur est intervenu dans chacun de ces domaines pour limiter
les pratiques contractuelles pouvant conduire à des effets inflationnistes.
a. Le choix de l'indice
Le principe général qui guide le choix
Ne sont autorisés que les indices ayant une
relation directe avec l'objet du contrat ou l'activité de l'une des parties
(quand bien même il ne s'agirait pas d'une activité principale Cass. Civ. 7
mars 1984 Bull civ. I, n° 91)
Par exemple le loyer d'un bail à usage de
boulangerie pourrait être indexé sur le prix du pain ou sur celui du quintal de
farine.
Ce principe est tiré de l'article L 112-2 du
Code monétaire et financier qui est l'ancien article 79 de l'ordonnance du 30
décembre 1958 modifié par l'ordonnance du 4 février 1959 et dont les
dispositions prohibent l'usage des indices n'ayant pas une telle relation
directe.
Les indexations prohibées
Ce texte prohibe également la rédaction de toute clause prévoyant « des
indexations fondées sur le salaire minimum de croissance » et « sur le niveau
général des prix ou des salaires ».
Les indices utilisables, prévus par le législateur
Enfin le législateur guide les parties dans
leur choix en réputant deux indices en relation directe avec l'objet d'une
convention portant sur un immeuble bâti, donc avec un bail :
- l'indice national du coût de la construction publié
par l'INSEE (ICC) ;
l'indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC) [L
112-2 modifié par l'article 47 de la loi 2008-776 du 4 août 2008] ;
Il convient de préciser que si l'indice national du coût de la construction
est d'application générale, l'indice trimestriel des loyers commerciaux ne
s'applique que pour certaines activités commerciales définies par décret.
En application du décret 2008-1139 du 4
novembre 2008, sont concernés les loyers de locaux affectés aux activités
commerciales, y compris celles exercées par les artisans. Selon le MEMENTO
EXPERT DES EDITIONS FRANCIS LEFEBVRE 2009/2010 (cf. page 495 § 48626) « une
lecture littérale du texte incline à penser que seuls les artisans qui exercent
par ailleurs des actes de commerce ont la possibilité d'adopter l'ILC (indice
des loyers commerciaux) ».
L'utilisation de l'ILC n'est pas obligatoire.
D'un point de vue pratique l'ILC a été
instauré à la suite de l'intervention de certaines organisations professionnelles
qui souhaitaient à la fin de l'année 2007 endiguer les fortes hausses des
loyers commerciaux en raison des variations importantes de l'ICC.
II a fallu que le législateur apporte une exception à l'une des
prohibitions retenues à l'article L 112-2 du code monétaire et financier,
ladite exception figurant dans la loi LME du 4 août 2008, en autorisant de
manière limitée certes, l'indexation de loyers de certains commerces (définis
par décret) sur le niveau général des prix.
L'illicéité de l'indice et ses conséquences
Un indice qualifié d'illicite par le juge
peut-il porter atteinte à la validité du bail même si le bail prévoit cette
sanction en qualifiant de déterminante la clause d'indexation ?
Le jurisprudence
répond par la négative (Cass. 3e civ. 9 juillet 1973 N° 72.12-660
Bull. civ.
III
n° 467, Cass. 3e civ.
14 juin 1983 81 n° 81.12-764 Rev. Loyers 1983 p 446). Seule la nullité de la
clause est retenue ; la nullité du contrat dépendrait en quelque sorte de la
volonté du bailleur qui pourrait remettre en cause le droit au renouvellement
qui est un des droits fondamentaux reconnu au locataire par le statut des baux
commerciaux.
b. Le sens de la variation de
l'indice
La variation de l'indice doit être prise en compte quel que soit son
sens, en conséquence le loyer indexé pourra être inférieur ou supérieur au
loyer avant le jeu de la clause d'échelle mobile.
Le bailleur peut-il en accord avec le locataire ne
retenir qu'un indice qui varie à la hausse ? Il n'existe pas de jurisprudence
en la matière.
En matière de baux d'habitation une réponse
ministérielle ne l'exclut pas (Rep. Min. 40721 8/07/96).
B.- La mise en œuvre de la
variation de l'indice et ses effets
Une fois le bon indice retenu, ce sont les parties qui décident de la
périodicité de la prise en compte de son évolution (a.), ce qui a pour effet
d'activer le jeu automatique de la clause d'indexation (b.).
a. La périodicité de la révision
En générale la révision est annuelle. Cette périodicité ne risque pas
d'être confondue avec celle, triennale, de la révision légale.
L'avantage de la présence de la clause
d'échelle mobile dans le bail réside dans cette fréquence. Point n'est besoin
d'attendre trois années comme pour la révision légale.
Le principe de la liberté contractuelle a pu
amener les parties à prévoir une période de variation de l'indice supérieure à
celle de la périodicité de la variation du loyer prévue au contrat.
L'effet inflationniste qui pouvait résulter
d'un tel comportement a été bloqué par le législateur qui, dès 1959 (soit près
de six ans après l'arrivée du statut de baux commerciaux), a interdit que la
période de variation de l'indice déborde celle de la variation du loyer.
En revanche les parties peuvent prendre pour
base de l'indexation un indice antérieur à l'origine du bail (CA PARIS 28 AVRIL
1988 n° 86-12.702 16ème chambre B Sté SOFIBUS/ STE SMT)
La période de révision n'est pas uniquement
liée à l'écoulement d'une période déterminée et fixe. Les parties peuvent
prévoir que la révision selon la clause d'échelle mobile aura lieu lorsque la
variation de l'indice aura atteint un certain seuil (Cass. Com. 27 janvier 1960
n° 2.116 Civ. 54, Bignon c/ Limousin : Bull. civ. III n° 40).
b. Les conséquences dans les rapports contractuels, liées à la présence de
la clause d'échelle mobile.
Les parties ont une certaine latitude pour agir sur le régime de la
clause d'indexation.
Le bailleur fera jouer la clause auprès du locataire
sans formalisme particulier : il suffit que le contenu de la clause exprime
l'existence d'une variation automatique (Cass.3ème civ. 2octobre
1985 Loyers et copropriété 1986 comm. 33 et Cass. 3ème civ. 5
février 1992, n° 89.20-378 GP 1992 1 p 369, commentaire Jehan-Denis BARBIER).
Il a été jugé que
stipuler que le loyer « sera révisable », suffisait (Cass. Civ. 23 février
1982, Rev. Loy. 1982, 250).
En conséquence :
•
l'absence de demande en révision
du bailleur ne dispense pas le preneur de régler le loyer résultant du jeu de
la clause d'échelle mobile à condition toutefois, que le bailleur ait calculé
lui-même le montant du nouveau loyer et ait porté ce dernier à la connaissance
du preneur ;
•
si le preneur attend que la
révision soit demandée alors même que le montant du nouveau loyer a été porté à
sa connaissance, il s'expose à ce qu'un commandement de payer visant la clause
résolutoire lui soit délivré ;
•
l'absence de révision du loyer par
le bailleur durant plusieurs années, ne vaut pas en elle-même renonciation au
jeu de la clause d'indexation (Cass. 3e civ. 26 janvier 1994, AJPI,
1994 p 360 obs. J-P BLATTER), sauf une intention contraire manifestée sans
équivoque.
Sur ce dernier point, il est intéressant de
relever que si la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil
(qui a fait disparaître l'ancien article 2277), peut atteindre le loyer et
l'action en paiement qui lui est propre, elle n'atteint pas l'indexation, de
sorte qu'il est possible pour le bailleur de demander les loyers non prescrits
au montant résultant d'une indexation ininterrompue depuis la période de
référence (CA TOULOUSE, 3e chambre 8 juillet 2004 Loyers et
copropriété 2005 comm. 42 obs. VIAL PEDROLETTI). En utilisant le même principe,
les erreurs d'indexation peuvent être réparées depuis le début du bail, et non
pas « sur la base du loyer payé à la date du point de départ des cinq années de
prescription » (TI PUTEAUX, 8 octobre 1996 RL 97 p. 252 obs. G. AZEMA).
L'étude de l'article L 145-39 du code de
commerce, qui comporte « un système de révision qui lui est propre »
(Jean-Pierre BLATTER Droit des
Baux commerciaux ed. LE MONITEUR), impliquait
obligatoirement l'étude du jeu de la clause d'échelle mobile, puisque c'est à
partir du quantum du loyer en résultant, que cette révision pourra être
demandée et le loyer éventuellement ajusté à la valeur locative.
Mais, ce mode de révision qui dans son
mécanisme fait appel à des concepts qui lui sont propres (A.-) se rapproche de
celui de la révision triennale et n'exclut pas cette dernière (B.-)
A.- SON MECANISME
a. Condition de recevabilité de
la demande de révision
Il est indispensable que le loyer fixé contractuellement ou par
décision judiciaire se soit trouvé augmenté ou diminué de 25 %, PAR LE JEU DE
LA CLAUSE D'ECHELLE MOBILE.
Le texte prévoyant expressément l'hypothèse de l'augmentation et celle
de la diminution, si le bail stipule que seule l'augmentation sera prise en
compte, le mécanisme ne peut pas jouer (jurisprudence CA DOUAI 2è ch. 2è
section 21 janvier 2010 n° 08/08568 Sté Palocaux c/ SARL Chattawak Distribution
cf. Dictionnaire permanent Gestion immobilière p 483 § 214).
Le texte ne prévoyant pas d'autre condition,
la seule variation suffit à permettre d'intenter l'action en révision, même si
le montant résultant de l'application de l'indice n'a pas été appelé par le
preneur (TGI PARIS 7 janvier 2010 The Conran Shop c/ Le Bon Marché, loyers et
copr. 2010, n° 78 p. 19 note Ph. Hubert Brault).
Lover de référence
La loi dispose qu'il s'agit d'apprécier la
variation par rapport « au prix précédemment fixé contractuellement » d'une
part ou par « décision judiciaire », d'autre part.
Dans le premier cas, il s'agit du loyer initial ou du loyer qui aurait
été modifié en cours de bail en fonction d'un avenant, donc là encore,
conventionnellement.
Dans le second cas, il s'agit du précédent loyer réajusté en
application des dispositions de l'article L 145-39.
En aucun cas il ne fait prendre en compte le loyer issu du dernier
rajustement effectué en application de la clause.
Prenons un
exemple concret : soit un loyer d'origine de 5 000
€ (cinq mille euro). Imaginons que l'indice choisi était, au moment de la
fixation de ce loyer, 10.
Cet indice atteint à un moment donné, par exemple le 20 janvier 2012,
la valeur de 13.
Le loyer atteint donc la valeur de 6 500 €, obtenue par l'opération suivante
5 000 € x 13 divisé par 10
Le quart du loyer d'origine est de 1 250 € ;
l'augmentation est de 1 500 € soit de plus du quart du montant du loyer : le
locataire demande donc la révision le 20 janvier 2012.
Le juge va statuer une à deux années plus tard, mais va fixer la valeur locative à compter du
20 avril 2002.
Admettons qu'il la fixe à 6 000 €. Comme au 20
janvier 2012, jour de la demande en révision, l'indice était de 13, c'est ce
taux d'une part et le prix de 6 000 € d'autre part, qui serviront d'éléments
fixes dans les règles de trois destinées à calculer les augmentations
ultérieures.
Ainsi si l'indice passe à 18 le loyer sera alors :
6 000 X 18
................ = 8 370 €
13
tel est le résultat de
l'adaptation de la clause d'échelle mobile et la clause d'indexation recommence
à jouer sur ce nouveau loyer. Mais il ne faut en aucun cas calculer ainsi : 5
000 € (le loyer d'origine) x 18
................................................. = 9 000 € ;
10
Cette somme représenterait alors le montant du loyer issu du jeu normal
de la clause d'échelle mobile.
Ce mode spécial de révision ne doit pas être confondu avec l'application conventionnelle de la
clause d'échelle mobile ; ainsi, par exemple, le bail peut très bien prévoir
que ladite clause ne trouvera à s'appliquer que lorsque l'indice qui sert de
référence aura augmenté de 10 % ; une telle clause n'est pas nulle (Cass. Com.
27 janvier 1960 Bignon c/ Limousin Bull. civ. III n° 40).
Cas où la révision est impossible
Toute révision est impossible lorsque le loyer total a été payé
d'avance, la dette étant alors éteinte (Cass com 5.01.1961 Bull civ III N° 8).
Cependant si une part seulement du loyer a été
payée d'avance, la révision ne peut être admise que sur celle faisant l'objet
de versements périodiques (Cass. 3ème 12.12.1968 ann. Loyers
1969.1577).
b. Procédure
Auteur de la demande en révision
Bailleur ou preneur. Peu importe depuis
l'arrêt du 16 juin 1993 (Cass. 3e. civ de Grammont / Sté Maine
Restauration Rev. Huissiers 1993 1051).
Au départ la jurisprudence estimait en effet
qu'en période de hausse indiciaire par exemple, c'était le locataire qui avait
intérêt à agir pour limiter cette hausse par la valeur locative supposée alors
plus faible et qu'en période de baisse, c'était au seul bailleur d'agir pour
limiter cette baisse par une demande d'application d'une valeur locative
supposée plus forte.
Mais il se pouvait aussi que la valeur
locative aille dans le même sens que les indices et au- delà de la valeur
résultant de leur variation. La jurisprudence avait prohibé cette pratique et par exemple en cas de hausse
indiciaire supérieure à 25% avait interdit au bailleur de solliciter
l'application de la valeur locative dès lors qu'elle était supposée supérieure
à la hausse résultant de l'indice.
Pourquoi ? Car les juges
estimaient que l'article 28 du décret (aujourd'hui l'article L 145-39) avait
pour objet « non pas d'amplifier les effets de la clause d'échelle mobile, mais
de jouer un rôle modérateur » (Cass. 3e Civ. 16 juin 1993 précité).
La Cour de cassation a écarté cette
jurisprudence ayant en effet estimé que l'article R 145-22 (art. 28 du décret
de 1953 avant la codification de mars 2007 de la partie réglementaire code de
commerce) ne contenait aucune disposition de nature à restreindre le pouvoir
d'appréciation du juge qui doit seulement fixer le montant du loyer à la valeur
locative. Ce mode de raisonnement provient de l'application de l'adage selon
lequel, « là où la loi ne distingue
pas, il n'y a pas lieu de distinguer».
Moment auquel la demande en révision peut être formée
Il s'agit d'appliquer simplement la règle concernant la recevabilité :
c'est à partir du jour où le loyer a varié de plus ou moins 25 % que la demande
peut être formée.
En théorie la demande pourrait être formée à l'issue de la première
année d'application de la clause si l'indice évoluait immédiatement de 25 %.
Forme de la demande en révision
Elle doit être formée soit par exploit d'huissier, soit par lettre RAR
(art. R 145-20 § 2).
Aucune mention légale n'est exigée par les textes (CA PARIS 24 janvier
1957 Gaz. Pal. 1957, 1, 113). Cependant la demande doit préciser à peine de
nullité le montant du loyer demandé ou offert (art. R 145-20)
Le rôle du juge des loyers (qui est le Président du Tribunal de Grande
Instance ou le juge qui le remplace
Le rôle du juge, selon l'article R 145-22 du
code de commerce, est de fixer le loyer à la valeur locative (Cass. 3e
civ. 15 janv. 1992, JCP G 1992, IV, n° 762), quel que soit l'auteur de la
demande en révision et quel que soit le sens de la variation indiciaire.
On indiquera très sommairement pour ne pas
alourdir l'exposé que la valeur locative tient compte largement des prix du
marché mais résulte de l'application par le juge de critères légaux issus de
l'article L 145-33 du code de commerce.
Le loyer fixé par le juge prend effet au jour de la demande (art. R
140-20 § 4 du Code de commerce).
C'est également au jour de la demande de
révision que la valeur locative déterminée remplace le loyer en cours (R 145-22
§ 2). L'indexation recommence donc à jouer dès ce moment.
Corrélativement, la
partie au procès qui a demandé la révision et qui donc, a proposé une valeur
locative, peut modifier sa prétention à la hausse en cours de procédure. Ainsi,
ce n'est qu'à compter de la notification des nouvelles prétentions (Cass. 3è
civ. 23 février 1994, n° 91.20-005, Rev. Loyers 1994 447) que le nouveau prix
réclamé prendra effet. Il s'agit d'appliquer les dispositions de l'article R
145-21 § 2.
La procédure sera menée sur mémoire devant le
Juge des baux commerciaux près du Tribunal de Grande Instance dans le ressort
duquel se trouve l'immeuble sur lequel porte le bail. Concrètement, la partie
qui a effectué la demande en révision auprès de l'autre partie au bail, va
exposer ses moyens de fait et de droit pour obtenir la révision du loyer et si
possible au montant qu'elle souhaite. Cet exposé prend la forme d'un mémoire qu'elle envoie par
lettre recommandé avec AR à l'autre partie, suivant les prescriptions de
l'article R 145-26 du code de commerce.
Ce mémoire pourrait tout à fait être remis par voie d'huissier.
C'est ensuite au plus tôt un mois après la
réception de ce mémoire par son destinataire, que le juge des loyers pourra
être saisi par voie d'assignation (qui peut être succincte, car elle n'a pas à
contenir obligatoirement toute l'argumentation que contient déjà le mémoire).
Il convient de souligner que c'est la mémoire
qui interrompt la prescription de l'action en révision, de deux ans qui court à
compter de la demande en révision.
Durant le cours de l'instance en révision
Selon l'article L 145-57 § 1 auquel renvoie l'article R 145-20, si le
loyer n'a pas encore été fixé provisionnellement par le juge, le locataire est
tenu de payer les loyers courants.
En conséquence
Il est logique d'analyser les conséquences de la procédure instaurée
par l'article L 145-39 sur le quantum du loyer qui peut être retenu.
La révision peut aboutir à une fixation de la
valeur locative plus élevée que le loyer résultant de l'indexation même
lorsqu'elle est à la hausse et a contrario à une fixation de la valeur locative
plus basse que le loyer résultant d'une indexation à la baisse.
Ensuite, une révision sollicitée par le
locataire ne peut en aucun cas aboutir à la fixation d'un loyer au montant
inférieur au montant du loyer initial avant le jeu de la clause d'échelle mobile (CA Paris 22 avril 1980, Gaz.
Pal. 1980, 2, jurispr. 608).
Si les parties ne peuvent pas interdire dans
le bail le jeu de l'article L 145-39, ce système peut être contourné par le jeu
de la révision triennale pouvant aboutir à un loyer égal à la valeur locative.
L'on peut donc parler d'une relative autonomie de l'article L 145-39.
B.- UNE INDEPENDANCE RELATIVE
Comme l'article L
145-38, l'article L 145-39 est d'ordre public (a.). Au surplus les deux actions
en révision peuvent se cumuler (b.).
a. Le caractère d'ordre public des
dispositions de l'article L 145-39 et ses conséquences.
Les dispositions de l'article L 145-39 (comme
celles de l'article L 145-38) sont, aux termes de l'article L 145-15, d'ordre
public, ce qui signifie que toute clause qui a pour effet de faire échec à ce
système est nulle. Tel est le cas de la clause par laquelle les parties
s'engagent à ne pas demander en cours de bail la révision du prix fixé d'un
commun accord pour la durée du contrat (Cass com. 20.05.1963 Bull civ III234).
La nullité de la clause n'affecte pas le bail
entier, même si une clause prévoyait la nullité du bail en cas de nullité de la
clause de révision (Cass civ 3 20.02.1969 Bull civ n° 165).
Mais si les conditions des révisions légales ne
peuvent être modifiées ou a fortiori écartées expressément lors de la signature
du bail, il n'en va pas de même lors de son exécution. Autrement dit, en cours
de bail, si bailleur et preneur y consentent, le mécanisme de la fixation du
loyer révisé peut résulter de la seule volonté des parties (Cass. Com. 14.10
1963 Bull civ III 404, Cass 3è civ 30.01.2002 RJDA 4/02 n° 361, Cass. 3è civ 5.04.2005
RJDA 12/05 n° 1324).
b. Le cumul des actions en
révision
Ce ne sont pas les effets des deux modes de révision
légales qui se cumulent mais les actions.
En
d'autres termes les actions peuvent coexister parce que leurs conditions d'ouverture
sont simultanément remplies.
L'expression « en outre » par laquelle débute
l'article L 145-39 démontre que le législateur n'a pas entendu exclure la
révision du loyer prévue par l'article L 145-38 même en présence d'un bail
contenant une clause d'indexation.
En
d'autres termes ce ne sont pas les effets des deux modes de révision légales
qui se cumulent mais les actions.
De plus la jurisprudence a interdit à chaque
partie de renoncer dans le bail, donc par anticipation, à l'application des
articles L 145-37 et L 145-38 du code de commerce qui encadrent la révision
triennale.
En conséquence :
-
il est admis que si les conditions
de révision des articles L 145-38 et L 145-39 sont réunies, les parties ont le
choix entre les deux actions (CA Paris 3è civ. 16 décembre 1998 administrer
mars 1999 p. 23 ; Loyers et copropriété 1999 comm. 126) ;
-
il est admis également que la
révision de l'article L 145-38 peut être demandée si les conditions de la
révision contractuelle ne sont pas réunies (Trib. civil Lille 21 juin 1960 Gaz.
Pal. 1960, 2, p 248.), même si l'indice disparaît (Art. R 145-22) ou encore si
les parties, en cours de bail renoncent de manière non équivoque à la révision
consécutive à une indexation (la renonciation en pouvant résulter du simple
fait que le bailleur ne se soit pas prévalu de l'indexation pendant plusieurs
années selon une jurisprudence constante).
Ainsi le bailleur ou le locataire pourront solliciter
celle des variations indiciaires qui leur est la plus avantageuse, ou bien
solliciter la valeur locative.