mercredi 6 mai 2020

La forme du congé : êtes-vous bailleur ou locataire, locataire principal ou sous-locataire ?


Cass. 3e Civ., 24 octobre 2019 n° 18-24.077


Rappel : les articles cités, sont ceux du code de commerce.

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L'enjeu, concernant les litiges portant sur la forme du congé délivré par le preneur, pour mettre fin au bail, est important puisqu'en cas de nullité de ce congé, le preneur, est tenu de continuer à régler les loyers et charges dus au titre du bail.


On se souvient qu’avant la loi Pinel, le congé délivré par lettre recommandée avec AR n’était pas valable. Puis avec cette loi, bailleurs et locataires avaient le choix entre la lettre recommandée et l’acte d’huissier (l’acte extrajudiciaire). 


Puis, dernière en date sur ce point, la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, est encore venu modifier la solution. 

Concrètement avec cette loi, l’article L. 145-9 maintient le principe de la signification du congé par acte d’huissier en supprimant l’emploi de la lettre RAR, mais l’article L. 145-4 en son alinéa 2 "ré" instaure le choix entre la lettre RAR et l'acte extrajudiciaire pour le congé triennal du preneur .

Par transposition, le sous-locataire qui donne congé à son bailleur, le locataire principal, retrouve donc le choix, comme un preneur vis-à-vis de son bailleur.


Dans cette espèce la Cour de cassation réaffirme ce principe dont l’explication ne pose aucune difficulté, mais qui comme le relève un praticien, l'application dudit principe est toujours source d’erreurs :

« Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 145-4 et L. 145-9 du Code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2015 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 septembre 2018), que, le 1er septembre 2010, la société Sanor Aeos, locataire principale de locaux à usage commercial, en a sous-loué une partie à la société Qualiterre ; que, par lettre recommandée du 18 février 2016, celle-ci lui a donné congé pour l'échéance triennale du 1er septembre 2016 ;

Attendu que, pour déclarer nul ce congé, l'arrêt retient que le congé visant à mettre un terme à un bail commercial ne peut être délivré par le preneur que dans les délais et suivant les modalités prévues par l'article L. 145-9 du Code de commerce qui, dans sa version applicable au 16 février 2016 et issue de la loi du 6 août 2015, imposait la délivrance du congé par acte extrajudiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 145-4, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, confère au preneur la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE (...) ».

vendredi 1 mai 2020

Rappel : l'incidence de l'évolution des facteurs locaux de commercialité doit avoir été favorable au commerce considéré.

Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 3 février 2016
Répertoire général n° 14/02220


Des bailleurs prétendaient que les juges du fond n'étaient "pas tenus de rechercher si la modification notable des facteurs locaux de commercialité a[vait] eu une incidence notable sur l'activité du preneur s'agissant d'une notion générale visant un type de commerce et non le commerce particulier lui-même".

Cet argument était intelligent réalisant l'équilibre entre la volonté de ne pas tenir compte de l'activité en cause et celle de trop s'y accrocher; étudier l'évolution des facteurs locaux de commercialité en fonction du type d'activité...pourquoi pas; au commerçant de faire en sorte d'adapter son type commerce à la manne des chalands ou des nouveaux habitants de son quartier. L'idée n'est pas incongrue.
Pourtant la Cour ferme la porte à cette argumentation et rappelle clairement :
"Néanmoins, l'article R. 145-6 du code de commerce disposant que 'les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville...' il y a lieu de retenir qu'il ne suffit pas de constater l'existence d'une modification des facteurs locaux de commercialité mais que ne doivent être prises en considération que les modifications s'étant traduites par une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur dans le respect de la destination contractuelle et qui doit donc s'apprécier in concreto." 

Le bailleur avait également avancé l'argument selon lequel l'évolution notable et favorable des facteurs locaux de commercialité avaient eu lieu pour une activité autorisée (bar à vins) par le bail et abandonnée par le locataire au profit de l'autre (caviste). 

La Cour rappelle à juste titre, que l'abandon de cette activité, antérieur à l'évolution des facteurs locaux de commercialité, n'avait pas été volontaire car peu rentable, affirmant implicitement sa légitimité et que dès lors on ne devait pas tenir compte de l'influence de ces facteurs sur cette activité disparue comme moyen de "déplafonnement".