Cass. 3e civ., 31 mai 2012 n° 11-15.580, n° 660 P+B
Raab c/ Oktay Kuru
Article L 145-5 du code de commerce : "Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que le bail soit conclure pour une durée au plus égale à deux ans.
Si à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les disposition du présent chapitre.
Il en est de même en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'un location à caractère saisonnier."
Pour simplifier on dira que l'alinéa trois de cet article, "sanctionne" par l'application du statut des baux commerciaux le bail dérogatoire qui succède à un autre bail dérogatoire, que ce deuxième bail soit issu d'un renouvellement exprès ou d'un nouveau contrat, dès lors qu'il concerne les mêmes parties et les mêmes locaux.
Mais que se passe-t-il si un deuxième bail dérogatoire est conclu entre les mêmes parties, sur le même local, mais pour une activité totalement différente de la première concernée par le premier bail dérogatoire ?
Dans cette affaire, un premier bail dérogatoire avait donc été conclu pour une activité de "video club, location vente". Puis les mêmes parties, ont conclu un second bail dérogatoire, dans le même local, mais cette fois-ci pour le commerce de vente de fleurs au détail....
Le second bail dérogatoire sur le point d'expirer, le bailleur a donné congé pour l'expiration de ce bail (normal) mais le locataire revendique le statut des baux commerciaux.
Le bailleur fait valoir que la seconde activité était totalement différente de la première et que par conséquent le second bail était nouveau au sens des dispositions de l'article L 145-5. L'idée était intéressante voir séduisante.
La Cour d'appel n'accepte pas ce raisonnement et la Cour de Cassation rejette le pourvoi du bailleur. Il est fait droit à la demande du preneur. En effet pour revendiquer les statut des baux commerciaux il faut seulement que le second bail soit conclu entre les mêmes parties et qu'il porte sur le même local, ce qui était le cas en l'espèce.
La Cour d'appel comme la Cour de cassation ont utilisé à juste titre le principe selon lequel il ne faut pas ajouter des conditions à la loi, que celle-ci ne contient pas. L'alinéa trois de cet article L 145-5 ne mentionne pas l'activité comme critère supplémentaire pour savoir si le statut s'applique ou non. En d'autre termes pour que le preneur bénéficie du statu il suffisait seulement que le second bail dérogatoire soit conclu entre les mêmes parties sur le même local sans que soit exigé que la seconde activité soit identique à la première.
Le seul commentaire qui me paraît intéressant - de mon point de vue bien sûr- et que je ne cesserai de répéter, est que pour bien apprécier la loi il faut appliquer deux principes :
* ne pas ajouter au texte une ou plusieurs conditions d'application qu'il ne contient pas ;
* là où la loi ne distingue pas, il ne faut pas distinguer (ubi lex non distinguit, non distingere debemus et non pas bébé mousse....)
Bonjour Maître, très intéressant même pour un profane.
RépondreSupprimerUna variante, que j'ai observé chez mes pairs entrepreneurs et commercants de la région parisienne, est que le bailleur pour faire signer un 2e bail dérogatoire, ajoute ou enlève un élément de surface.
C'est à dire qu'il ajoute à la surface actuellement louée un garage, une cave, une pièce, et juste avant l'issue du premier bail ... fait signer un nouveau bail dérogatoire contenant cette nouvelle surface.
Deux années plus tard, il la retire, puis deux années plus tard il la remet.
Bien que cela n'ai jamais dans mon entourage mené à litige, je me suis souvent demandé ce qu'il en était au niveau légal.
Dans la mesure où vous écrivez "je me suis souvent demandé" "é" et non "ée", j'en déduis que je dois commencer ma réponse par cher Monsieur.
RépondreSupprimerCher Monsieur,
il y aurait place pour l'application de l'adage "la fraude corrompt tout". Ceci étant si ce phénomène dont j'avoue que je ne connaissais pas l'existence, (comptant que cette franchise renforce ma crédibilité) se reproduit régulièrement, c'est que le preneur y trouve son compte...sinon cela aurait été jugé jusqu'en cour de cassation. D'où la question n'y a-t-il pas corrélativement à cette relative précarité un loyer plus modeste que celui qui serait généré par l'octroi du statut ?
Sentiments dévoués.