La nouvelle procédure devant le tribunal judiciaire
Les dispositions du Livre II du code procédure civile intitulé « DISPOSITIONS PARTICULIERES A CHAQUE JURIDICTION », ont donc été réécrites.
Effectivement,
l’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022
et de réforme pour la justice, crée en son article 95, un tribunal
judiciaire qui fait disparaître TGI et TI.
Ce
tribunal judiciaire a une compétence propre, et par ailleurs, héberge
plusieurs juridictions : son Président, que l’on peut saisir en référé ou
par voie de requête, le juge des contentieux de la protection[1], les chambres de proximité[2], le JAF, le juge de l’exécution.
Bien
entendu, il vit aux côtés des autres juridictions civiles que
nous connaissons, le Tribunal paritaire des baux ruraux, le Conseil de
Prud’hommes[3]
et le Tribunal de commerce.
En
pratique les domaines d’intervention (je différencie ce concept, tenant
à des conditions matérielles de celui de la compétence, tenant à la loi)
du Tribunal judiciaire pourront varier en fonction de critères purement
matériels. Par exemple, si la juridiction « tribunal judiciaire »
d’un département X est juridiquement comme tous les tribunaux judiciaires compétent
pour traiter du contentieux des baux commerciaux, matériellement il pourra lui
être retiré par décret en conseil d’Etat le traitement des dossiers relatifs
aux baux commerciaux, au profit d’un autre tribunal judiciaire du même
département ou du département voisin Y parce que l’Etat a souhaité tenir compte
du volume des affaires concernées et de la technicité de cette matière[4].
D’ailleurs
c’est justement ce qui est opéré par un nouvel article R.211-4.I. inséré au
début de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du
livre II du COJ, par l’article 3 du
décret n° 2019-912 du 30 août 2019[5]. Ce nouvel article
R.211-4.I. stipule ce qui suit :
« En
matière civile, les tribunaux judiciaires spécialement désignés sur le
fondement de l’article L.211-9-3 connaissent seuls, dans l’ensemble du
département ou, dans les conditions prévues au III de l’article L.211-9-3, dans
deux départements, de l’une ou plusieurs des compétences suivantes :
(…)
2°
Des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L.145-1 à
L.145-60 du code de commerce. »
Donc
bien évidemment, cet article R.211-4 est précédé par l’article R.211-3-26
nouveau, qui stipule :
« Le
tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées
par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières
suivantes :
(…)
11°
Baux commerciaux à l’exception des contestations relatives à la fixation du
prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions
d’occupation précaire en matière commerciale… ».
Cet
alinéa permet de penser que la compétence du juge des loyers, qui donc sera
incarné par le Président du tribunal judiciaire, est maintenue.
Aux
termes du nouvel article R.211-3-25 du COJ, « Dans les matières pour
lesquelles il a compétence exclusive, et sauf disposition contraire, le
tribunal judiciaire, statue en dernier ressort lorsque le montant de la demande
est inférieur ou égale à la somme de 5 000 € ».
Il
s’évince de ce qui précède, que si juridiquement tous les tribunaux judiciaires
sont compétents en matière de baux commerciaux, seuls matériellement certains
et avec eux a priori leur Président, se verront attribuer la possibilité des
les traiter, à charge d’appel ou en dernier ressort. En conséquence le lieu de
l’immeuble n’est plus un critère automatique de compétence en la matière.
Les
mentions obligatoires de la nouvelle assignation
On
précisera d’emblée que le Tribunal judiciaire en tant que juridiction remplaçant
le TGI, sera saisi par une assignation contenant une date et le numéro de la
chambre concernée. La constitution à quinzaine doit donc disparaître, mais il
existe une période de transition jusqu’au 1er septembre 2019 ;cf. in fine.
Les
articles actuels 54, 55 et 56 du code de procédure civile relatifs aux mentions
que doit contenir l’assignation sont réécrits par l’article 1er du
décret 2019-1333 du 11 décembre 2019. L’article 54 nouveau regroupe toutes les
mentions obligatoires à peine de nullité pour l’assignation et la requête,
tandis que les nouveaux articles 55 et 56 sont spécialement dédiés à l’assignation.
« Art.
54.- La demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou
adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement
par les deux parties.
« Lorsqu’elle
est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de
nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur
lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. Elle peut comporter
l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur.
« A
peine de nullité, la demande initiale mentionne :
« 1°
L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
« 2°
L’objet de la demande ;
« 3°
a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité,
date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
« b)
Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et
l’organe qui les représente légalement ;
« 4°
Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour
la publication au fichier immobilier ;
« 5°
Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou
de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution
amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative ;
« 6°
L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision
que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement
soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
« Art.
55.- L’assignation est l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur
cite son adversaire à comparaître devant le juge.
« Art.
56.- L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites
pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :
« 1°
Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;
« 2
Un exposé des moyens en fait et en droit ;
« 3°
La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui
lui est annexé.
« L’assignation
précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
« Elle
vaut conclusions. »
L’article
4 du décret sus-visé est relatif au Tribunal judiciaire ; il réécrit le
titre 1er du livre II du code de procédure civile. La numérotation
qui va suivre concerne donc les nouveaux articles du CPC. Ne seront détaillées
que les dispositions essentielles.
Art.
750 – 1
Le
recours au juge pour une demande n’excédant pas 5000 € doit être précédé, sous
peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, soit d’une tentative
de conciliation (menée par un conciliateur de justice), soit d’une tentative de
médiation ou d’une tentative de procédure participative.
Le
deuxième alinéa de cet article dresse la liste des dispenses de recours aux
MARDL.
Art.
751
« La
demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée
par tout moyen au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde
des sceaux. »
Art.
752
« Lorsque
la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux
articles 54 et 56, l’assignation contient à peine de nullité :
1°
La constitution de l’avocat du demandeur ;
2°
Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat.
Le
cas échéant, l’assignation mentionne l’accord du demandeur pour que la procédure
se déroule dans audience en application de l’article L.212-5-1 du COJ. »
L’avant
dernier alinéa du nouvel article 761 du CPC dispose : « Dans les matières
relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les parties sont
tenus de constituer avocat, quel que soit le montant de leur demande.
Quel
est le délai dans lequel l’avocat du défendeur doit se constituer ?
Quinze
jours comme actuellement (cf. nouvel article 763 du CPC). Une nouveauté
toutefois relative au contenu de la constitution : le défendeur peut y faire
figurer son accord pour que la procédure se déroule sans audience.
Que
faire de la première expédition qu’en notre qualité d’avocat du demandeur l’huissier
de justice nous transmets ?
Selon
Le nouvel article 754 du CPC, il convient de la placer au greffe de la chambre
concernée par RPVA (cf. art. 748-1 du CPC). C’est ainsi comme vous le savez que
la juridiction est saisie. ATTENTION : le délai de placement est réduit
à deux mois ! C’est l’article 754 alinéa 2 du CPC.
A
ce stade on ne peut que reprendre à la lettre les termes de la loi :
Si
la date d’audience qui vous a été donnée pour assigner, l’a été autrement que
par l’intermédiaire du RPVA, ou si le RPVA vous donne une date à moins de deux
mois du jour où vous la prenez, il faut placer l’assignation au moins quinze
jours avant la date d’audience que l’on vous a donné.
Si
vous ne respectez pas ces délais, la sanction est celle de la caducité, ce qui
n’est pas nouveau, constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à
la requête d’une partie. On rappellera que dès lors que l’assignation est
déclarée caduque, elle perd son effet interruptif de prescription[8]. Cette ordonnance de
caducité ne pourra être rapportée qu’en cas d’erreur du juge (cf. art. 407 du
CPC).
Pour
le reste il est procédé comme il est dit aux nouveaux articles 765 à 768 du
CPC, relatifs à la constitution et aux conclusions et l’on reste dans les
formalités et le contenu des écritures tels qu’on les connait actuellement
devant le TGI.
Pour
ce qui concerne les baux commerciaux, devant le tribunal judiciaire (l’ancien
TGI au fond ainsi qu’on l’aura compris) la procédure est écrite, aucune
disposition contraire la rendant orale (cf. nouvel article 775 du CPC).
S’en
suit une audience d’orientation de l’affaire et le cas échéant une mise en
état, décrite aux nouveaux articles 775 à 807 du CPC.
Il
convient de souligner que dorénavant, à compter du 1er janvier 2020,
le juge de la mise en état est doté d’une compétence supplémentaire :
celle de statuer sur les fins de non-recevoir.
Il
convient de se reporter aux dispositions du 6° du nouvel article 789 du CPC,
qui remplace l’ancien article 771.
On
précisera, qu’il résulte des dispositions des article 814 et 815 nouveaux, du
CPC, que vous serez informé(e) de l’attribution de votre affaire à un juge
unique ou a une formation collégiale.
Si
à la suite de l’information selon laquelle l’affaire est renvoyée devant un
juge unique votre client souhaite qu’elle soit attribuée à une formation
collégiale, vous aurez alors 15 jours à compter de la date de cette information
pour faire connaître la volonté de votre client, à peine de forclusion.
ATTENTION L'ASSIGNATION SANS DATE TELLE QUE NOUS LA CONNAISSONS ACTUELLEMENT EST MAINTENUE JUSQU'AU PREMIER SEPTEMBRE 2020. MAIS PAR PRECAUTION JE RECOMMANDE DE LA PLACER DANS LE DELAI DE DEUX MOIS NOUVELLEMENT PREVU PAR LA REFORME.
ATTENTION L'ASSIGNATION SANS DATE TELLE QUE NOUS LA CONNAISSONS ACTUELLEMENT EST MAINTENUE JUSQU'AU PREMIER SEPTEMBRE 2020. MAIS PAR PRECAUTION JE RECOMMANDE DE LA PLACER DANS LE DELAI DE DEUX MOIS NOUVELLEMENT PREVU PAR LA REFORME.
Si cet article vous a été utile ce serait sympathique de vous abonner à mon blog.
[1] Art. 95
29° : « Après la sous-section 3 de la section 1 du chapitre III du
titre Ier du livre II, est insérée une sous-section 3 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 3bis
« Sous-section 3bis
« Le juge des contentieux de la protection
« Art.L.213-4-1.- Au sein du tribunal judiciaire, un ou plusieurs juges exercent les fonctions de juge des contentieux de la protection… ». Les articles suivants ont trait à la compétence spécifique au JCP. Il est coutume de dire que sa compétence matérielle reprend peu ou prou celle du Tribunal d’Instance.
« Art.L.213-4-1.- Au sein du tribunal judiciaire, un ou plusieurs juges exercent les fonctions de juge des contentieux de la protection… ». Les articles suivants ont trait à la compétence spécifique au JCP. Il est coutume de dire que sa compétence matérielle reprend peu ou prou celle du Tribunal d’Instance.
[2]
L’article L.95 26° ajoute au COJ un article L.212-8 ainsi rédigé :
« Le tribunal judiciaire peut comprendre, en « dehors de son siège,
des chambres de proximité dénommées « tribunaux de proximité », dont
le siège et le « ressort ainsi que les compétences matérielles sont fixées
par décret.
« Ces chambres peuvent se voir attribuer, dans
les limites de leur ressort, des compétences matérielles
« supplémentaires, par une décision conjointe du premier président de la
cour d’appel et du procureur général « près cette cour, après avis des
chefs de juridiction et consultation du conseil de juridiction
concernés. »
[3] Le
greffe du Tribunal judiciaire pourra être amené à intégrer le greffe du CPH
(cf. art.95 6° b de la loi)
[4] Art. 95
17° de la loi qui ajoute au COJ l’article L 211-9-3.- I : « Lorsqu’il
existe plusieurs tribunaux judiciaires « dans un même département, ils
peuvent être spécialement désignés par décret pour connaître seuls dans
« l’ensemble de ce département :
« 1° de certaines des matières civiles dont la
liste est déterminée par décret en Conseil d’Etat, en tenant compte du volume
des affaires concernées et de la technicité de ces matières ».
[5]
Rappelons que ce décret, par ses articles 2 à 39 modifie la partie
réglementaire du COJ.
[6] Cf.
article L 95 22°qui ajoute à l’article L.212-1 du COJ un alinéa :
« Dans les matières disciplinaires ou relatives à l’état des personnes,
sous réserve des dispositions particulières aux matières de la compétence du
juge aux affaires familiales et du juge des contentieux de la protection
mentionné à l’article L.213-4-1, le tribunal judiciaire ne peut statuer à juge
unique ».
[7] Cf.
article L 95 23° modifiant l’article L.212-2 dans les termes suivants :
« Lorsqu’une affaire, compte tenu de l’objet du litige ou de la nature des
questions à juger, est protée devant le tribunal judiciaire statuant à juge
unique, le renvoi à la formation collégiale peut être décidé, d’office ou à la
demande de l’une des parties, dans les cas prévus par décret en Conseil d’Etat.
Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas
susceptible de recours. »
[8] Cass.
Ass. plén. 3 avril 1987 n° 86-11.536 bull. civ. n° 2 et Cass. 1ère
civ. 17 mai 1988 n° 86-10.817 Bull.civ. I n° 147.