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mardi 14 novembre 2023

La clause résolutoire définitivement acquise et le caractère inopérant de la mauvaise foi lors de sa mise en oeuvre...

 Cass. 3ème civ., 26 octobre 2023 n° 22-16216 B


C. com. L. 145-41 :" Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge."

Dans cette affaire le juge des référés octroie des délais de paiement de 24 mois à un locataire et suspend les effets de la clause résolutoire dans des termes tout à fait classiques. Son ordonnance devient évidemment définitive, le locataire ayant eu gain de cause.

Tout le monde connait les sanctions qui s'attachent au non respect des délais accordés.

Le locataire ne respecte pas les délais, et il lui reste donc un solde locatif à payer. Il est expulsé sur le fondement de ces manquements dans l'exécution des prescriptions de l'ordonnance.

Le locataire attaque l'expulsion et se plaint auprès de la justice qu'au jour de son expulsion il ne devait plus qu'une somme minime au regard de sa dette de départ qui était élevée, et que de plus il avait, à un moment donné, payé plus rapidement que prévu une grande partie de sa dette.

Il en conclut que le bailleur l'a expulsé à tort en faisant jouer la clause résolutoire de mauvaise foi.

La Cour d'appel lui donne raison, mais son arrêt est réformé par la Cour de Cassation.

Au regard de l'article 145-41 du code de commerce il n'y a, si l'ordonnance de référé définitive n'a pas été respectée à la lettre par le locataire, plus de possibilité pour le locataire d'invoquer la mauvaise foi du bailleur. Le bailleur peut exécuter sans crainte ladite ordonnance et procéder à l'expulsion du locataire, devenu occupant sans droit ni titre.

Observations: bien évidemment tout cela sous réserve de la réalité de la non-exécution complète de l'ordonnance. Cette décision ne se comprends que si l'on retient que le locataire avait obtenu ses délais de paiement qu'il avait demandés, sans soulever la mauvaise foi existante lors de la délivrance du commandement. On peut y voir une renonciation à invoquer la mauvaise foi. Le locataire se trouve dans la même position que le bailleur qui, connaissant l'infraction du locataire renouvelle le bail : il ne peut plus invoquer cette infraction. Là le locataire demande des délais en premier lieu, il ne peut plus se prévaloir d'un vice de fond du commandement en ayant implicitement renoncé à l'invoquer, "vice de fond" que constitue la mauvaise foi. On suppose qu'il connaissait ou était sensé connaître les raisons de la mauvaise foi.

Il n'y a donc place pour la mauvaise foi du bailleur en matière de clause résolutoire, qu'avant toute demande de délais et de suspension des effets de la clause résolutoire de la part du locataire.


vendredi 29 juillet 2022

La fixation de la provision de loyer durant la procédure en fixation du prix du bail renouvelé devant le juge des loyers : à argumenter de part et d'autre !

 Cass. 3ème civ., 11 mai 2022 

n° 20-21.651 (joint avec 689 et 652)

 

R.145-23 du code de commerce : "Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble".

NB Cet arrêt a ordonné la jonction de trois pourvois entre les mêmes parties, il n'est question ici que d'un des trois pourvois tranchés par cet arrêt.

Pour bien comprendre l'intérêt de la question il faut juste préciser quelques faits contenus dans l'arrêt d'appel (PAU 09/09/2020, n° 19/00730).

DANS CETTE AFFAIRE, la locataire saisit le juge des loyers pour faire fixer le prix du loyer du bail dont le renouvellement a été accordé par la bailleresse.

Le juge des loyers ordonne une expertise et le temps que la solution soit apportée, fixe un loyer provisionnel. Le montant de ce dernier est celui que la bailleresse avait demandé dans son mémoire.

L'expert rend son rapport et le montant du loyer qu'il préconise est inférieur au montant du loyer provisionnel versé durant l'expertise par la locataire.

Je juge des loyers suit l'expert sur le montant du loyer, mais refuse de faire droit à la demande de condamnation formulée par la locataire  en remboursement du trop-perçu de loyers par la bailleresse, estimant que cette demande dépasse ses pouvoirs.

La cour d'appel se range de l'avis du premier juge et est elle-même suivie par la Cour de cassation: une demande de condamnation excède la compétence du juge des loyers commerciaux telle que réglementée par l'article R.145-23 du code de commerce.

 

mardi 11 mai 2021

L'exception d'inexécution justifiant le non paiement des loyers et bloquant l'acquisition de la clause résolutoire; rappel du principe selon lequel l'obligation de délivrance s'applique pendant la durée du contrat et pas seulement lors de sa conclusion.

 Cour de cassation 3ème chambre civile

10 septembre 2020 pourvoi n° R 18-21.890

 

Texte de loi visé par la Cour de cassation : article 1719 du code civil

Dans cette affaire, le bailleur délivre un commandement de payer des loyers, en visant la clause résolutoire.

Le locataire lui oppose l'exception d'inexécution et fait valoir que selon la règlementation relative à l'amiante, il y a trop de fibres d'amiante dans l'air,  ce qui empêchait le commandement de produire son effet. Il estime que les lieux sont inexploitables.

Le locataire avait dû déménagé, c'est pour cela également qu'il demandait des dommages-intérêts. 

Le Tribunal lui a donné raison. 

La cour d'appel a infirmé le jugement et expliqué que les nouvelles normes concernant l'amiante sont postérieures au contrat de bail et que le locataire ne pouvait les invoquer.

La Cour de Cassation a censuré la cour d'appel : l'obligation de délivrer un local pouvant être exploité conformément à sa destination est continue, et ne s'exécute pas seulement au moment de la signature du contrat. 

Observations : le principe de l'existence de l'obligation de délivrance, pendant toute la durée du contrat était pourtant bien établi !

Ce qu'il faut noter c'est que tout comme l'absence de bonne foi au moment de la délivrance du commandement, l'exception d'inexécution paralyse le commandement de payer, à partir du moment où elle est fondée sur une impossibilité totale d'exploiter les lieux à cause du bailleur, même si parfois la jurisprudence n'est pas claire et qu'une impossibilité partielle semble prise en compte. En l'espèce l'impossibilité d'exploiter était établie le locataire ayant été obligé de quitter les lieux après la mesure du nombre de fibres d'amiante dans l'air. Il ne pouvait en être autrement,  sauf à considérer que l'obligation de délivrance ne devait exister que ponctuellement lors de la signature du contrat.

Il faudra toujours que le locataire soit prudent quant à l'établissement et la conservation de la preuve de l'inexécution par le bailleur. Bien évidemment, des réclamations, des sommations, des constats d'huissier, des témoignages seront indispensables pour permettre au juge de caractériser la violation de l'obligation de délivrance.

samedi 18 avril 2020

L'immatriculation et la revendication de l'application du statut : article précédent complété


L’intérêt de l’immatriculation

Elle est pour le preneur, la clef lui permettant de demander le bénéfice du statut lorsqu'il est titulaire d'un bail commercial, ou de faire admettre la requalification du contrat pour obtenir le bénéfice du statut des baux commerciaux.

Dès lors, le renouvellement du bail, pierre angulaire de l’édifice statutaire, est soumis à cette immatriculation, qu’il soit demandé ou offert (même plusieurs années à l’avance)[1].

Mais d’une manière générale, le locataire doit être immatriculé, dès lors qu’il sollicite l’application du statut et pas exclusivement le renouvellement de son bail[2].


Qui doit être immatriculé ?

-          Le locataire commerçant ;

-          L’indivisaire qui exploite le fonds ;

-          Les époux coexploitants ;

-          Le nu-propriétaire même non-exploitant[3] ;

-          L’héritier d’un locataire qui n’avait pas l’obligation de s’immatriculer ;

-          L’exploitant d’un établissement secondaire[4] même si son établissement principal est immatriculé. Attention cependant à ce qu’un local accessoire (qui n’est pas un établissement secondaire et comme tel n’a pas à être immatriculé) ne devienne pas « en cours de route » un établissement secondaire (en venant à recevoir de la clientèle) (cf. Traité des baux commerciaux de M. J-P Blatter Ed. le Moniteur).


Quand le locataire doit-il être immatriculé ?

Dans mon précédent article cette partie était intitulé : le locataire doit-il être immatriculé à tout moment et effectivement cette question ne se posait que lorsqu'un bail commercial était conclu dès le départ, sans aucune autre problématique. 
Mais au cours de mes recherches, effectivement, me sont apparues des questions connexes m'obligeant à élargir ma question d'origine.

Il y a en fait deux cas de figure à envisager : soit le bail d'origine est un bail commercial, et ce que j'ai écrit précédemment, s'applique à cette hypothèse (I.), soit le bail d'origine n'est pas un bail commercial (II.).


I.- Hypothèse de la conclusion d'un bail commercial, dès l'origine.
L'immatriculation dès l'origine du locataire n'est pas obligatoire.

Il se déduit de l’exigence l’égale et jurisprudentielle que c’est donc à la date où demande de renouvellement[5] et congé avec offre de renouvellement sont régularisés que l’immatriculation est fondamentale[6].

Par ailleurs, durant le temps où le fonds est le cas échéant en location-gérance, le l’unique locataire principal, ou les membres de l’indivision locataire principale, n’ont pas à s’immatriculer pour bénéficier du droit au renouvellement (Code. Com. L.145-1 II.). Attention donc pour le ou les locataire(s), à ne pas faire cesser la location gérance, sans que le locataire principal ou l’un des membres de l’indivision ne s’immatricule au jour de la cessation de la location-gérance et exploite les lieux effectivement, ou bien sans que le ou les héritiers ai(en)t demandé, le maintien de l’immatriculation du de cujus (L.145-1 III § 2).

En cas de copreneurs ou de locataires indivis, seul doit être immatriculé, l’exploitant du fonds, les autres n’ont pas à l’être (L. 145-1 III § 1er.), sauf en cas de démembrement entre un usufruitier et un nu-propriétaire : même si le nu-propriétaire n’exploite pas le fonds, il doit être immatriculé sous la dénomination propriétaire non exploitant (cf. supra).

Dans l’hypothèse visée par l’article L. 145-1 III § 2, savoir le maintien de l’immatriculation du prédécédé, il convient de se reporter en pratique à l’article R. 123-46 du code de commerce qui prévoit que le décès de la personne immatriculée doit faire l’objet d’une déclaration rectificative du RCS « avec possibilité de déclarer le maintien provisoire, pendant un délai maximum d’un an, de l’immatriculation. »

Quelques cas où l’absence d’immatriculation est admise par la jurisprudence

Le cédant d’un fonds peut ne pas être immatriculé au moment de la cession, ce que le bailleur ne peut lui reprocher[7]

Le bail est expiré, le locataire se fait radier et se maintient dans les lieux en attendant la fixation en justice de l’indemnité d’éviction…le bailleur ne peut lui opposer la déchéance du droit à l’indemnité d’éviction et donc le bénéfice du statut[8].

De même, le bail expiré pour cause de renouvellement et une instance étant en cours pour fixer le nouveau loyer, le bailleur ne peut exciper d’un défaut d’immatriculation postérieur à l’expiration du bail précédent[9].


Qu’entraîne le défaut d’immatriculation ?

Une déchéance du droit au renouvellement et à l’indemnité d’éviction. Plus généralement l’impossibilité pour le locataire de se prévaloir d’un seul « avantage » du statut.


Comment le bailleur peut-il mettre en œuvre cette déchéance ?

Il doit faire délivrer un congé motivé portant refus de renouvellement et de paiement de l’indemnité d’éviction.

S’agissant du défaut d’immatriculation, le congé n’a pas à être précédé d’une mise en demeure enjoignant au locataire à mettre fin à l’infraction.

Le bailleur peut dénier le droit au renouvellement tant qu’une décision définitive sur l’indemnité d’éviction n’a pas été rendue[10]


Le ou les locataires peuvent-ils remédier à cette déchéance ?

Ils peuvent l’éviter ainsi qu’il l’a été dit plus haut, mais ne peuvent y remédier lorsque la non-immatriculation « est acquise ».


Le ou les locataires non-exploitants pourraient-ils avancer, qu’après avoir fait cesser la location-gérance, des obstacles matériels se sont dressés les empêchant de remettre les lieux en location-gérance ?

Selon la jurisprudence, il semble que non.
Selon moi rien ne les empêche en effet de s’immatriculer (tous ou l’un d’entre eux selon la situation de l’indivision) pour palier à l’absence de locataire gérant, quitte ensuite à arguer de difficultés pour exercer dans les lieux.


II. Le bail d'origine n'est pas un bail commercial.

 
Dans cette hypothèse, le locataire va demander le bénéfice du statut des baux commerciaux en passant par la requalification du bail d'origine.

Si le bail d'origine est un bail dérogatoire qui se transforme en un bail commercial par le seul effet de l'article L. 145-5, le locataire étant obligé de demander au juge de valider cette transformation parce que le bailleur la lui dénie, son immatriculation eu RCS ou au répertoire des métiers n'est pas obligatoire, tout simplement parce que ce serait ajouter à la loi que d'imposer une telle condition que la loi ne contient pas :  c'est le sens du contenu de l'arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 25 octobre 2018 n° 17-26126 P+B+I.

Par contre si le bail d'origine est autre, et que le statut est revendiqué, alors l'immatriculation est obligatoire au moment où ledit statut est revendiqué. C'est le sens de deux décisions toujours de la 3ème chambre civile : 22 janvier 2014 n°  12-26179 et 18 juin 2014 n° 12-20714.


En conclusion, il semble que la revendication quelle qu'en soit le moment, du bénéfice du statut des baux commerciaux, soit le générateur de l'exigence de l'immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers, avec cette nuance apportée par le contenu de l'article L145-5 concernant le passage du bail dérogatoire en bail commercial dont on remarquera qu'il est un effet de la loi et qu'il n'est donc pas revendiqué.




 La jurisprudence est disponible sur simple demande.
Eric DESLANDES

Avocat au Barreau de Paris

Prestation de serment du 
16 janvier 1987

8 rue des Saints Pères

75007 PARIS

Tél. 06 83 89 91 40

       01 40 72 60 45

deslandesavocat@orange.fr


[1] C. Cass. 3ème civ., 1er oct. 1997 n° 95-15842
[2] C. Cass. 3ème civ., 7 juillet 2015 n° 13-23671
[3] C. Cass. 3ème civ., 5 mars 2008 n°05-20200
[4] C. Cass. 3ème civ., 7 nov. 2001 n° 00-12453
[5] C. Cass. 3ème civ., 25 oct. 1983 n° 81-14926
[6] C. Cass. 3ème civ., 1er juin 2010 n° 08-21795
[7] C. Cass. 3ème civ., 1er fév. 1995 n° 93-12537
[8] C. Cass. 3ème civ., 29 sept. 2004 n° 03-13997
[9] C. Cass. 3ème civ., 18 mai 2005 n° 04-11985
[10] C. Cass. 3ème civ., 7 sept. 2017 n° 16-15012

mardi 14 avril 2020

Délais de paiement : obligations du locataire pour leur obtention et réaction appropriée du bailleur

COUR D'APPEL DE PARIS, Pôle 1, ch. 8, 15 novembre 2019
n° 19/08993



 
L'obtention de la suspension des effets de la clause résolutoire pour non paiement des loyers dans les termes de l'article L. 145-41 du code de commerce est loin d'être automatique.

Certes, l'examen du commandement de payer, du contenu de la clause résolutoire, du comportement du bailleur peuvent permettre de soulever des nullités ou une contestation sérieuse. La vérification de la signification de l'assignation le cas échéant aux créanciers inscrits peut permettre de faire obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire en fonction des usages en vigueur devant la juridiction saisie (certains juges refusent d'examiner l'affaire).

En général, cependant, le bailleur présente une demande en justice exempte de vices. Il ne reste plus comme possibilité pour le locataire, de solliciter des délais de paiement. 

A cet effet, il doit être précis et :

expliquer l'origine de ses difficultés ; "l'idéal" est de démontrer le caractère extérieur à sa gestion de la cause des difficultés ;

expliquer le caractère ponctuel desdites difficultés ; "l'idéal" pour le locataire est de reprendre le paiement du loyer courant et d'entamer le paiement de l'arriéré AVANT l'audience pour notamment la raison ci-dessous exposée ;

- proposer un plan d'apurement de la dette locative et surtout, il doit démontrer qu'il est en mesure de faire face à l'échéancier qu'il propose.

Donc, le bailleur devra s'attacher à vérifier la cohérence de la démonstration du locataire, en vérifiant minutieusement les documents fournis par ce dernier à l'appui de sa démonstration (courriels, relevés bancaires, factures en attente, grand livre concernant la période débitrice...).
La cohérence pourra aussi porter sur la durée de l'échéancier proposé et rien n'interdira, au contraire, au bailleur de faire valoir la nécessité pour lui de percevoir son loyer...c'est une évidence.

L'obligation pour le locataire de démontrer qu'il est en mesure de tenir ses engagements devant la juridiction saisie, est acquise en jurisprudence, et cet arrêt de la Cour d'appel de Paris, pôle 1 chambre 8, du 15 novembre 2019 n° 19/08993 ne fait que rappeler ce qui est pratiqué par le juge depuis des lustres.

Enfin, il n'est pas évident que l'existence du COVID-19 soit un cas de force majeur pour le locataire...mais c'est une autre question, très discutée.

lundi 30 décembre 2019

Procédure devant le Tribunal judiciaire et baux commerciaux


La nouvelle procédure devant le tribunal judiciaire

Les dispositions du Livre II du code procédure civile intitulé « DISPOSITIONS PARTICULIERES A CHAQUE JURIDICTION », ont donc été réécrites.
Effectivement, l’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, crée en son article 95, un tribunal judiciaire qui fait disparaître TGI et TI.
Ce tribunal judiciaire a une compétence propre, et par ailleurs, héberge plusieurs juridictions : son Président, que l’on peut saisir en référé ou par voie de requête, le juge des contentieux de la protection[1], les chambres de proximité[2], le JAF, le juge de l’exécution.
Bien entendu, il vit aux côtés des autres juridictions civiles que nous connaissons, le Tribunal paritaire des baux ruraux, le Conseil de Prud’hommes[3] et le Tribunal de commerce.
En pratique les domaines d’intervention (je différencie ce concept, tenant à des conditions matérielles de celui de la compétence, tenant à la loi) du Tribunal judiciaire pourront varier en fonction de critères purement matériels. Par exemple, si la juridiction « tribunal judiciaire » d’un département X est juridiquement comme tous les tribunaux judiciaires compétent pour traiter du contentieux des baux commerciaux, matériellement il pourra lui être retiré par décret en conseil d’Etat le traitement des dossiers relatifs aux baux commerciaux, au profit d’un autre tribunal judiciaire du même département ou du département voisin Y parce que l’Etat a souhaité tenir compte du volume des affaires concernées et de la technicité de cette matière[4].
D’ailleurs c’est justement ce qui est opéré par un nouvel article R.211-4.I. inséré au début de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du COJ, par l’article 3 du  décret n° 2019-912 du 30 août 2019[5]. Ce nouvel article R.211-4.I. stipule ce qui suit :
« En matière civile, les tribunaux judiciaires spécialement désignés sur le fondement de l’article L.211-9-3 connaissent seuls, dans l’ensemble du département ou, dans les conditions prévues au III de l’article L.211-9-3, dans deux départements, de l’une ou plusieurs des compétences suivantes :
(…)
2° Des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L.145-1 à L.145-60 du code de commerce. »
Donc bien évidemment, cet article R.211-4 est précédé par l’article R.211-3-26 nouveau, qui stipule :
« Le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières suivantes :
(…)
11° Baux commerciaux à l’exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d’occupation précaire en matière commerciale… ».
Cet alinéa permet de penser que la compétence du juge des loyers, qui donc sera incarné par le Président du tribunal judiciaire, est maintenue.
Aux termes du nouvel article R.211-3-25 du COJ, « Dans les matières pour lesquelles il a compétence exclusive, et sauf disposition contraire, le tribunal judiciaire, statue en dernier ressort lorsque le montant de la demande est inférieur ou égale à la somme de 5 000 € ».
Il s’évince de ce qui précède, que si juridiquement tous les tribunaux judiciaires sont compétents en matière de baux commerciaux, seuls matériellement certains et avec eux a priori leur Président, se verront attribuer la possibilité des les traiter, à charge d’appel ou en dernier ressort. En conséquence le lieu de l’immeuble n’est plus un critère automatique de compétence en la matière.
Le principe la collégialité semble être l’exception et l’unicité, la règle[6], [7].
Les mentions obligatoires de la nouvelle assignation
On précisera d’emblée que le Tribunal judiciaire en tant que juridiction remplaçant le TGI, sera saisi par une assignation contenant une date et le numéro de la chambre concernée. La constitution à quinzaine doit donc disparaître, mais il existe une période de transition jusqu’au 1er septembre 2019 ;cf. in fine.
Les articles actuels 54, 55 et 56 du code de procédure civile relatifs aux mentions que doit contenir l’assignation sont réécrits par l’article 1er du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019. L’article 54 nouveau regroupe toutes les mentions obligatoires à peine de nullité pour l’assignation et la requête, tandis que les nouveaux articles 55 et 56 sont spécialement dédiés à l’assignation.
« Art. 54.- La demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les deux parties.
« Lorsqu’elle est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. Elle peut comporter l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur.
« A peine de nullité, la demande initiale mentionne :
« 1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
« 2° L’objet de la demande ;
« 3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
« b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
« 4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;
« 5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative ;
« 6° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
« Art. 55.- L’assignation est l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge.
« Art. 56.- L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :
« 1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;
« 2 Un exposé des moyens en fait et en droit ;
« 3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé.
« L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
« Elle vaut conclusions. »

L’article 4 du décret sus-visé est relatif au Tribunal judiciaire ; il réécrit le titre 1er du livre II du code de procédure civile. La numérotation qui va suivre concerne donc les nouveaux articles du CPC. Ne seront détaillées que les dispositions essentielles.
Art. 750 – 1
Le recours au juge pour une demande n’excédant pas 5000 € doit être précédé, sous peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, soit d’une tentative de conciliation (menée par un conciliateur de justice), soit d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative.
Le deuxième alinéa de cet article dresse la liste des dispenses de recours aux MARDL.
Art. 751
« La demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par tout moyen au demandeur selon des modalités définies par arrêté du garde des sceaux. »
Art. 752
« Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l’assignation contient à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat du demandeur ;
2° Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat.
Le cas échéant, l’assignation mentionne l’accord du demandeur pour que la procédure se déroule dans audience en application de l’article L.212-5-1 du COJ. »
L’avant dernier alinéa du nouvel article 761 du CPC dispose : « Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les parties sont tenus de constituer avocat, quel que soit le montant de leur demande.
Quel est le délai dans lequel l’avocat du défendeur doit se constituer ?
Quinze jours comme actuellement (cf. nouvel article 763 du CPC). Une nouveauté toutefois relative au contenu de la constitution : le défendeur peut y faire figurer son accord pour que la procédure se déroule sans audience.
Que faire de la première expédition qu’en notre qualité d’avocat du demandeur l’huissier de justice nous transmets ?
Selon Le nouvel article 754 du CPC, il convient de la placer au greffe de la chambre concernée par RPVA (cf. art. 748-1 du CPC). C’est ainsi comme vous le savez que la juridiction est saisie. ATTENTION : le délai de placement est réduit à deux mois ! C’est l’article 754 alinéa 2 du CPC.
A ce stade on ne peut que reprendre à la lettre les termes de la loi :
Si la date d’audience qui vous a été donnée pour assigner, l’a été autrement que par l’intermédiaire du RPVA, ou si le RPVA vous donne une date à moins de deux mois du jour où vous la prenez, il faut placer l’assignation au moins quinze jours avant la date d’audience que l’on vous a donné.
Si vous ne respectez pas ces délais, la sanction est celle de la caducité, ce qui n’est pas nouveau, constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie. On rappellera que dès lors que l’assignation est déclarée caduque, elle perd son effet interruptif de prescription[8]. Cette ordonnance de caducité ne pourra être rapportée qu’en cas d’erreur du juge (cf. art. 407 du CPC).
Pour le reste il est procédé comme il est dit aux nouveaux articles 765 à 768 du CPC, relatifs à la constitution et aux conclusions et l’on reste dans les formalités et le contenu des écritures tels qu’on les connait actuellement devant le TGI.
Pour ce qui concerne les baux commerciaux, devant le tribunal judiciaire (l’ancien TGI au fond ainsi qu’on l’aura compris) la procédure est écrite, aucune disposition contraire la rendant orale (cf. nouvel article 775 du CPC).
S’en suit une audience d’orientation de l’affaire et le cas échéant une mise en état, décrite aux nouveaux articles 775 à 807 du CPC.
Il convient de souligner que dorénavant, à compter du 1er janvier 2020, le juge de la mise en état est doté d’une compétence supplémentaire : celle de statuer sur les fins de non-recevoir.
Il convient de se reporter aux dispositions du 6° du nouvel article 789 du CPC, qui remplace l’ancien article 771.
On précisera, qu’il résulte des dispositions des article 814 et 815 nouveaux, du CPC, que vous serez informé(e) de l’attribution de votre affaire à un juge unique ou a une formation collégiale.
Si à la suite de l’information selon laquelle l’affaire est renvoyée devant un juge unique votre client souhaite qu’elle soit attribuée à une formation collégiale, vous aurez alors 15 jours à compter de la date de cette information pour faire connaître la volonté de votre client, à peine de forclusion.

ATTENTION L'ASSIGNATION SANS DATE TELLE QUE NOUS LA CONNAISSONS ACTUELLEMENT EST MAINTENUE JUSQU'AU PREMIER SEPTEMBRE 2020. MAIS PAR PRECAUTION JE RECOMMANDE DE LA PLACER DANS LE DELAI DE DEUX MOIS NOUVELLEMENT PREVU PAR LA REFORME.

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[1] Art. 95 29° : « Après la sous-section 3 de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II, est insérée une sous-section 3 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 3bis
« Le juge des contentieux de la protection
« Art.L.213-4-1.- Au sein du tribunal judiciaire, un ou plusieurs juges exercent les fonctions de juge des contentieux de la protection… ». Les articles suivants ont trait à la compétence spécifique au JCP. Il est coutume de dire que sa compétence matérielle reprend peu ou prou celle du Tribunal d’Instance.
[2] L’article L.95 26° ajoute au COJ un article L.212-8 ainsi rédigé : « Le tribunal judiciaire peut comprendre, en « dehors de son siège, des chambres de proximité dénommées « tribunaux de proximité », dont le siège et le « ressort ainsi que les compétences matérielles sont fixées par décret.
« Ces chambres peuvent se voir attribuer, dans les limites de leur ressort, des compétences matérielles « supplémentaires, par une décision conjointe du premier président de la cour d’appel et du procureur général « près cette cour, après avis des chefs de juridiction et consultation du conseil de juridiction concernés. »
[3] Le greffe du Tribunal judiciaire pourra être amené à intégrer le greffe du CPH (cf. art.95 6° b de la loi)
[4] Art. 95 17° de la loi qui ajoute au COJ l’article L 211-9-3.- I : « Lorsqu’il existe plusieurs tribunaux judiciaires « dans un même département, ils peuvent être spécialement désignés par décret pour connaître seuls dans « l’ensemble de ce département :
« 1° de certaines des matières civiles dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’Etat, en tenant compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières ».
[5] Rappelons que ce décret, par ses articles 2 à 39 modifie la partie réglementaire du COJ.
[6] Cf. article L 95 22°qui ajoute à l’article L.212-1 du COJ un alinéa : « Dans les matières disciplinaires ou relatives à l’état des personnes, sous réserve des dispositions particulières aux matières de la compétence du juge aux affaires familiales et du juge des contentieux de la protection mentionné à l’article L.213-4-1, le tribunal judiciaire ne peut statuer à juge unique ».
[7] Cf. article L 95 23° modifiant l’article L.212-2 dans les termes suivants : « Lorsqu’une affaire, compte tenu de l’objet du litige ou de la nature des questions à juger, est protée devant le tribunal judiciaire statuant à juge unique, le renvoi à la formation collégiale peut être décidé, d’office ou à la demande de l’une des parties, dans les cas prévus par décret en Conseil d’Etat. Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. »
[8] Cass. Ass. plén. 3 avril 1987 n° 86-11.536 bull. civ. n° 2 et Cass. 1ère civ. 17 mai 1988 n° 86-10.817 Bull.civ. I n° 147.