La notion de modification notable
retenue par la jurisprudence.
Contexte
Lorsque
l’une des parties prétend au renouvellement du bail, soit parce qu’elle
l’offre, soit parce qu’elle le demande et qu’elle l’a obtenu, il devient
nécessaire de fixer le nouveau montant du loyer.
Selon
l’article L.145-33 du code de commerce, « le montant des loyers des baux renouvelés ou
révisés doit correspondre à la valeur locative ».
Disons-le
tout net : le principe est, que la valeur locative ne va s’appliquer qu’à
certaines conditions et le principe devient, pour parler rapidement, la règle
du plafonnement de l’augmentation du loyer :
« A moins d’une
modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de
l’article L.145-33 » le loyer est plafonné (L.145-34).
Valeur
locative oui, mais seulement si certains éléments qui la composent ont varié de
manière notable durant le cours du bail expiré.
Rappelons
les éléments 1° à 4° de l’article L. 145-33 qui sont là pour suppléer la
volonté des parties (« A défaut d’accord ») :
1°
Les caractéristiques du local considéré ;
2°
La destination des lieux ;
3°
Les obligations respectives des parties ;
4°
Les facteurs locaux de commercialité.
Le
5ème élément, « les prix couramment pratiqués dans le
voisinage », est hors champ de la caméra.
Selon la loi la
modification de ces quatre éléments doit être notable.
Tout
d’abord cette notion de modification notable est laissée par la Cour de
cassation à l’appréciation souveraine des juges du fond.
En d’autres termes, la Cour suprême ne contrôlera pas la qualification des
faits qui permettra d’aboutir ou non, à retenir le caractère notable de la
modification.
Pour
parler sans détour, cette absence de contrôle est le signe que cette notion,
« notable », possède des critères variés, qui sont propres à chaque
dossier et donc difficilement systématisables.
Ceci
étant, ces critères devront faire l’objet d’une constatation précise de la part
des juges du fond qui ne pourront pas se contenter de se référer sans précision
au rapport de l’expert judiciaire.
La notion de modification est quant à elle un peu plus précise.
-
Pour pouvoir être prise en compte
modification doit avoir présenté un intérêt pour le commerce considéré ;
-
Elle doit avoir eu une incidence
favorable.
L’intérêt
pour le commerce considéré
La
recherche de ce critère : elle est un préalable indispensable au
déplafonnement.
Cet
intérêt pour le commerce considéré s’applique à l’ensemble des éléments qui
composent la valeur locative, mais cette notion a donné lieu à une littérature
abondante concernant les fameux « facteurs locaux de commercialité »
et cela se comprend à la lecture de l’article R.145-6 qui stipule :
« Les
facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que
présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier
ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition
des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait
particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité
considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière
durable ou provisoire ».
Il
est intéressant de noter des exemples de modifications notables sans
retentissement positif sur le commerce considéré. Typique
est l’exemple où l’expert relève au cours du bail expiré, d’importantes
constructions d’habitation et de bureaux, dans le quartier où se trouve le
commerce, un restaurant en l’espèce, au cours du bail expiré. La Cour d’appel,
confirmant le jugement relève :
« Considérant
que le premier juge a rappelé, à juste raison, qu’il incombait à Mme
M….bailleresse, en application des articles L 145-33 et L 145-34 du code de
commerce, d’administrer la preuve d’une modification notable des facteurs
locaux de commercialité et d’un effet bénéfique de ces modifications sur le
commerce considéré ; que cette preuve n’est pas rapportée alors que [le
locataire] justifie de son côté, du caractère gastronomique de son restaurant
fréquenté par une clientèle d’amateurs qui ne correspond, en tous cas, pas
exclusivement ou majoritairement à une clientèle de quartier ainsi qu’il
résulte notamment du signalement de on restaurant dans divers guides
touristiques et des nombreuses factures qu’il produit d’une clientèle
d’affaires extérieure au quartier… ».
Un
autre exemple typique :
« Considérant
sur la modification des facteurs locaux de commercialité, que la [bailleresse] n’indique
pas en quoi une augmentation globale de la population sur la commune de
Trifouilli les Oies (…) la réalisation de 212 permis de construire (…) et une
augmentation de 50 % du trafic routier pendant la même époque auraient eu
une influence notable sur le commerce du preneur… »
Bien
qu’il y ait eu une jurisprudence contraire, abandonnée, si influence il doit y
avoir, il est nécessaire qu’elle soit favorable au commerce considéré.
L’incidence
favorable de la modification notable.
Cette
incidence concerne chacun des quatre éléments de la valeur locative et par
voie de conséquence également les facteurs locaux de commercialité.
On
peut citer deux exemples récents où les juges du fond rejettent les prétentions
du bailleur pour absence de modification notable favorable au preneur,
des facteurs locaux de commercialité.
Que
se passe-t-il si au cours du bail expiré, le loyer s’est vu déjà réévalué, à cause
d’une révision triennale ou de la prise en compte d’une extension de la surface
des locaux ?
Dans
cette hypothèse, le loyer n’est pas automatiquement plafonné, et la révision
triennale n’a pas à être prise en compte ; il
en est de même pour l’augmentation du loyer, ou le versement d’un capital, qui sont
le résultat d’un accord, à la suite d’une augmentation de la surface du local.
Dans
son manuel
Monsieur BLATTER analyse ces solutions de la façon suivante :
« En
effet, l’application du plafonnement perdrait toute valeur économique s’il
était appliqué à un loyer d’origine dont la base serait différente de celle du
dernier loyer applicable, par suite d’une majoration conventionnelle du loyer
en cours de bail, sauf à considérer que les parties ont entendu limiter à la seule
période contractuelle en cours leur convention relative au loyer ce qui est peu
concevable, sauf clause expresse du contrat ».