mardi 24 novembre 2020

POUR MEMOIRE : un aspect de la loi 2019-744 du 19 juillet 2019 - modification concernant le contenu de l'acte de cession de fonds de commerce -

Ce texte s'intitule la loi de : "simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés".

Cependant sachant que la transmission d'un fonds par acte de vente peut avoir lieu entre deux personnes physiques, le cédant pouvant même être un mineur, cette loi a une portée plus étendue que ne le laissait présager son titre. 

L'article L.141-1 du code de commerce a été abrogé par cette loi.

Terminée l'obligation [à peine de nullité de l'acte pouvant être obtenue par le cessionnaire], de faire figurer dans l'acte de cession de fonds de commerce :

1°) le nom du précédent cédant, la date et la nature de son acte d'acquisition et du prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel;

2°) l'état des privilèges et nantissements grevant le fonds;

3°) du chiffre d'affaires réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente (réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans); 

4°) les résultats d'exploitation réalisés sur la même période susvisée;

5°) le bail, sa date, sa durée, le nom et l'adresse du bailleur et du cédant.

Cependant, tous les commentateurs rappellent l'obligation d'information des cocontractants concernant tous les éléments dont l'importance est déterminante pour le consentement, en l'espèce du cessionnaire, découlant de l'article 1112-1 du code civil...

Ainsi, il est-il loisible pour le cédant et- personnellement je le recommande- d'appliquer les dispositions abrogées, sans toutefois tenir leur contenu pour exhaustif !

mercredi 1 juillet 2020

Cette décision pourrait très bien concerner une créance locative !

Cass. Com. 25 mars 2020
n° 18-20.079



 
L’absence d’opposition à une TUP ne vaut pas renonciation à une  créance
 
 
En cas de dissolution d’une société par transmission universelle de son patrimoine à l’associé unique (TUP), l’absence d’opposition d’un créancier de la société à cette opération ne vaut pas présomption de renonciation par lui à son droit.
 

lundi 22 juin 2020

Une clause claire et précise, n'est pas forcément synonyme d'efficacité...

Cass. 3e civ., 28 mai 2020 n° 19-15.001 FS-P+B+I

Faits et procédure

1. Le bail d'une villa meublée avec terrain, terrasse et piscine, destinée à une activité d'exploitation hôtelière et/ou para-hôtelière consistant en la sous-location meublée de locaux situés dans le même ensemble immobilier avec mise à disposition de services ou prestations para-hôtelière à la clientèle, est conclu.
Ce bail mentionne clairement que les parties "affirment et déclarent leur intention expresse de soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu'il résulte des articles L. 145-1 du code de commerce et des textes subséquents ; et ce même si toutes les conditions d'application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu'il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d'application dudit statut ».

2. Puis les bailleurs ont délivré, à bonne date,  au locataire un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction .

3. Puis, postérieurement à ce congé, les bailleurs découvrent l'absence d'immatriculation de la société preneuse au RCS et déniant à la locataire le droit à indemnité d'éviction ils l' assignent en validation du nouveau congé et en expulsion.

La Cour d'appel juge que la locataire ne bénéficie pas du droit au renouvellement du bail et en conséquence et rejette la demande d'indemnité d'éviction, ordonne son expulsion et la condamne à verser aux bailleurs une certaine somme au titre d'une indemnité d'occupation. Pour elle en effet, "il n'est pas stipulé au bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » au registre du commerce et des sociétés, de sorte que cette condition était requise à la date du congé".

La Cour de cassation ne l'entend pas de cette oreille et rappelle en "préambule" que "le juge ne peut pas dénaturer les termes clairs et précis d'un contrat"  et "qu'en affirmant, pour refuser le droit à une indemnité d'éviction du preneur, qu'il n'est pas stipulé au contrat de bail que le bailleur accepte de façon non équivoque de dispenser le preneur « du défaut d'immatriculation » (sic) au RCS, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis" du bail "et a violé l'article 1134, devenu 1192, du code civil. »

On se demandera finalement, pourquoi une telle clause, alors que l'activité hôtelière ou para-hôtelière, pratiquée par une société avec l'assentiment de personnes privées, les bailleurs, est apparue indispensable aux rédacteurs du bail...dire que l'on soumet au statut des baux commerciaux une activité qui ressort par définition dudit statut et ajouter qu'il s'appliquera même si les conditions de son application ne sont pas remplies, c'est en quelque sorte opérer avec un zèle qui n'était pas commandé par la situation.
En tout état ce cause, cette clause était suffisamment claire pour ne pas avoir à prévoir les cas de violation du statut qui seraient en quelque sorte amnistiés...elle qui fait la loi des parties.
En l'espèce la violation a été réparée puisque le statut ne va s'appliquer que par la volonté des parties, qui en quelque sorte "force le système".


mercredi 6 mai 2020

La forme du congé : êtes-vous bailleur ou locataire, locataire principal ou sous-locataire ?


Cass. 3e Civ., 24 octobre 2019 n° 18-24.077


Rappel : les articles cités, sont ceux du code de commerce.

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*      *

L'enjeu, concernant les litiges portant sur la forme du congé délivré par le preneur, pour mettre fin au bail, est important puisqu'en cas de nullité de ce congé, le preneur, est tenu de continuer à régler les loyers et charges dus au titre du bail.


On se souvient qu’avant la loi Pinel, le congé délivré par lettre recommandée avec AR n’était pas valable. Puis avec cette loi, bailleurs et locataires avaient le choix entre la lettre recommandée et l’acte d’huissier (l’acte extrajudiciaire). 


Puis, dernière en date sur ce point, la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, est encore venu modifier la solution. 

Concrètement avec cette loi, l’article L. 145-9 maintient le principe de la signification du congé par acte d’huissier en supprimant l’emploi de la lettre RAR, mais l’article L. 145-4 en son alinéa 2 "ré" instaure le choix entre la lettre RAR et l'acte extrajudiciaire pour le congé triennal du preneur .

Par transposition, le sous-locataire qui donne congé à son bailleur, le locataire principal, retrouve donc le choix, comme un preneur vis-à-vis de son bailleur.


Dans cette espèce la Cour de cassation réaffirme ce principe dont l’explication ne pose aucune difficulté, mais qui comme le relève un praticien, l'application dudit principe est toujours source d’erreurs :

« Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 145-4 et L. 145-9 du Code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2015 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 septembre 2018), que, le 1er septembre 2010, la société Sanor Aeos, locataire principale de locaux à usage commercial, en a sous-loué une partie à la société Qualiterre ; que, par lettre recommandée du 18 février 2016, celle-ci lui a donné congé pour l'échéance triennale du 1er septembre 2016 ;

Attendu que, pour déclarer nul ce congé, l'arrêt retient que le congé visant à mettre un terme à un bail commercial ne peut être délivré par le preneur que dans les délais et suivant les modalités prévues par l'article L. 145-9 du Code de commerce qui, dans sa version applicable au 16 février 2016 et issue de la loi du 6 août 2015, imposait la délivrance du congé par acte extrajudiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 145-4, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, confère au preneur la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE (...) ».

vendredi 1 mai 2020

Rappel : l'incidence de l'évolution des facteurs locaux de commercialité doit avoir été favorable au commerce considéré.

Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 3 février 2016
Répertoire général n° 14/02220


Des bailleurs prétendaient que les juges du fond n'étaient "pas tenus de rechercher si la modification notable des facteurs locaux de commercialité a[vait] eu une incidence notable sur l'activité du preneur s'agissant d'une notion générale visant un type de commerce et non le commerce particulier lui-même".

Cet argument était intelligent réalisant l'équilibre entre la volonté de ne pas tenir compte de l'activité en cause et celle de trop s'y accrocher; étudier l'évolution des facteurs locaux de commercialité en fonction du type d'activité...pourquoi pas; au commerçant de faire en sorte d'adapter son type commerce à la manne des chalands ou des nouveaux habitants de son quartier. L'idée n'est pas incongrue.
Pourtant la Cour ferme la porte à cette argumentation et rappelle clairement :
"Néanmoins, l'article R. 145-6 du code de commerce disposant que 'les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville...' il y a lieu de retenir qu'il ne suffit pas de constater l'existence d'une modification des facteurs locaux de commercialité mais que ne doivent être prises en considération que les modifications s'étant traduites par une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur dans le respect de la destination contractuelle et qui doit donc s'apprécier in concreto." 

Le bailleur avait également avancé l'argument selon lequel l'évolution notable et favorable des facteurs locaux de commercialité avaient eu lieu pour une activité autorisée (bar à vins) par le bail et abandonnée par le locataire au profit de l'autre (caviste). 

La Cour rappelle à juste titre, que l'abandon de cette activité, antérieur à l'évolution des facteurs locaux de commercialité, n'avait pas été volontaire car peu rentable, affirmant implicitement sa légitimité et que dès lors on ne devait pas tenir compte de l'influence de ces facteurs sur cette activité disparue comme moyen de "déplafonnement".


jeudi 23 avril 2020

Fixation du loyer en renouvellement : la notion de modification notable des quatre premiers éléments de la valeur locative


La notion de modification notable retenue par la jurisprudence.


Contexte

Lorsque l’une des parties prétend au renouvellement du bail, soit parce qu’elle l’offre, soit parce qu’elle le demande et qu’elle l’a obtenu, il devient nécessaire de fixer le nouveau montant du loyer.

Selon l’article L.145-33 du code de commerce, « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative ».

Disons-le tout net : le principe est, que la valeur locative ne va s’appliquer qu’à certaines conditions et le principe devient, pour parler rapidement, la règle du plafonnement de l’augmentation du loyer  :

« A moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.145-33 » le loyer est plafonné (L.145-34).

Valeur locative oui, mais seulement si certains éléments qui la composent ont varié de manière notable durant le cours du bail expiré.

Rappelons les éléments 1° à 4° de l’article L. 145-33 qui sont là pour suppléer la volonté des parties (« A défaut d’accord ») :

1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialité.


Le 5ème élément, « les prix couramment pratiqués dans le voisinage », est hors champ de la caméra.


 
Selon la loi la modification de ces quatre éléments doit être notable.


Tout d’abord cette notion de modification notable est laissée par la Cour de cassation à l’appréciation souveraine des juges du fond[1]. En d’autres termes, la Cour suprême ne contrôlera pas la qualification des faits qui permettra d’aboutir ou non, à retenir le caractère notable de la modification.


Pour parler sans détour, cette absence de contrôle est le signe que cette notion, « notable », possède des critères variés, qui sont propres à chaque dossier et donc difficilement systématisables.

Ceci étant, ces critères devront faire l’objet d’une constatation précise de la part des juges du fond qui ne pourront pas se contenter de se référer sans précision au rapport de l’expert judiciaire[2].


La notion de modification est quant à elle un peu plus précise.

-        Pour pouvoir être prise en compte modification doit avoir présenté un intérêt pour le commerce considéré ;
-        Elle doit avoir eu une incidence favorable.

L’intérêt pour le commerce considéré

La recherche de ce critère : elle est un préalable indispensable au déplafonnement[3].

Cet intérêt pour le commerce considéré s’applique à l’ensemble des éléments qui composent la valeur locative, mais cette notion a donné lieu à une littérature abondante concernant les fameux « facteurs locaux de commercialité » et cela se comprend à la lecture de l’article R.145-6 qui stipule :

« Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ».

Il est intéressant de noter des exemples de modifications notables sans retentissement positif sur le commerce considéré[4]. Typique est l’exemple où l’expert relève au cours du bail expiré, d’importantes constructions d’habitation et de bureaux, dans le quartier où se trouve le commerce, un restaurant en l’espèce, au cours du bail expiré. La Cour d’appel, confirmant le jugement relève :

« Considérant que le premier juge a rappelé, à juste raison, qu’il incombait à Mme M….bailleresse, en application des articles L 145-33 et L 145-34 du code de commerce, d’administrer la preuve d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité et d’un effet bénéfique de ces modifications sur le commerce considéré ; que cette preuve n’est pas rapportée alors que [le locataire] justifie de son côté, du caractère gastronomique de son restaurant fréquenté par une clientèle d’amateurs qui ne correspond, en tous cas, pas exclusivement ou majoritairement à une clientèle de quartier ainsi qu’il résulte notamment du signalement de on restaurant dans divers guides touristiques et des nombreuses factures qu’il produit d’une clientèle d’affaires extérieure au quartier… »[5].

Un autre exemple typique :

« Considérant sur la modification des facteurs locaux de commercialité, que la [bailleresse] n’indique pas en quoi une augmentation globale de la population sur la commune de Trifouilli les Oies (…) la réalisation de 212 permis de construire (…) et une augmentation de 50 % du trafic routier pendant la même époque auraient eu une influence notable sur le commerce du preneur… »[6]


Bien qu’il y ait eu une jurisprudence contraire, abandonnée, si influence il doit y avoir, il est nécessaire qu’elle soit favorable au commerce considéré.

L’incidence favorable de la modification notable.

Cette incidence concerne chacun des quatre éléments de la valeur locative[7] et par voie de conséquence également les facteurs locaux de commercialité[8].

On peut citer deux exemples récents où les juges du fond rejettent les prétentions du bailleur pour absence de modification notable favorable au preneur, des facteurs locaux de commercialité[9].


Que se passe-t-il si au cours du bail expiré, le loyer s’est vu déjà réévalué, à cause d’une révision triennale ou de la prise en compte d’une extension de la surface des locaux ?

Dans cette hypothèse, le loyer n’est pas automatiquement plafonné, et la révision triennale n’a pas à être prise en compte[10] ; il en est de même pour l’augmentation du loyer, ou le versement d’un capital, qui sont le résultat d’un accord, à la suite d’une augmentation de la surface du local[11].

Dans son manuel[12] Monsieur BLATTER analyse ces solutions de la façon suivante :

« En effet, l’application du plafonnement perdrait toute valeur économique s’il était appliqué à un loyer d’origine dont la base serait différente de celle du dernier loyer applicable, par suite d’une majoration conventionnelle du loyer en cours de bail, sauf à considérer que les parties ont entendu limiter à la seule période contractuelle en cours leur convention relative au loyer ce qui est peu concevable, sauf clause expresse du contrat ».


[1] Cass. 3e civ., 22 janvier 1992 n°90-13587 + Cass. 3e civ., 2 déc. 1998 n° 97-12138.

[2] Cass. 3e.civ., 6 nov. 2001 n° 00-13836.
[3] Cass. 3e civ., 4 mars 1987 n° 85-16563.
[4] CA PARIS 16è A, 25 octobre 2006, 05/25218 Lamyline.
[5] CA PARIS 16è B, 7 juin 2007, 06/11148.
[6] CA PARIS 16 B, 17 janvier 2008 06/19271.
[7] Cass. 3e civ., 9 juillet 2008 n° 07-16605.
[8] Cass. 3e civ., 13 juillet 2011 n° 10-30825 + Cass ; 3e civ., 14 sept. 2011 n° 10-30825 + Cass. 3e civ., 12 mai 2016 n° 15-13929.
[9] CA VERSAILLES 12e ch., 15 janv. 2019 RG n° 18/00595 + CA ROUEN, Ch. de proximité 19 déc. 2019 RG n° 18/05069.
[10] CA PARIS 16è A, 9 avril 1991.
[11] Cass. 3e civ., 14 mai 1997 n° 95-15144.
[12] Ed. LE MONITEUR Traité des baux commerciaux 6ème édition § 995.