lundi 13 avril 2020

L'immatriculation du bénéficiaire d'un bail commercial : l'essentiel.


L’intérêt de l’immatriculation

Elle est pour le preneur, la clef lui permettant de soumettre son bail au bénéfice du statut des baux commerciaux.

Dès lors, le renouvellement du bail, pierre angulaire de l’édifice statutaire, est soumis à cette immatriculation, qu’il soit demandé ou offert (même plusieurs années à l’avance)[1].

Mais d’une manière générale, le locataire doit être immatriculé, dès lors qu’il sollicite l’application du statut et pas exclusivement le renouvellement de son bail[2].


Qui doit être immatriculé ?

-          Le locataire commerçant ;

-          L’indivisaire qui exploite le fonds ;

-          Les époux coexploitants ;

-          Le nu-propriétaire même non-exploitant[3] ;

-          L’héritier d’un locataire qui n’avait pas l’obligation de s’immatriculer ;

-          L’exploitant d’un établissement secondaire[4] même si son établissement principal est immatriculé. Attention cependant à ce qu’un local accessoire (qui n’est pas un établissement secondaire et comme tel n’a pas à être immatriculé) ne devienne pas « en cours de route » un établissement secondaire (en venant à recevoir de la clientèle) (cf. Traité des baux commerciaux de M. J-P Blatter Ed. le Moniteur).


Le locataire doit-il être immatriculé à tout moment ?

Non. Il se déduit de l’exigence l’égale et jurisprudentielle que c’est donc à la date où demande de renouvellement[5] et congé avec offre de renouvellement sont régularisés que l’immatriculation est fondamentale[6].

Par ailleurs, durant le temps où le fonds est le cas échéant en location-gérance, le l’unique locataire principal, ou les membres de l’indivision locataire principale, n’ont pas à s’immatriculer pour bénéficier du droit au renouvellement (Code. Com. L.145-1 II.). Attention donc pour le ou les locataire(s), à ne pas faire cesser la location gérance, sans que le locataire principal ou l’un des membres de l’indivision ne s’immatricule au jour de la cessation de la location-gérance et exploite les lieux effectivement, ou bien sans que le ou les héritiers ai(en)t demandé, le maintien de l’immatriculation du de cujus (L.145-1 III § 2).

En cas de copreneurs ou de locataires indivis, seul doit être immatriculé, l’exploitant du fonds, les autres n’ont pas à l’être (L. 145-1 III § 1er.), sauf en cas de démembrement entre un usufruitier et un nu-propriétaire : même si le nu-propriétaire n’exploite pas le fonds, il doit être immatriculé sous la dénomination propriétaire non exploitant (cf. supra).

Dans l’hypothèse visée par l’article L. 145-1 III § 2, savoir le maintien de l’immatriculation du prédécédé, il convient de se reporter en pratique à l’article R. 123-46 du code de commerce qui prévoit que le décès de la personne immatriculée doit faire l’objet d’une déclaration rectificative du RCS « avec possibilité de déclarer le maintien provisoire, pendant un délai maximum d’un an, de l’immatriculation. »

Quelques cas où l’absence d’immatriculation est admise par la jurisprudence

Le cédant d’un fonds peut ne pas être immatriculé au moment de la cession, ce que le bailleur ne peut lui reprocher[7]

Le bail est expiré, le locataire se fait radier et se maintient dans les lieux en attendant la fixation en justice de l’indemnité d’éviction…le bailleur ne peut lui opposer la déchéance du droit à l’indemnité d’éviction et donc le bénéfice du statut[8].

De même, le bail expiré pour cause de renouvellement et une instance étant en cours pour fixer le nouveau loyer, le bailleur ne peut exciper d’un défaut d’immatriculation postérieur à l’expiration du bail précédent[9].


Qu’entraîne le défaut d’immatriculation ?

Une déchéance du droit au renouvellement et à l’indemnité d’éviction. Plus généralement l’impossibilité pour le locataire de se prévaloir d’un seul « avantage » du statut.


Comment le bailleur peut-il mettre en œuvre cette déchéance ?

Il doit faire délivrer un congé motivé portant refus de renouvellement et de paiement de l’indemnité d’éviction.

S’agissant du défaut d’immatriculation, le congé n’a pas à être précédé d’une mise en demeure enjoignant au locataire à mettre fin à l’infraction.

Le bailleur peut dénier le droit au renouvellement tant qu’une décision définitive sur l’indemnité d’éviction n’a pas été rendue[10]


Le ou les locataires peuvent-ils remédier à cette déchéance ?

Ils peuvent l’éviter ainsi qu’il l’a été dit plus haut, mais ne peuvent y remédier lorsque la non-immatriculation « est acquise ».


Le ou les locataires non-exploitants pourraient-ils avancer, qu’après avoir fait cesser la location-gérance, des obstacles matériels se sont dressés les empêchant de remettre les lieux en location-gérance ?

Selon la jurisprudence, il semble que non.
Selon moi rien ne les empêche en effet de s’immatriculer (tous ou l’un d’entre eux selon la situation de l’indivision) pour palier à l’absence de locataire gérant, quitte ensuite à arguer de difficultés pour exercer dans les lieux.


 La jurisprudence est disponible sur simple demande.
Eric DESLANDES

Avocat au Barreau de Paris

Prestation de serment du 
16 janvier 1987

8 rue des Saints Pères

75007 PARIS

Tél. 06 83 89 91 40

       01 40 72 60 45

deslandesavocat@orange.fr


[1] C. Cass. 3ème civ., 1er oct. 1997 n° 95-15842
[2] C. Cass. 3ème civ., 7 juillet 2015 n° 13-23671
[3] C. Cass. 3ème civ., 5 mars 2008 n°05-20200
[4] C. Cass. 3ème civ., 7 nov. 2001 n° 00-12453
[5] C. Cass. 3ème civ., 25 oct. 1983 n° 81-14926
[6] C. Cass. 3ème civ., 1er juin 2010 n° 08-21795
[7] C. Cass. 3ème civ., 1er fév. 1995 n° 93-12537
[8] C. Cass. 3ème civ., 29 sept. 2004 n° 03-13997
[9] C. Cass. 3ème civ., 18 mai 2005 n° 04-11985
[10] C. Cass. 3ème civ., 7 sept. 2017 n° 16-15012

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