jeudi 21 juin 2012

BAUX DEROGATOIRES SUCCESSIFS AVEC CHANGEMENT D'ACTIVITE POUR LE DEUXIEME

Cass. 3e civ., 31 mai 2012 n° 11-15.580, n° 660 P+B
  Raab c/ Oktay Kuru

Article L 145-5 du code de commerce : "Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que le bail soit conclure pour une durée au plus égale à deux ans.
Si à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un  nouveau bail dont l'effet est réglé par les disposition du présent chapitre.
Il en est de même en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'un location à caractère saisonnier."

Pour simplifier on dira que l'alinéa trois de cet article, "sanctionne" par l'application du statut des baux commerciaux le bail dérogatoire qui succède à un autre bail dérogatoire, que ce deuxième bail soit issu d'un renouvellement exprès ou d'un nouveau contrat, dès lors qu'il concerne les mêmes parties et les mêmes locaux.

Mais que se passe-t-il si un deuxième bail dérogatoire est conclu entre les mêmes parties, sur le même local, mais pour une activité totalement différente de la première concernée par le premier bail dérogatoire ?

Dans cette affaire, un premier bail dérogatoire avait donc été conclu pour une activité de "video club, location vente". Puis les mêmes parties, ont conclu un second bail dérogatoire, dans le même local, mais cette fois-ci pour le commerce de vente de fleurs au détail....

Le second bail dérogatoire sur le point d'expirer, le bailleur a donné congé pour l'expiration de ce bail (normal) mais le locataire revendique le statut des baux commerciaux.

Le bailleur fait valoir que la seconde activité était totalement différente de la première et que par conséquent le second bail était nouveau au sens des dispositions de l'article L 145-5. L'idée était intéressante voir séduisante. 

La Cour d'appel n'accepte pas ce raisonnement et la Cour de Cassation rejette le pourvoi du bailleur. Il est fait droit à la demande du preneur. En effet pour revendiquer les statut des baux commerciaux il faut seulement que le second bail soit conclu entre les mêmes parties et qu'il porte sur le même local, ce qui était le cas en l'espèce.

La Cour d'appel comme la Cour de cassation ont utilisé à juste titre le principe selon lequel il ne faut pas ajouter des conditions à la loi, que celle-ci ne contient pas. L'alinéa trois de cet article L 145-5 ne mentionne pas l'activité comme critère supplémentaire pour savoir si le statut s'applique ou non. En d'autre termes pour que le preneur bénéficie du statu il suffisait seulement que le second bail  dérogatoire soit conclu entre les mêmes parties sur le même local sans que soit exigé que la seconde activité soit identique à la première. 

Le seul commentaire qui me paraît intéressant - de mon point de vue bien sûr- et que je ne cesserai de répéter, est que pour bien apprécier la loi il faut appliquer deux principes :

* ne pas ajouter au texte une ou plusieurs conditions d'application qu'il ne contient pas ;
* là où la loi ne distingue pas, il ne faut pas distinguer (ubi lex non distinguit, non distingere debemus et non pas bébé mousse....)



lundi 21 mai 2012

MODIFICATION DU REGIME DU DROIT DE PREEMPTION DES COMMUNES

La loi du 22 mars 2012 précise désormais que le droit de préemption des communes s'exerce sur "les aliénations à titre onéreux". Ainsi sont également concernés, les échanges et les apports en société.

Sont exclus du domaine du droit de préemption les fonds et baux transmis par donations ou par succession.

MOMENT DE LA DELIVRANCE DU CONGE : DES DISPOSITIONS CLARIFIEES

La loi du 22 mars 2012 modifie les deux premiers alinéa de l'article L 145-39 du code de commerce.

Désormais :

* le congé délivré EN COURS DE BAIL (soit, aux échéances contractuellement prévues ou à l'une des échéances triennales) ou bien pour LE TERME CONTRACTUEL, doit être délivré 6 mois à l'avance pour l'une de ces périodes, c'est à dire pour les troisième, sixième ou neuvième anniversaire, et non plus pour le  dernier jour du trimestre qui fait suite à l'un de ces anniversaires;
* le congé délivré AU COURS DE LA TACITE PROLONGATION prend effet le dernier jour du trimestre civil suivant le préavis de 6 mois. La demande quant à elle prend effet le premier jour du trimestre civil qui suit les six mois postérieurs à sa notification.

ADIEU TACITE RECONDUCTION BONJOUR TACITE PROLONGATION

La loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives N° 2012-387 du        22 mars 2012, en son article 2, I et II, substitue au vocable de "reconduction" celui de "tacite prolongation".

Sont donc concernés les articles suivants du code de commerce :

- L 145-8 (sur le droit au renouvellement et la durée d'exploitation effective);
- L 145-10 (sur l'époque à laquelle peut être formée la demande de renouvellement);
- L 145-12 (relatif à la date de pris d'effet du nouveau bail en cas de congé);
- L 145-34 (sur la disparition du plafonnement lorsque le bail dure depuis plus de douze ans).

Ceci étant la notion de "reconduction" implique la naissance d'un nouveau contrat, notion que rejetait le statut des baux commerciaux ; le contrat de bail arrivant à son terme et qui ne fait pas l'objet d'une demande ou d'une offre de renouvellement se poursuit aux mêmes clauses et conditions. Monsieur BLATTER l'avait fort bien relevé dans son remarquable ouvrage paru aux éditions du Moniteur; Monsieur BLATTER parlait en effet de tacite prorogation.

dimanche 6 mai 2012

Procédure collective et non renouvellement pour motif grave et légitime

Ainsi que la Cour d'appel de Paris (16ème chambre B) l'a jugé le 23 mars 2006, aucune disposition de la loi sur le redressement ou la liquidation judiciaire n'interdit au bailleur de se prévaloir à l'encontre du preneur en redressement ou en liquidation judiciaire d'un motif grave et légitime, même pour défaut ou retard de paiement des loyers, aux fins de justifier le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction.

dimanche 15 avril 2012

SOUS-LOCATION ET BAILLEUR

Les fondamentaux de la sous-location :

1. il n'y a pas de lien contractuel entre le sous-locataire et le bailleur.
2. Le sous-locataire n'a qu'un bailleur : le locataire principal.
3. Tant que le bail se poursuit, le sous-bail reste lui aussi en vigueur.
4. Si le bailleur veut faire cesser la sous-location, il doit s'occuper d'abord de faire résilier la location principale et c'est au locataire ensuite de faire résilier la sous-location.

Cass. 3ème civ. 1er février 2012, n° 10-22.863, 10 -23.818 et 11-10.027 , n° 143 P+B Sté Distribution Casino France c/ Morin et a.

En fait le bailleur a voulu passer outre la résiliation du bail principal et avait assigné locataire et sous-locataire, demandant à ce premier de mettre un terme à la sous-location, sans pour autant demander que soit mis un terme à la location principale (une infraction avait été commise, le locataire n'avait pas appelé le bailleur à concourir à l'acte de sous-location [violation de l'article L 145-31]).

Une Cour d'appel a fait droit à la demande du bailleur estimant qu'il était effectivement sans droit ni titre nivs à vis du bailleur.

La Cour de Cassation a censuré cet arrêt sur les fondement des article 1134 et 1165 du code civil et L 143-31 du Code de commerce. Pour Elle, le bail principal tant qu'il n'est pas résilié continue de produire ses effets et notamment il continue de servir de support à l'acte de sous-location.

vendredi 16 mars 2012

La procédure en acquisition de la clause résolutoire et les créanciers inscrits à prendre en compte pour la leur dénoncer


ACQUISITION DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE - DEMANDE RECONVENTIONNELLE OBLIGATION DE DENONCER LA PROCEDURE AUX CREANCIERS INSCRITS - INSCRIPTION POSTERIEURE A L'EXPIRATION DU DELAI D'UN MOIS PREVUE AU COMMANDEMENT - VALIDITE : OUI - OBLIGATION DE DENONCIATION : OUI.

Arrêt du 22 mars 2006
N° 385 FS-P+B+R

Article L 143-2 du code de commerce : « Le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions.
Le jugement ne peut intervenir qu 'après un mois écoulé depuis la notification. La résiliation amiable du bail ne devient définitive qu 'un mois après la notification qui en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles élus. »

Dans cette affaire, par acte du 3 février 1995 la bailleresse fait délivrer à sa locataire un commandement de payer un arriéré de loyer. Suite à l'opposition de sa locataire, la bailleresse obtient reconventionnellement des premiers juges et de la Cour d'appel l'acquisition de la clause résolutoire et son expulsion.

Or un établissement financier détenait deux nantissements inscrits sur le fonds de la locataire. Non attrait dans la procédure d'expulsion il assigne la bailleresse en dommages-intérêts « lui reprochant d'avoir commis une faute en s'abstenant de lui notifier la procédure de résiliation judiciaire du bail. »

La cour d'appel déboute l'établissement financier, retenant que la résiliation est devenue effective à l'expiration du délai d'un mois suivant la délivrance du commandement et qu'en ayant inscrit les nantissements postérieurement à cette expiration, l'établissement de crédit n'avait pas acquis la qualité de créancier au sens de l'article L 143-2 du code de commerce.

La cour de cassation n'admet pas ce raisonnement : «Qu'en statuant ainsi alors que le bailleur qui entend poursuivre en justice la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire doit notifier sa demande à tous les créanciers inscrits à la date de celle-ci, la cour d'appel a violé » l'article L 143-2 du code susvisé.


OBSERVATIONS :

C'est l'assignation, c'est-à-dire la demande, qui est la frontière entre les créanciers inscrits qui doivent être pris en compte et ceux qui ne peuvent plus l'être ; ça n'est pas le commandement.

Celui-ci n'est pas à proprement parler une demande de résiliation. En effet la loi est plus générale, elle ne fait pas seulement référence au propriétaire qui poursuit l'acquisition de la clause résolutoire et qui est obligé de délivrer une commandement.

Cet arrêt est le corolaire de deux autres : Cour de Paris, du 2 février 1934 (sem. jur. 1934, 938) Cour de Bordeaux du 6 février 1941 (S. 1941 T), selon lesquels tous les créanciers inscrits postérieurement à l'action en résiliation judiciaire ne peuvent opposer le défaut de notification.