Cass. 3ème civ, 19 octobre 2017
n° 16- 22665 F-D
Texte : 1134 anc. du code civil (1103 + 1193 du même code)
Dans cette affaire, l'illustration est à nouveau faite, que "la signature engage" et que notamment, les parties peuvent décider dans le contrat de la méthode de fixation du loyer lors du renouvellement du bail.
En l'espèce, les parties au contrat y insèrent une clause aux termes de laquelle lors du renouvellement, le nouveau loyer serait fixé à la valeur locative par un expert, qu'elle désigneraient d'un commun accord.
Pourquoi pas, qui parmi les justiciables, peut regretter de vouloir éviter un long procès ?
La bailleresse délivre donc un congé (en l’occurrence à la sous-locataire) et offre le renouvellement et un nouveau loyer.
La sous-locataire n'étant pas d'accord avec le montant proposé, conformément au contrat, un expert est désigné amiablement, qui dans son rapport double quasiment la valeur locative du loyer "voulu" lors du renouvellement par la bailleresse.
Puis, chacune des parties refait de son côté appel à son expert et les valeurs déterminées par chacun (y compris par l'expert judiciaire désigné par un tribunal) sont effectivement très différentes les une des autres... pour ceux qui ont raison d'être curieux toutes les valeurs avancées vont de 11 000 € en passant par, 31 000, 35 200 et 49 500 pour arriver à 90 000...
Le tribunal retient donc une valeur locative de 35 200 € et la Cour d'appel également. Pour les Conseillers de la Cour d'appel, l'expert amiable désigné par les parties a commis une erreur grossière dans l'appréciation de la valeur locative qui est démontrée par la très grande disparité des valeurs déterminées par les différents experts intervenus.
La Cour suprême ne l'entend pas de cette oreille et réplique non sans une logique implacable : la disparité des valeurs présentées ne démontre pas en elle-même la commission d'une erreur grossière de l'expert désigné par les parties "permettant au juge de ne pas respecter les conclusions du rapport établi par l'expert choisi et désigné par les parties, pour évaluer la valeur locative de marché à laquelle [les dites parties] ont convenu de fixer le loyer du bail renouvelé". Dès lors l'arrêt soumis au pourvoi est cassé au visas de l'article 1134 du code civil.
En l'espèce, je pense donc que seul le processus élaboré par les parties est mécaniquement incontournable par l'effet de la force obligatoire des contrats et que la saisine du juge des loyers sans la saisine préalable d'un expert amiable conformément à la clause acceptée par les deux parties, aurait entraîné l'irrecevabilité de la demande, à l'instar des clauses de recours amiable préalable.
Quant à s'en tenir aux chiffres de l'expert amiable, c'est une autre histoire, puisqu'une "erreur grossière" semble selon la Cour de cassation, posséder seule le pouvoir de remettre en cause le rapport amiable désiré par les deux parties.
Finalement, est-ce que la meilleure des clauses ne serait pas de décider au contrat de s'en remettre à un expert judiciaire désigné par le juge des référés, une fois le renouvellement proposé et accepté, au lieu de s'en remettre à un expert amiable ? En effet ce qui compte c'est de décider amiablement de la méthode la meilleure pour donner une chance de plus à un long procès d'être évité, même si paradoxalement, pour éviter un long procès, il faut tout de même passer par le juge.
L'expert judiciaire a un coût sans doute un peu plus cher, mais la qualité de ses investigations, dans le cadre du respect scrupuleux du contradictoire, et ses qualités de juriste, permettraient d'éviter des évaluations fantaisistes.
Aller jusque devant la Cour de cassation pour obtenir une telle solution, évidente....la réforme de l'accès à la Cour et de la procédure devant les juges du fond....sera la bienvenue !