mardi 30 avril 2019

Demande de fixation (ou de paiement) d'une indemnité d'occupation, par le bailleur : prescription

Cass. 3ème Civ., 18 janvier 2018 n° 16-27.678 FS-P+B
Sté PACA c/ Sté Parcs Enchères







Cet arrêt nous précise que "le délai de l'action en paiement de l'indemnité d'occupation fondée sur l'article L.145-28 du code de commerce ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré dans son principe, le droit du preneur au bénéfice d'une indemnité d'éviction."

Il s'inscrit dans l'hypothèse où le paiement de l'indemnité d'éviction commence par être refusé par le bailleur à la suite d'un congé portant refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction.

Par contre si l'indemnité d'éviction est offerte, la prescription en paiement de l'indemnité d'occupation court à compter de la date d'expiration du bail.

Bailleurs, exprimez-vous ! Après une demande de renouvellement votre silence peut vous mener....très loin....

Cass. 3è. civ., 1er février 2018,  n° 16-29.054 FS-D, 
Sté la Panetière Pyrénéenne c/ Sté rue du 8 Mai



Textes appliqués

L. 145-10 du code de commerce modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 art. 207 :

"A défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.
La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception . Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu'à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S'il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l'un d'eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l'égard de tous.
Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l'alinéa ci-dessous.
Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
L'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement."

+  l'article 1184 anc. du code civil devenu l'article 1224, concernant la résolution judiciaire.

Dans cette affaire la locataire forme une demande renouvellement de son bail. La bailleresse n'y répond pas et trois mois s'écoulent. Cependant, avant que les trois mois ne s'écoulent, la bailleresse aura envoyé à sa locataire un commandement d'avoir à faire cesser des travaux, considérant qu'ils l'étaient en infraction avec le contenu du bail. Postérieurement aux trois mois, deux autres commandements sont délivrés et la locataire saisit la justice pour voir prononcer la nullité du dernier commandement et reconventionnellement, la bailleresse sollicite la résiliation du bail.

Pour la Cour d'appel, le bail doit être résilié, peu important le silence de la bailleresse durant trois mois à propos du renouvellement, les manquements n'ayant pas été acceptés pour autant par ladite bailleresse (travaux réalisés sans autorisation de cette dernière).

La Cour de cassation, sévère avec la bailleresse, estime quant à Elle, que les manquements ayant été connus AVANT l'expiration du délai de trois mois, donc antérieurement au renouvellement, SANS QUE la bailleresse ne s'oppose au renouvellement comme l'y invitait l'article L.145.10 du code de commerce, le bail s'en est trouvé renouvelé...

L'alinéa 3 de cet article est clair :

"Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent."

Sévérité ? Après tout, non. La gravité de la faute pour légitimer un refus est un critère important (cf. L.145-17 du code de commerce, art. 1184 du code civil...). C'est pourquoi, le refus explicite du bailleur - susceptible d'être contrôlée par les tribunaux- est fondamental et il ne peut se contenter d'envoyer un commandement non conforme à l'article L 147-17 du code de commerce en ne formulant avant l'expiration du délai de trois mois aucun risque de refus de renouvellement. Quand le statut donne un mode d'emploi, il vaut mieux le connaître et le suivre.

samedi 27 avril 2019

Quand il vaut mieux ne pas revenir sur son engagement..."De longs procès pour pas grand'chose..."

Cass. 3ème civ, 19 octobre 2017
n° 16- 22665 F-D


Texte : 1134 anc. du code civil (1103 + 1193 du même code)


Dans cette affaire, l'illustration est à nouveau faite, que "la signature engage" et que notamment, les parties peuvent décider dans le contrat de la méthode de fixation du loyer lors du renouvellement du bail.

En l'espèce, les parties au contrat y insèrent une clause aux termes de laquelle lors du renouvellement, le nouveau loyer serait fixé à la valeur locative par un expert, qu'elle désigneraient d'un commun accord.

Pourquoi pas, qui parmi les justiciables, peut regretter de vouloir éviter un long procès ?

La bailleresse délivre donc un congé (en l’occurrence à la sous-locataire) et offre le renouvellement et un nouveau loyer.

La sous-locataire n'étant pas d'accord avec le montant proposé, conformément au contrat, un expert est désigné amiablement, qui  dans son rapport double quasiment la valeur locative du loyer "voulu" lors du renouvellement par la bailleresse.

Puis, chacune des parties refait de son côté appel à son expert et les valeurs déterminées par chacun (y compris par l'expert judiciaire désigné par un tribunal) sont effectivement très différentes les une des autres... pour ceux qui ont raison d'être curieux toutes les valeurs avancées vont de 11 000 € en passant par, 31 000, 35 200 et 49 500 pour arriver à 90 000... 

Le tribunal retient donc une valeur locative de 35 200 € et la Cour d'appel également. Pour les Conseillers de la Cour d'appel, l'expert amiable désigné par les parties a commis une erreur grossière dans l'appréciation de la valeur locative qui est démontrée par la très grande disparité des valeurs déterminées par les différents experts intervenus.

La Cour suprême ne l'entend pas de cette oreille et réplique non sans une logique implacable : la disparité des valeurs présentées ne démontre pas en elle-même la commission d'une erreur grossière de l'expert désigné par les parties "permettant au juge de ne pas respecter les conclusions du rapport établi par l'expert choisi et désigné par les parties, pour évaluer la valeur locative de marché à laquelle [les dites parties] ont convenu de fixer le loyer du bail renouvelé". Dès lors l'arrêt soumis au pourvoi est cassé au visas de l'article 1134 du code civil.

En l'espèce, je pense donc que seul le processus élaboré par les parties est mécaniquement incontournable par l'effet de la force obligatoire des contrats et que la saisine du juge des loyers sans la saisine préalable d'un expert amiable conformément à la clause acceptée par les deux parties, aurait entraîné l'irrecevabilité de la demande, à l'instar des clauses de recours amiable préalable.

Quant à s'en tenir aux chiffres de l'expert amiable, c'est une autre histoire, puisqu'une "erreur grossière" semble selon la Cour de cassation, posséder seule le pouvoir de remettre en cause le rapport amiable désiré par les deux parties. 

Finalement, est-ce que la meilleure des clauses ne serait pas de décider au contrat de s'en remettre à un expert judiciaire désigné par le juge des référés, une fois le renouvellement proposé et accepté, au lieu de s'en remettre à un expert amiable ? En effet ce qui compte c'est de décider amiablement de la méthode la meilleure pour donner une chance de plus à un long procès d'être évité, même si paradoxalement, pour éviter un long procès, il faut tout de même passer par le juge.

L'expert judiciaire a un coût sans doute un peu plus cher, mais la qualité de ses investigations, dans le cadre du respect scrupuleux du contradictoire, et ses qualités de juriste, permettraient  d'éviter des évaluations fantaisistes.

Aller jusque devant la Cour de cassation pour obtenir une telle solution, évidente....la réforme de l'accès à la Cour et de la procédure devant les juges du fond....sera la bienvenue !