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mardi 31 octobre 2023

Un aspect de l'expertise judiciaire, souvent ordonnée en matière de baux commerciaux

 

LE DIRE AU COURS DE L’EXPERTISE

EN PROCÉDURE CIVILE

 

Par Maître Eric DESLANDES, Avocat au Barreau de Paris.

 

Le dire est le vecteur principal par lequel l’avocat d’une partie s’exprime auprès de l’expert judiciaire et à ce titre, est un élément important de ce temps décisif constitué par les opérations d’expertise.

J’ai voulu illustrer mes modestes propos par des décisions en vous rapportant ce que les magistrats du fond sont, au quotidien, amenés à considérer à propos des dires, tant sur leur contenu, que sur leur communication tardive ou absente. Cette volonté de rapporter des informations pratiques vise bien évidemment à compenser l’aridité formelle de la reprise obligatoire des dispositions légales.

 

*

*        *

 

I.- DÉFINITION ET CONTENU

 C’est le moyen par lequel une partie fait connaître à l’expert ses « observations » et/ou ses « réclamations ». Il n’est pas obligatoirement écrit, cependant il est tel, la majorité des cas, ne serait-ce que pour se ménager la preuve que son contenu a été communiqué à l’expert, l’obligeant alors à « le prendre en considération ».

Tel est ce que nous dit l’article 276 du CPC.

L’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

On relève aussi le verbe : devoir. Ce qui n’empêche pas l’expert de commenter l’observation d’une partie par :

« bonne note a été prise de ces observations dans le rapport »

ou

« ce point n’appelle pas de commentaire de la part de l’expert ».

Intellectuellement, le dire doit constituer « un véritable apport à la réflexion de l’expert » et être essentiellement consacré « à des observations ou des à des suggestions de nature à enrichir le champ de la recherche technique entreprise »[1].

Les juges du fond sont évidemment attentifs à la reprise (ou simple prise en considération) par l’expert des observations des parties[2] puisqu’il s’agit pour eux de justifier que le principe du contradictoire, dont ils sont les gardiens, a été respecté[3].

Evidemment, l’expert ne prendra en compte que les dires des parties et non des tiers[4].

Si les avocats ne manquent pas de protester quand l’expert « fait du droit », eux-mêmes doivent « nécessairement s’abstenir de développements d’ordre juridique dont l’appréciation ressort de la compétence exclusive du juge »[5], ce qui n’empêchera pas l’expert de réaliser des constatations matérielles dans un contrat par exemple, ou de proposer l’imputation d’une responsabilité sur la base de constatations techniques[6].

 

Le dire récapitulatif

C’est l’alinéa 3 de l’article 276 du CPC qui en fait mention :

Lorsqu’elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu’elles ont présentées antérieurement. A défaut elles sont réputées abandonnées par les parties.

Ainsi que le font remarquer à juste titre les auteurs du GUIDE PRATIQUE DE L’EXPERTISE, « Les observations sont celles qui sont adressées à l’expert à l’issue de la diffusion de la note synthèse préalable au dépôt du rapport et que consacrent désormais pratiquement toutes les conventions intervenues entre les cours d’appel, les barreaux et les compagnies d’experts. »

Pour éviter les répliques infinies les auteurs de ce guide encouragent les experts à :

·       imposer aux parties une date limite pour déposer leur dernier dire ;

·       rappeler aux parties que les dires et observations récapitulatives « ne sont pas destinés à organiser un débat entre avocats ».

 

II.- LA PLACE DU DIRE AU COURS DE L’EXPERTISE

 

A.- Soumission aux délais

 

a. Le tempo de l’expertise est imposé par l’expert sous la surveillance du tribunal – art. 276 § 2 du CPC

Les parties ne doivent pas confondre débat judiciaire et débat(s) technique(s) conditionnant le débat judiciaire. L’expert va donc fixer des délais, et agir un peu comme un juge de la mise en état, pour l’échange des dires.

« …lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge. »

 Hypothèse où une partie adresse son dire en dernier jour.

On en trouve une illustration dans un arrêt. Evidemment, la partie adverse est hors délai lorsqu’elle adresse son dire réponse cinq jours plus tard. La Cour rejette la nullité, non sans rappeler les règles qui gouvernent la nullité d’une expertise (nécessité d’un grief)[7][8], en indiquant que le demandeur à la nullité n’invoque aucune cause grave l’ayant empêché de déposer son dire avant la date limite fixée par l’expert qui n’avait donc pas l’obligation de l’accepter. Même si en l’espèce la décision (cf. note n° 7) ne précise pas la teneur de chacun des dires, la cour le relève que la partie qui s’est plainte, avait déjà adressé deux dires et que le débat central (bateau vendu neuf alors qu’il était d’occasion, avec des vices le rendant impropre à un usage normal) avait déjà été traité.

L’article 276 § 2 laisse place à l’imagination de l’expert afin qu’il puisse lutter contre le dilatoire qui nuit à son travail et à la Justice.

Les experts peuvent donc prendre en compte les dires hors délais s’ils ont été provoqués par un dire adverse en dernier jour…même si l’essentiel de l’expertise a pu être déjà joué, a fortiori si l’adversaire qui a provoqué le retard de l’autre a relancé les opérations en limite de délai. Là-dessus les expert ont toute latitude.

Lorsque l’expert fixera une date limite pour que les parties déposent leur dernier dire après sa note de synthèse encore appelée pré-rapport, bien évidemment le délai expirera le jour que qu’il aura fixé à minuit.

L’annexion du dire au rapport ne suffit pas. Si donc le délai est respecté il est de l’obligation de l’expert d’apporter une suite à ce dire (le juges mentionnent volontiers l’expression « obligation d’y répondre »), sinon il s’expose à ce que la nullité de son rapport soit prononcée au cas où la réclamation dont il n’a pas tenu compte pouvait orienter le « résultat » de l’expertise, même si l’expert a annexé cette réclamation à son rapport.[9]

 

b. Le juge n’aime pas le dilatoire

 

Il appartient à chaque partie d’anticiper et d’agir, surtout après le pré-rapport : « La demande initiale de X… visait l'installation de gaz et le local chaufferie, le dysfonctionnement de la VMC, la non-conformité de l'installation électrique et l'enlèvement du gravier dans la cour intérieure.

A… a déposé son pré-rapport le 20 novembre 2020 et n'a reçu aucun dire de la part de X…, pas plus qu'il a été interrogé sur une extension de sa mission.

De plus, l'expert a précisé, dans une réponse au dire de Me M (avocat de l'EURL www Immobilier) qu'il ne sollicitait aucune extension de mission.

X… produit aux débats un constat d'huissier de Me C en date du 6 novembre 2020, des photographies, un rapport d'expertise KSD qui établissent l'existence de fissures.

Il ne justifie cependant pas de l'état du bien sur ces faits au jour de l'achat en 2015.

La demande d'extension de la mission de l'expert n'est donc pas suffisamment étayée.

De plus elle est tardive et ne ferait que retarder le dépôt du rapport.

X… doit donc être débouté.

L'ordonnance entreprise sera confirmée. » [10]

 

c. Le tempo de l’expert

Il n’est pas évidemment obligé de « prendre en considération » immédiatement les dires contenant des observations. Différents sont les dires contenant des réclamations, qui généralement doivent être traités à réception et à chaque fois sa réponse devra, évidemment être motivée.

 

B.- Le respect du contradictoire.

 

Les opérations d’expertise doivent donc être contradictoires…L’expert devra convoquer toutes les parties, adresser ses notes…à toutes les parties, vérifier que les pièces versées durant ses opérations ont été reçues par toutes les parties et qu’elles ont donc été à même d’être débattues.

Si tout s’est bien passé on retrouvera souvent dans les décisions le passage suivant : « La cour observe à titre préliminaire que l'ensemble des argumentations des parties a été soumis aux contradictoire des investigations de l'expertise judiciaire dont la validité n'est pas remise en cause, notamment l'ensemble des dires transmis à l'expert par chacune des parties qui sont retranscrits dans le rapport déposé.

Le rapport de l'expert propose des réponses circonstanciées et argumentées aux discussions des parties et aux derniers dires à la suite de l'envoi du pré-rapport, notamment sur etc. »[11]

De même on pourra lire dans la décision :

« (…) le rapport d'expertise judiciaire Y… est contradictoire à l'égard de toutes les parties qui ont été mises en situation de formuler tous dires utiles à la suite du pré-rapport que leur avait adressé expert. »

ou bien encore, dans la même décision :

« Il est dès lors retenu que X…, qui n'a d'ailleurs formalisé aucun dire sur ce point précis à la suite de l'envoi du pré-rapport, n'apporte pas d'éléments suffisants pour contredire l'avis [de l’expert Y] concernant spécialement la consolidation du 12 novembre 2012. »[12] 

 

Pourtant, si vous estimez que tout ne s’est pas formellement bien passé durant l’expertise et que cette irrégularité a porté préjudice à votre client[13], rappelez-vous que devant le juge, votre demande de nullité doit être selon l’article 112 du code de procédure civile, soulevée avant de débattre du fond du rapport sous peine de l’avoir couverte[14].

J’espère vous avoir objectivement et en pratique, éclairé sur les questions principales entourant le dire. Mes remerciements aux Editions LAMY, à LEXTENSO et à LEGIFRANCE.



[1] Guide pratique de l’expertise de Justice Lauvin J. Caron J.-C. MAI 2021

[2] CA TOULOUSE 2ème chambre 17 mars 2021 RG 12/01525 « Il sera toutefois observé que l'expert a pris soin dans son rapport, de reprendre les avis circonstanciés de chacune des parties, et en particulier celui de la société X de la page 101 à la page 111, les nombreux dires des parties, par lesquels elles se rejetaient la responsabilité, ayant en conséquence été contradictoirement débattus durant les opérations d'expertise. »

 [3] Art. 16 du code de procédure civile.

[4] CA DOUAI 1ère ch. section 1 du 15/11/2018 RG n° 17/04985.

[5] Le guide de l’expertise judiciaire cf. note de bas de page n° 1

[6] CA TOULOUSE cf. supra 17 mars 2021 : « La cour suivra les conclusions de l'expert en ce qu'il propose de retenir la responsabilité la société Y non pas pour ne pas avoir prévu un cablage en dur, mais pour avoir rendu cette manipulation accessible au niveau opérateur, alors qu'elle était susceptible d'entrainer un dépassement du différentiel de pression maximum prescrit par le constructeur et devait être utilisé à titre exceptionnel, et dans des conditions particulières, ce qui aurait du la conduire à ne permettre ce forçage qu'en mode régleur(…)

L'expert a considéré que la responsabilité de la survenance du sinistre devait être imputée pour partie et secondairement, à la société SEPOC qui aurait pu et du, dans la cadre de sa mission de vérification de la conformité technique des études vis à vis des engagements contractuels etc. »

[7] « Les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées par les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoie aux règles régissant les nullités des actes de procédure.

Il en résulte qu'il appartient à celui qui invoque l'inobservation d'une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme, de démontrer l'existence d'un grief causé par l'irrégularité qu'il invoque. » CA REIMS, 1ère Chambre section civile 15/12/2020 RG n° 19/02334, cf. également CA NANCY 20/10/2019 RG 18/01378. Voir également 3ème civ. 25/05/1976, n° 75-10.259, publié au bull.

 [8] CA FORT DE FRANCE, Ch. civile, 08 mars 2022 RG n° 20/00513.

[9] CA PARIS, Pôle 2 ch. 5, 05/09/2017 n° 16/12701.

[10] CA GRENOBLE 2ème ch. 12 avril 2022, RG n° 21/02988.

[11] CA MONTPELLIER 04/01/2022 RG n° 18/05663.

[12] CA AMIENS 1ère ch. civ, 11/01/2022 RG n° 20/03115.

[13] Cass. 3e civ., 03/10/1991 n°89-12.943 Bull civ III n° 227 ; Cass. 3e civ., 25/05/1976 n° 75-10.259 Bull. civ. III n° 228

[14] Cass. soc., 18/02/1981 n° 79-41.043 à 79-41.049, Bull. civ. V, n° 135.

lundi 14 août 2023

L' exception d'inexécution invoquée par le locataire, suppose que le local soit inexploitable : impropre à l'usage pour lequel il a été loué.

3e civ., 6 juillet 2023 n° 22-15.923



Preneur – Obligations – Paiement des loyers – Exception
d’inexécution – Réparation incombant au bailleur – Impossibilité
d’utiliser les lieux conformément à la destination du bail –
Recherches nécessaires.
Ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles 1184, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719 du code civil, la cour d’appel qui retient que l’exception d’inexécution opposée par le locataire est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les locaux loués avaient été rendus impropres à l’usage auquel ils étaient destinés.
 

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 10 mars 2022), le 1er mars 2002, la société civile
immobilière du Pavillon de Flore (la bailleresse) a donné en location à Mme [Z] (la
locataire) un local à usage commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la
copropriété.
2. Au motif de divers manquements de la locataire à ses obligations contractuelles, la
bailleresse l’a, le 16 août 2017, assignée en résiliation du bail, expulsion et paiement
d’une indemnité d’occupation.
3. Invoquant l’inexécution par la bailleresse de son obligation de délivrance à raison
d’infiltrations d’eau dans les locaux loués, la locataire a conclu au rejet des demandes
dirigées contre elle et a reconventionnellement sollicité l’autorisation de procéder à la
consignation des loyers.
Sur le moyen du pourvoi incident
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas
lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La bailleresse fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à prononcer la résiliation du
bail, de la débouter de ses prétentions tendant à voir ordonner l’expulsion de la lo-
cataire et fixer l’indemnité d’occupation et d’ordonner la consignation du montant
des loyers, alors « que le non-respect de ses obligations par le bailleur ne dispense le
locataire de remplir les siennes que lorsque ce manquement rend impossible la jouis-
sance des lieux loués ; qu’en affirmant, pour décider que Mme [Z] était fondée à se
prévaloir de l’exception d’inexécution et à retenir les loyers, qu’il existe des infiltra-
tions affectant le local loué et concernant le clos et le couvert, qu’il a laissé perdurer
des désordres sans demander de travaux à la copropriété, qu’il refuse de laisser réaliser
des travaux par la copropriété, et qu’il a manqué à une obligation essentielle du bail de
procéder aux réparations exigées par l’état des lieux et de garantir la jouissance d’un
local conforme à celui loué, la cour d’appel qui n’a pas recherché, ainsi qu’elle y était
invitée, si le manquement du bailleur à ses obligations rendait impossible la jouissance
des lieux, a violé l’article 1728 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1184 du
code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 16 février 2016. »
 

Réponse de la Cour
Vu les articles 1184, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719 du code civil :
6. Aux termes du premier de ces textes, la condition résolutoire est toujours sous-en-
tendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne
satisfera point à son engagement.
7. Selon le second, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit
besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d’en-
tretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire
jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
8. Pour rejeter les demandes de la bailleresse et ordonner la consignation des loyers,
l’arrêt [attaqué] retient que, peu important que l’exploitation ne soit pas totalement impossible,
l’exception d’inexécution est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation
essentielle du bail.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les infil-
trations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient
destinés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur
l’autre grief du pourvoi principal, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mars 2022, entre
les parties, par la cour d’appel de Douai ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les
renvoie devant la cour d’appel de Douai, autrement composée

Observations
L'exception d'inexécution est une arme redoutable tant pour celui qui l'utilise que pour celui qui la subit.
Elle est invoquée et pratiquée en dehors de toute décision par le locataire qui ainsi, se fait justice à lui-même. Telle est la raison pour laquelle s'il souhaite user de cette exception, il doit bien réfléchir et se poser la question si le local est matériellement exploitable ou non malgré les manquements du bailleur.
Une solution intéressante parce que rapide, et préalable à toute initiative : l'action en référé (voir d'heure à heure) pour demander la consignation totale ou partielle des loyers devant un trouble manifestement illicite. Bien évidemment, il est indispensable d'envoyer au bailleur une ou deux mises en demeure RAR avec des photos et d'autres pièces justifiant de l'ampleur des conséquences de l'inexécution alléguée et même avec un constat d'huissier, et justifier de leur réception, avant toute action en justice.

dimanche 2 juin 2019

La révision triennale et la présence dans le bail d'une clause d'échelle mobile


TGI PARIS LOYERS COMMERCIAUX 6/10/2011 n°2011-032447
Cass. 3ème civ. 20 mai 2015 n° 13-27.367 publié


Texte en cause : L.145-33, L.145-38 et L.145-39 du code de commerce. 

Soit un bail, assorti d’une clause d’échelle mobile.

Soit une locataire qui souhaite que s'applique la valeur locative supérieure au loyer d'origine mais inférieure au loyer issu de la variation indiciaire.

Soit une bailleresse qui s'appuyant sur le fait que la locataire n’apporte pas la preuve que l’un des deux modes de révision peut conduire au déplafonnement du loyer révisé et que le bail contient une clause d'échelle mobile, demande à ce que celle-ci s'applique pour aboutir finalement à un loyer indexé, supérieur à la valeur locative.

Face à l'absence des conditions de déplafonnement, tant selon L. 145-38 que 39, le tribunal va donner effet au loyer en cours, qui sera le loyer plancher EN RETENANT que le loyer en cours sera le loyer d’origine indexé par le jeu de la clause d'échelle mobile. Il exclura dès lors l'application de la révision triennale.

La même affaire ira jusque devant le Cour de cassation qui dans son arrêt du 20 mai 2015, confirmera la solution donnée par le Tribunal.

Pourtant l'argumentation de la locataire dans son pourvoi était "audible": comment exclure l'application d'un texte d'ordre publique, l'article L.145-38 en l’occurrence ? L'application de ce texte, permettait à la valeur locative située entre le prix plancher et le prix résultant de la variation indiciaire, de s'appliquer, le prix plancher étant celui résultant du loyer d'origine ou celui résultant de la dernière révision triennale amiable ou judiciaire. Dès lors rehausser le prix plancher en appliquant la clause d'indexation, pour le rendre supérieur à celui de la valeur locative, revenait à priver d'effet l'article L.145-38.