Cass. 3e civ., 22 mars 2018,
n° 17-15.830, F-P+B
Textes du code de commerce :
L. 144-3 (modifié par ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004):
"Les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance".
L. 144-10
"Tout contrat de location gérance ou toute autre convention comportant des clauses analogues, consenti par le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul. Toutefois les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l'encontre des tiers.
La nullité prévue à l'alinéa précédent entraîne à l'égard des contractants la déchéance des droits qu'ils pouvaient éventuellement tenir des dispositions du chapitre V du présent titre réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal."
Dans cette affaire...une personne, physique en l’occurrence, est titulaire d'un fonds de commerce depuis moins de deux ans et le donne alors en location-gérance.
La bailleresse, c'est à dire, la propriétaire des murs, fait délivrer à sa locataire, deux commandements dans portant refus du droit à renouvellement et refus de payer une indemnité d'éviction, invoquant l'absence d'exploitation du fonds de commerce pendant les deux ans précédent la mise ne location gérance.
La locataire assigne alors en contestation des congés mais le tribunal la déboute de ses demandes et lui refuse dès lors toute indemnité d'éviction.
La Cour d'appel va infirmer ce jugement et décider que les motifs des congés n'étaient pas justifiés et que la bailleresse était tenu au paiement d'une indemnité d'éviction.
Ladite Cour d'appel motive sa décision en retenant que même si la locataire d'origine n'a pas exploité le fonds durant deux ans, cette faute n'a de conséquence qu'entre les parties au contrat de location-gérance et n'entraîne pas ipso facto la nullité dudit contrat, CETTE MÊME FAUTE ne constituant pas dès lors "un motif grave et légitime privatif d'une indemnité d'éviction dès lors que la bailleresse ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle lui cause sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil."
La Cour suprême ne pouvait que sanctionner une telle erreur dans l'application des textes pourtant clairs, rappelant au passage que les règles de validité du contrat de location-gérance et notamment les conditions tenant au loueur et la sanction qui les accompagne "n'ont pas pour finalité la protection des intérêts particuliers des parties".
Si les deux ans d'exploitation par le locataire d'origine c'est à dire le propriétaire du fonds (ou de l'établissement artisanal) ne sont pas respectés, les sanctions de l'article L.144-10 du code de commerce s'appliquent :
* le contrat de location gérance est nul;
* le locataire (propriétaire du fonds de commerce ou du fonds artisanal) est déchu des droits qu'il tire du statut des baux commerciaux et notamment du droit au renouvellement de son bail.
La locataire aurait du demander (art. L.144-4 du code de com.) la réduction du délai légal au Président du TGI, par voie de requête, en prouvant qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de proposés, et attendre une décision positive AVANT de conclure son contrat de location-gérance.