Cass 3ème civ. 12 janvier 2022
n° 21-11.169
Art. L.145-15 du code de commerce, Modifié par LOI n°2014-626 du 18 juin 2014 - art. 6
Sont
réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses,
stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit
de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions
des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54.
En outre, et par dérogation à l'article L. 145-38,
si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut
être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se
trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix
précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La
variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des
augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au
cours de l'année précédente.
[Conformément
au 21 II de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les présentes
dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à
compter du 1er septembre 2014.]
Dans
cette affaire....un bailleur fait figurer dans son bail, une clause d’indexation dont
le contenu en son alinéa 2, l’empêche d’être prise en compte lorsqu’elle varie à la baisse…Pour
le bailleur c’est une clause fondamentale, sans laquelle il n’aurait pas
contracté, et il se réserve le droit de solliciter la résiliation du bail si cette
clause est violée, même partiellement.
Dans
le cadre d’un litige portant sur des trop-payés de charges et de frais de
gestion, la locataire en profite pour solliciter le remboursement d’un trop-payé
de loyer résultant du jeu de cette clause d’indexation, car elle estime cette
dernière non-écrite « dans son intégralité ».
Les juges du fond, lui donnent raison car
ils estiment, cour d’appel y compris, que :
la
clause qui écarte toute réciprocité de variation fausse le jeu normal de l’indexation
et est donc contraire aux dispositions de l’article L.112-1 du code monétaire
et financier.
Ils ajoutent que ne permettant pas une baisse du loyer elle est
contraire à la lettre de l’article L145-39 du code de commerce et doit donc
être réputée non écrite.
Le
bailleur répond que ce qui n’est pas valable dans la clause peut être déclaré
non-écrit sans que le reste de la clause ne soit altéré et effectivement, si l’on
supprime l’interdiction de prise en compte de la variation à la baisse de l’indice,
la clause redevient conforme à l’article L.145-39 du code de commerce.
La
Cour d’appel vient contrer ce moyen en soulignant « que l’on comprend mal »
que le bailleur ait fait de la clause un tout indivisible en stipulant qu’elle
est un élément essentiel de son contrat, en sanctionnant sa violation même
partielle par la possibilité de demander la résiliation du bail…et qu’aujourd’hui
il considère que finalement sa clause « puisse être amputée d’une partie
de son contenu. »
La
Cour de cassation qui reconnait que la clause fausse le jeu de l’indexation en
modifiant le délai d’atteinte de la variation du quart conditionnant la
révision du loyer, censure la Cour d’appel : les termes de cette clause ne
sont pas indivisibles, seule la stipulation doit être déclarée non écrite.
Commentaire : le droit est dit, mais justice a-t-elle été rendue ? La Cour de Cassation donne raison à une personne qui finalement se prévaut de sa turpitude. Voici ce qu'elle pourrait se dire : "J'insère dans mon contrat une clause qui viole une disposition d'ordre public et je gagne quand même, à tous les coups...soit la locataire ne voit rien et elle paye...si elle s'aperçoit de la "supercherie" elle paye quand-même...nonobstant le fait que j'ai bien précisé que ma clause illégale était essentielle et indivisible, puisque sa violation même partielle me permettait de demander la résiliation de mon contrat".
La Cour d'appel avait relevé la contradiction du bailleur, tantôt prônant l'indivisibilité de sa clause, tantôt sa possible division.
Ceux qui justifient l'indivisibilité de la clause font référence au principe du réputé non écrit du code de la consommation dont les effets sont définis à l'article L.241-1 dudit code : " le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ses clauses."
Pardon, mais en l'espèce, il ne s'agit pas d'apprécier l'intégralité d'un contrat, mais l'intégralité d'une clause.
Enfin, la cour de cassation ne peut pas dire que la clause dans son ensemble fausse le jeu de l'article L.145-39 du code de commerce,qui est d'ordre publique, et accepter sa réparation au nom d'une division possible de ses composantes. Le sens de la clause forme un tout, une réalité économique, sociale et même morale. On le prend tel qu'il est ou pas. On ne le déforme pas pour pouvoir le prendre.