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samedi 27 janvier 2024

Pour mettre fin à un bail dérogatoire, les dispositions statutaires relatives aux congés ne s'appliquent pas !

3ème civ. 11 mai 2022 n° 21-15.389 PB

Dans cet affaire un bail dérogatoire est conclu, pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction dans la limite de trois années et ce à compter d’une certaine date. Deux jours avant l’expiration de la deuxième année, donc juste avant que la tacite reconduction intervienne, les bailleurs signifient à la locataire un congé puis l’assignent en libération des lieux et en paiement d’une indemnité d’occupation.

Pour la locataire le congé est nul comme ne respectant pas les exigences de délais et les dispositions relatives au congé conformément à l’article L.145-9 du code de commerce.

Pour la Cour d’appel il résulte qu’en application de l’article L. 145-5 du même code qu’à l’expiration du délai prescrit, le bail dérogatoire prend fin automatiquement. Pour elle, les dispositions statutaires concernant les conditions prescrites pour les congés n’ont pas lieu d’être invoquées. Elle donne raison aux bailleurs, confirme le jugement entrepris et déboute la locataire de toutes ses demandes.

La locataire se pourvoit en cassation et soutient clairement que le congé devait respecter les formalités prévues pour les baux commerciaux régis par le statut découlant des articles 145-1 et suivants du code de commerce.

On rappellera selon le 1er alinéa de l’article L. 145-9 invoqué par la locataire, que pour faire cesser le bail, un congé doit être donné six mois à l’avance ce qui, en l’espèce n’était clairement pas le cas.

Comme la Cour d’appel, la Cour de cassation donne raison aux bailleurs, bien que toutes les deux invoquent pour fonder leur solution l’inapplicabilité de L. 145-41 alors que la locataire invoquait L. 145-9…on ne voit pas en effet ce que viennent faire les dispositions relatives au mécanisme de la clause résolutoire dans cette affaire.

En tout état de cause cette solution est une reprise de la jurisprudence antérieure (3ème civ., 5 juin 2013 n° 12-19634 [information empruntée à Me Jehan-Denis BARBIER]).

lundi 27 mars 2023

Un aspect du pouvoir des indivisaires : l'acte conservatoire pouvant par définition être régularisé ou exercé seul par un indivisaire

 

 Cass. 3ème civ., 8 décembre 2004 n° 03-17.902

 

Article 815-2 du code civil

version en vigueur depuis le 1er janvier 2007

  "Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.

Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers.

A défaut de fonds de l'indivision, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.

Lorsque des biens indivis sont grevés d'un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l'usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations."

Dans cette affaire,  les héritiers d'un commerçant se voient délivrer un congé avec refus de renouvellement. Le tribunal le valide et déclare les héritiers occupants sans droit ni titre.

L'un des indivisaires fait appel et la Cour juge que "la mise en œuvre d'une action en appel n'est pas une mesure nécessaire ) à la conservation des biens indivis mais un acte d'administration".

La Cour de Cassation casse péremptoirement l'arrêt de la Cour d'appel dans les termes suivants : "Qu'en statuant ainsi, alors que l'appel d'un jugement déclarant valable un congé et ordonnant une expulsion constitue un acte conservatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé."

 Cet arrêt est d'autant plus intéressant qu'il statue sous l'empire de la version de l'article 815-2 du code civil, antérieure à sa modification entrant en vigueur le 1er janvier 2007 version qui croit devoir préciser que pour agir de manière conservatoire, l'urgence de la mesure n'est pas requise. La version antérieure quant à elle, n'avait pas cette précision ce qui paradoxalement avait permis à la jurisprudence d'ajouter cette condition d'urgence ou de péril, que la loi ne contenait pas.

Dans cet arrêt, la cour de cassation ne parle ni d'urgence, ni de péril, ni d'imminence d'un dommage...sans doute parce que l'appel est par nature un acte conservatoire. Cette qualification était souvent employée dans ma jeunesse d'avocat. On disait au client qu'un appel à titre conservatoire allait être régularisé par l'avoué, lorsque la cause n'était pas évidente...justement parce que l'on pouvait s'en désister tant que l'on avait pas conclu, ce qui nous permettait de négocier ou de réfléchir aux chances de succès dudit appel.

Par essence, aujourd'hui un appel interjeté peut être stoppé seul par l'appelant, tant qu'il n'a pas conclu au fond dans le délai de trois mois. Par ailleurs, j'ai vu récemment des appels interjetés qui se sont retrouvés mis à néant par ordonnance de la Cour, simplement parce que l'appelant n'avait pas conclu dans le délai de trois mois.

L'on voit bien qu'un acte - la déclaration d'appel- "aussi fragile", peut permettre de conserver une situation, en l’occurrence éviter l'écoulement d'un délai rapide capable de figer en principe définitivement une situation préjudiciable à l'ensemble des indivisaires. 

Citons Christian ATTIAS qui dans son excellent livre "L'indivision" paru chez Edilaix ed. de sept. 2008, commente cet arrêt en ces termes : " Un seul indivisaire aurait donc qualité et pouvoir pour saisir la cour d'appel après jugement rendu à l'égard de tous les indivisaires. Toutefois, la qualification ne devrait valoir que pour l'acte d'appel; le délai à respecter peut lui conférer un caractère conservatoire. Il n'en est pas de même pour la poursuite de l'instance d'appel". Effectivement il faut voir ensuite l'objet de l'action en cause pour apprécier le nombre des participants à la poursuite dudit l'appel.

En conclusion, on fait appel et l'on conserve la situation. L'on discute posément ensuite.

 

lundi 22 décembre 2014

Lorsque l'on a la liberté de choisir, on a le devoir d'exprimer clairement son choix.....

Civ. 3ème 16 décembre 2014

arrêt n° S 14-10.674


DROIT D'OPTION- FORMALISME- REFERENCE AUX TEXTES RELATIFS AU CONGE- ABSENCE DE REFERENCE A LA PRECEDENTE ACCEPTATION DU RENOUVELLEMENT- EXERCICE REGULIER DU DROIT D'OPTION: NON

Si les conditions d'expression du droit d'option sont peu contraignantes, encore faut-il que la volonté d'exercer ce droit soit clairement exprimée.

Dans cette affaire, une société locataire se voit délivrer un congé avec offre de renouvellement. Elle déclare dans une lettre, accepter le principe du renouvellement mais contester le montant du loyer proposé. Jusque-là, tout va bien. Cependant qu'un peu plus d'un an plus tard, un soir de pleine lune, la locataire fait délivrer un congé au visa des articles L 145-4 et L 145-9 du code de commerce puis quitte les lieux précipitamment.

La bailleresse refuse de recevoir les clefs et demande notamment à la justice de résilier le bail aux torts de la preneuse ainsi que le paiement des loyers jusqu'à la première date utile d'expiration du bail en cours, c'est à dire vous l'aurez compris, jusqu'au terme de la première période triennale du bail renouvelé.

La locataire réplique qu'elle a exercé régulièrement son droit d'option, sans qu'elle ait eu l'obligation de faire référence au renouvellement qu'elle avait accepté (selon elle ce serait ajouter à la loi une condition qu'elle ne contient pas....bien tenté, oserais-je ajouter) et que la référence expresse dans son congé à la tacite reconduction et la manifestation de sa volonté de partir à une date sans signification particulière (en tout état de cause antérieure à l'expiration de la première période triennale) permettaient l'exercice régulier de son droit d'option.

Le tribunal adopte la position de la locataire.

La cour d'appel, infirme la décision attaquée au motif notamment que le congé délivré par la locataire
"ne fait référence ni au renouvellement dont le principe a été accepté par elle (...) ni à un refus de renouvellement de sa part, mais ne vise que les dispositions des art. L 145-4 et L 145-9 du code commerce."

La cour en tire dès lors les conclusions suivantes qui s'enchaînent : la locataire "ne pouvait donc donner de congé valable qu'à la fin de la période triennale qui avait débuté lors du renouvellement du bail", "que le congé délivré par la locataire est donc nul et non avenu, et qu'il ne peut être déduit de la délivrance de ce congé une renonciation tacite au renouvellement dont le principe avait été accepté expressément".

La cour de cassation rejette le pourvoi de la locataire et reprenant les principaux motifs de la cour d'appel, suit cette dernière  en retenant que le congé de la locataire "ne constituait pas l'expression (...) de l'exercice du droit d'option".

jeudi 16 février 2012


ACTE EXTRA JUDICIAIRE – CONGE DU LOCATAIRE A SON BAILLEUR - ANOMALIE DANS LA DELIVRANCE- NULLITE DE FORME - APPLICATION DU REGIME DE DROIT COMMUN: OUI - POSSIBILITE DE COUVRIR LA NULLITE : OUI, SAUF DEFENSE AU FOND OU FIN DE NON RECEVOIR SANS SOULEVER PREALABLEMENT LA NULLITE DE FORME

Civ 3ème, COUR DE CASSATION arrêt du 27 mai 2003 N° 661


RAPPEL DES TEXTES :

Article 112 du Nouveau Code de Procédure Civile : « La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »


Dans cette affaire, une société locataire fait notifier par voie d'huissier un congé à sa bailleresse, à domicile élue par cette dernière dans le bail d'origine.

La bailleresse ayant entre-temps changé d'adresse, ce que n'ignorait pas sa locataire, ne reçoit pas le congé. Or le bail est cédé à l'insu de la bailleresse et le nouveau locataire est défaillant. Cette dernière réclame donc en justice les loyers impayés et recherche la responsabilité de son ancienne locataire              « indélicate ».

L'affaire se retrouve une première fois devant la Cour de Cassation où la bailleresse invoque pour la première fois la nullité du congé pour vice de forme à savoir l'irrégularité de sa signification.

La Cour d'Appel de renvoi (en l'espèce VERSAILLES, chambres commerciales réunies) accueille le moyen tiré de la nullité et condamne l'ex-locataire à régler les loyers impayés échus postérieurement au congé (106 255 €) et des dommages-intérêts (128 697 €).

Pour elle en effet, peu importe que la bailleresse ait soulevé moult arguments de fond avant de se pencher (enfin) sur le vice de forme, car « l'irrégularité de la signification du congé affecte la validité même de ce congé ». Dès lors conclut la Cour d’appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 112 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La COUR de CASSATION censure cette argumentation au visa de l'article 112 sus- visé, pour Elle : « (...) la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement, mais (...) elle est couverte si celui qui l'invoque a postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »


OBSERVATIONS : Le congé délivré par exploit d'huissier appartient bien à la sphère des dispositions régissant les actes de procédure et ce en application des dispositions de l'article 649 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En l'espèce, pour la COUR d'APPEL, la forme était fondamentalement viciée, tandis que pour la COUR de CASSATION le fond était vicié formellement. Ce sont des débats qui arrivent...

Alors devant un congé du locataire à son bailleur, ou de manière plus générale devant un acte « extra-judiciaire » ou de procédure « par nature », l'examen de sa validité doit être préalable à toute discussion sur ses conséquences juridiques.