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mardi 14 avril 2020

Délais de paiement : obligations du locataire pour leur obtention et réaction appropriée du bailleur

COUR D'APPEL DE PARIS, Pôle 1, ch. 8, 15 novembre 2019
n° 19/08993



 
L'obtention de la suspension des effets de la clause résolutoire pour non paiement des loyers dans les termes de l'article L. 145-41 du code de commerce est loin d'être automatique.

Certes, l'examen du commandement de payer, du contenu de la clause résolutoire, du comportement du bailleur peuvent permettre de soulever des nullités ou une contestation sérieuse. La vérification de la signification de l'assignation le cas échéant aux créanciers inscrits peut permettre de faire obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire en fonction des usages en vigueur devant la juridiction saisie (certains juges refusent d'examiner l'affaire).

En général, cependant, le bailleur présente une demande en justice exempte de vices. Il ne reste plus comme possibilité pour le locataire, de solliciter des délais de paiement. 

A cet effet, il doit être précis et :

expliquer l'origine de ses difficultés ; "l'idéal" est de démontrer le caractère extérieur à sa gestion de la cause des difficultés ;

expliquer le caractère ponctuel desdites difficultés ; "l'idéal" pour le locataire est de reprendre le paiement du loyer courant et d'entamer le paiement de l'arriéré AVANT l'audience pour notamment la raison ci-dessous exposée ;

- proposer un plan d'apurement de la dette locative et surtout, il doit démontrer qu'il est en mesure de faire face à l'échéancier qu'il propose.

Donc, le bailleur devra s'attacher à vérifier la cohérence de la démonstration du locataire, en vérifiant minutieusement les documents fournis par ce dernier à l'appui de sa démonstration (courriels, relevés bancaires, factures en attente, grand livre concernant la période débitrice...).
La cohérence pourra aussi porter sur la durée de l'échéancier proposé et rien n'interdira, au contraire, au bailleur de faire valoir la nécessité pour lui de percevoir son loyer...c'est une évidence.

L'obligation pour le locataire de démontrer qu'il est en mesure de tenir ses engagements devant la juridiction saisie, est acquise en jurisprudence, et cet arrêt de la Cour d'appel de Paris, pôle 1 chambre 8, du 15 novembre 2019 n° 19/08993 ne fait que rappeler ce qui est pratiqué par le juge depuis des lustres.

Enfin, il n'est pas évident que l'existence du COVID-19 soit un cas de force majeur pour le locataire...mais c'est une autre question, très discutée.

mercredi 15 février 2012


CLAUSE RESOLUTOIRE - SUSPENSION - NON RESPECT DE L'ORDONNANCE DE REFERE - POSSIBILITE D' OBTENIR DE NOUVEAUX DELAIS DEVANT LE JUGE DU FOND : NON
Civ. 3, 2 avril 2003, arrêt N° 485
RAPPEL DES TEXTES

Article L 145-41 du Code commerce : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 et 1244-3 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »

Dans cette affaire... une société locataire, qui a reçu un commandement de payer un arriéré de loyers est condamnée en référés, tant en première instance que devant la COUR d'APPEL. Mais, cette dernière lui octroie des délais de paiement (ce qui implique que les loyers à échoir soient payés en temps utile) et suspend durant le cours de ces délais les effets de la clause résolutoire.
La locataire ne respecte pas l'un des termes du loyer courant. La bailleresse lui fait donc délivrer un commandement de quitter les lieux.
La locataire paye ensuite l’arriéré de loyers proprement dit, mais saisit les Juges du fond (autrement dit, le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE) pour annuler le commandement de quitter les lieux, arguant avoir respecté les délais octroyés par la Cour et prétendant en outre que l'ordonnance de référé n'a pas l'autorité de la chose jugée au principal (i.e. devant les Juges du fond). Prudente elle demande subsidiairement des délais de paiement.
Le TRIBUNAL de GRANDE INSTANCE, déboute la locataire de ses demandes.
La COUR d'APPEL statuant au fond- bien que constatant le non respect des premiers délais accordés par la COUR statuant en référé- infirme le Jugement, c'est à dire octroie de nouveaux délais à la locataire en précisant que « bien que passée en force de chose jugée » (c'est à dire bien que l'ordonnance de référé ne puisse plus être l'objet d'un recours suspensif d'exécution), l'Ordonnance de référé « n'a pas au principal [au fond ndla] l'autorité de la chose jugée et ne fait donc pas obstacle à ce qu'il soit statué sur l'acquisition de la clause résolutoire par la juridiction saisie au fond du même litige. » (effectivement cf. l'article 488 du Nouveau Code de Procédure Civile).
La COUR DE CASSATION en notant explicitement que la COUR d' APPEL a constaté que les délais accordés en référé en même temps que la suspension de la clause résolutoire n'avaient pas été respectés, CASSE l'arrêt de la COUR d'APPEL.
OBSERVATIONS : il est vrai que le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE saisi au fond, peut toujours remettre en cause une décision du juge des référés. Mais, la présente décision de la COUR de CASSATION pose une limite importante spéciale en matière de baux commerciaux. Bien qu'elle ne s'étende pas sur la motivation de sa cassation l'explication suivante me paraît sérieuse.
La COUR d' APPEL qui statuait en référé a jugé que la clause résolutoire serait acquise si les délais accordés n'étaient pas respectés.
Or cette Ordonnance possède l'autorité de la chose jugée... certes dans son domaine du référé...mais elle la possède car le juge des référés qui l’a prononcée ne pourrait lui-même la remettre en cause en dehors de faits nouveaux.
Puis, dans ce contexte, la locataire ne respecte pas les délais ; aussi, conformément à l'Ordonnance, la clause résolutoire est-elle acquise.
Or, l'article L 145-41 (voir au début) ne fait pas de distinction entre les effets d'une Ordonnance et d'un Jugement, décisions qui toutes les deux ont l'autorité de la chose jugée par rapport à ce qu'elles tranchent (aussi la saisine du Tribunal de Grande Instance devient-elle tardive).
Au contraire il évoque chacune d'elles en mentionnant celle qui constate la résiliation du bail (par principe l'Ordonnance de référé) et celle qui la prononce (par principe le Jugement).
Souvent pour apprécier le contenu d'un texte il faut appliquer l'adage « là où la loi ne distingue pas, nous ne devons pas distinguer ».
Le Tribunal de Grande Instance n'est donc pas en la matière un troisième degré de juridiction.