dimanche 29 septembre 2013

CONGE AVEC REFUS DE RENOUVELLEMENT: l'imprécision à des limites !

Arrêt du 17 septembre 2013 rendu par la 3ème chambre de la Cour de cassation
n° de pourvoi H 12-20.041 - rejet 


Chapeau de mon cru ! CONGE PORTANT REFUS DE RENOUVELLEMENT - REPRODUCTION LITTERALE DU DERNIER ALINEA DE L 145-9 NECESSAIRE ? NON- LA CHARGE DE LA PREUVE DE L'USAGE LOCAL PESE SUR CELUI QUI L'INVOQUE : OUI - ERREUR SUR LE POINT DE DEPART DU DELAI DE FORCLUSION, EXIGENCE D'UN GRIEF ? OUI


Dans cette affaire, les bailleurs (certainement indivis....mais peu importe) ont fait délivrer deux congés (un par bail) à leur locataire, portant refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction.
Ils respectèrent le délai de 6 mois minimum.

Mais la locataire voulut rester dans les lieux et invoqua la nullité des congés.

Pour le reste il faut avoir à l'esprit que l'absence de poésie de chaque congé qui n'empêchera pas une certaine approximation toute verlainienne de leur rédacteur, sera approuvée paradoxalement par la Cour (carrée) de Cassation.

Suivez-moi, il n'y en a pas pour longtemps. Ames sensibles s'abstenir.

D'abord entrons dans les moyens annexés au pourvoi, nous cernerons ainsi mieux le litige, la Cour d'appel  jugeant le fond, s'étant attachée aux faits étayant ses réponses juridiques, acceptées par la Cour de cassation...

L'arrêt d'appel

1°) La locataire prétendait que les congé auraient dus être donnés pour le dernier jour d'un trimestre civil.

La Cour d'appel répondit à la locataire ce que je traduis par "non seulement la loi du 4 août 2008 ne s'appliquait pas au moment où les congés ont été délivrés et vous ne pouviez donc pas exiger un effet au dernier jour d'un trimestre civil, mais en plus vous ne démontrez pas que l'usage local vous permettait d'exiger ce terme du dernier jour d'un trimestre civil....alors que vous aviez la charge de cette preuve, puisque c'est vous même qui vous fondiez sur cet usage...".

Voilà donc un beau rappel sur le principe de la charge de la preuve à ne pas perdre de vue !


2°) Puis, dans un creschendo malicieux, la locataire prétendait que l'offre de paiement d'une indemnité d'éviction n'était pas véritable car les congés ne la chiffraient pas... la Cour répondit, que ce qui comptait, était que les bailleurs aient bien précisé que la locataire avait la possibilité de demander une indemnité d'éviction. 

Là encore un beau principe est remis en perspective: il ne faut pas ajouter à la loi des conditions d'application qu'elle ne contient pas.

3°) Enfin, summum du fortissimo, la locataire s'est plainte de l'absence de reproduction littérale de l'article L 145-9 du code de commerce et décrivit des expressions utilisées différentes, effectivement, de celles figurant dans cet article et indiqua - ce qui était malheureusement vrai - que les bailleurs s'étaient trompés dans le point de départ du délai de forclusion.

La Cour d'appel rétorqua que, somme toute, de quoi se plaignaient les locataires ? L'essentiel y était !

Ainsi " Les congés contiennent bien l'avertissement de la possibilité de contester le refus de renouvellement ou de demander le paiement d'une indemnité d'éviction et précisent que le délai est de deux ans, à peine de forclusion". La Cour d'appel concluait : "qu'ainsi aucune ambiguïté n'apparaît des termes utilisés par les bailleurs"....

Le problème du mauvais point de départ du délai de forclusion (qu'effectivement à tort l'huissier des bailleurs avait fait courir au jour de la délivrance des congés) ? Pour la Cour la locataire qui de facto fit valoir ce qu'elle désirait, dans le bon délai, n'avait aucun grief à faire valoir du fait de cette irrégularité....de sa réclamation, elle en fût donc déboutée.

Le vice de forme n'est sanctionné que s'il y a grief.


La COUR DE CASSATION  qui approuve la Cour d'appel, confirme bien que la charge de la preuve du contenu de l'usage pesait bien en l'espèce sur la locataire, que par ailleurs les congés qui n'avaient pas à être spécialement motivés étaient valables dès lors qu'ils offraient le paiement d'une indemnité d'éviction, qu'enfin l'inexactitude relative au point du départ de la forclusion n'avait pas causé de grief à la dite locataire.

Voilà donc de grands principes, précisément appliqués !







mardi 9 juillet 2013

IMMATRICULATION AU RCS ET DROIT AU RENOUVELLEMENT

Sous-location autorisée conventionnellement. Locataire principal non immatriculé au moment du renouvellement. Sous-location dispensant le locataire principal d'être immatriculé (NON). Locataire principal déchu du statut (OUI). Perte du droit à indemnité d'éviction (OUI).

Cour de Cassation 3ème civ. 3 juillet 2013
pourvoi n° Z 12-21.966

Les enseignements de cet arrêt sont les suivants :
  1. - le bailleur peut revenir sur son offre de renouvellement s'il découvre postérieurement une infraction
  2. - en l'espèce en l'absence d'immatriculation au moment du renouvellement le locataire principal perd son droit à renouvellement ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'éviction
  3. - la présence d'un sous-locataire ne peut lui servir de prétexte pour ne pas avoir été immatriculé

A bientôt.

Cordialement


Eric DESLANDES, Avocat PARIS

lundi 6 mai 2013

USUFRUITIER TITULAIRE DU BAIL: la reconnaissance de son droit à cession avec despécialisation

Cass. 3e civ., 6 fév. 2013, n° 11-24.708, n° 121 P + B,
Bauer et a. c/ Duret et a.



Texte discuté : art. L 145-51 du Code de commerce

Dans cette affaire, le locataire commerçant décède. Il laisse pour héritière, son épouse qui devient usufruitière du bail et leurs trois enfants, nu-propriétaires. L'épouse s'immatricule "immédiatement" et exploite le fonds. Tout va juridiquement bien.

Puis faisant valoir sa volonté de partir en retraite, elle sollicite auprès du bailleur la déspécialisation pour pouvoir céder le bail.

Renonçant à son projet initial d'acquérir le fonds, le bailleur assigne la preneuse et ses enfants pour voir juger qu'elle n'a pas le droit au bénéfice des dispositions de l'article L 145-51 du code de commerce, arguant que l'usufruitière du droit au bail n'est pas la locataire seule et expressément visée par ledit texte.

Si la Cour d' Appel qui a eu à connaître du litige, fait droit à la position du bailleur, elle se trouve censurée par la Cour de Cassation qui reconnaît à l'usufruitier régulièrement immatriculé au RCS pour le fonds qu'il exploite, le bénéfice des dispositions de l'article L 145-51 du code de commerce sur la cession et la déspécialisation, à condition que pour la cession du droit au bail, il justifie également de l'autorisation des nus-propriétaires (puisque l'on est en face d'un acte de disposition, sommes nous en droit d'ajouter).

Eric DESLANDES
Avocat - PARIS

jeudi 14 mars 2013

LOYER BINAIRE: attention au montant du loyer minimum garanti


Arrêt de la 3ème Chambre civile du 5 mars 2013
N° 294 F-D
Pourvoi n° P 11-28.461

LOYER BINAIRE - REVISION - MODALITES - VOLONTE DES PARTIES


DANS CETTE AFFAIRE une société preneuse accepte en toute connaissance de cause, après avoir négocié longuement, de signer un bail aux termes duquel elle est tenue de régler un loyer variable, déterminé année par année, correspondant à 7 % des son chiffres d'affaires HT et HC. Il s'agit d'une clause dite , "clause-recette".

Elle accepte également, de payer un loyer minimum garanti, soumis à une clause d'indexation (clause d'échelle mobile) uniquement à la hausse, automatique et annuelle, en fonction de la variation de l'indice INSEE.

Pour la locataire, le problème devient crucial à partir du moment où elle s'aperçoit qu'elle est toujours obligée de payer le loyer minimum garanti (le loyer dépendant des recettes étant quant à lui toujours inférieur à ce loyer minimum) et qu'elle constate que cet écart est trop grand puisqu'effectivement elle indique dans son pourvoi qu'il faudrait pour que la clause-recette s'applique, qu'elle ait un chiffre d'affaires trois fois plus important (elle prend une année en exemple).

En d'autres termes la locataire estime que le loyer minimum garanti est beaucoup trop élevé, trop éloigné de la réalité de ses recettes. Elle aurait souhaité voir appliquer les dispositions de l'article L 145-9 du code de commerce qui visent à mettre le loyer en adéquation avec la valeur locative et donc éviter les effets d'une variation excessive de l'indice retenu dans la clause d'échelle mobile (voir mon article précédent).

Elle tente donc de faire annuler cette clause décrivant le loyer binaire en invoquant la fraude à l'article              L 145-9, c'est à dire le fait que la clause attaquée aurait eu pour but unique d'empêcher l'application desdites dispositions de l'article L 145-9.

La COUR DE CASSATION se range au côté de la COUR d'APPEL qui avait rejeté les prétentions de la locataire en relevant et décidant que :

- les parties s'étaient librement accordées sur chacune des composantes du loyer comportant une partie fixe et une partie variable;
- que les composantes du loyer formaient un tout indivisible;
- les règles fixant la révision de ce loyer binaire étaient purement régies par le contrat et échappaient donc aux modes de révision prévus par le statut des baux commerciaux donc à l'article L 145-9 du code de commerce notamment.

La Cour d'appel précisait même : "qu'enfin il n'est rapporté aucune intention malicieuse imputable aux bailleresses, de telle sorte que le contrat qui fait la loi des parties à laquelle elles ont entendu  se soumettre, ne peut être écarté".

Eric DESLANDES 
Avocat -PARIS




mercredi 27 février 2013

LOCATAIRE ET ACTION EN GARANTIE DECENNALE

L'arrêt du 23 octobre 2012 rendu par la 3ème Chambre de la Cour de cassation (N° 11-18.850) rappelle que l'action en garantie décennale contre les constructeurs ne bénéficie qu'au propriétaire de l'ouvrage et non au locataire qui ne dispose qu'un droit de jouissance, puisque ladite action reste attachée à la propriété de l'ouvrage selon la loi.

Ceci étant si le locataire subit un préjudice d'exploitation, une action en responsabilité contractuelle de droit commun lui est ouverte contre l'entrepreneur qui a réalisé les travaux (Cass. 3ème civ. 1er juillet 2009, n° 08-14.714).

Un autre arrêt me laisse cependant perplexe (Cass. 3ème civ. 12 avril 2012 n° 11-10.380) lorsqu'il décide que le bail commercial peut transférer au locataire la possibilité d'agir en garantie décennale pour les travaux réalisés en cours de bail, dès lors que la clause met à la charge du locataire toutes les obligations de réparation en ces termes :

"le preneur prend la propriété louée dans l'état où elle se trouve actuellement, sans pouvoir prétendre à aucune réparation pendant toute la durée du bail. Il entretiendra, à ses frais, toute la clôture et la maintiendra en bon état, ainsi que les constructions existantes et celles qui pourront exister par la suite. Il aura la charge entière et complète de toutes les réparations quelles qu'elles soient, même le clos et le couvert que la loi met à la charge du propriétaire et dont le preneur déclare dégager entièrement la société bailleresse"


Pour la Cour de cassation en effet, "la cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes du contrat de bail rendait nécessaire, que l'association [la locataire] avait reçu de la congrégation [la bailleresse], par l'obligation ainsi mise à sa charge, un mandat permettant d'y satisfaire et qu'elle était donc recevable à agir contre la société A. [l'assureur de l'entrepreneur] en réparation des désordres de nature décennale affectant les bâtiments dont la conservation lui incombait ;"

Or ce que "je ne comprends pas" c'est que la clause sus-visée est, selon une jurisprudence constante réputée non-écrite en vertu de l'obligation de délivrance.....

Eric DESLANDES
Avocat - PARIS

vendredi 15 février 2013

INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION BIENNALE


Toujours sur le sujet de l'interruption de la prescription biennale, voici un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation, du 23 janvier 2013, n° 11-20.313 qui vient préciser que la seule remise du mémoire préalable au Greffe n'interrompt pas la prescription.

Dans le cas d'espèce, le mémoire préalable avait bien été notifié par la bailleur et cette NOTIFICATION interrompait bien la prescription "qui du coup" repartait pour deux ans.....le tribunal est saisit par une assignation plus de deux après la NOTIFICATION du mémoire.

Devant la justice, le locataire répond au bailleur qu'il est prescrit. Le bailleur répond qu'après la NOTIFICATION il avait bien déposé le mémoire au Greffe et que par conséquent la prescription avait de nouveau été interrompue et il ne s'était pas écoulé plus de deux ans entre son dépôt et l'assignation.

La cour de cassation censure la Cour d'Appel qui avait fait droit aux arguments du bailleur et décide au visa de l'article 791 du Code de procédure civile que le dépôt au greffe du mémoire n'a  pas saisi le juge des loyers et qu'en conséquence la prescription n'a pas pu être interrompue.

Eric DESLANDES
Avocat - Paris