Arrêt du 17 septembre 2013 rendu par la 3ème chambre de la Cour de cassation
n° de pourvoi H 12-20.041 - rejet
Chapeau de mon cru ! CONGE PORTANT REFUS DE RENOUVELLEMENT - REPRODUCTION LITTERALE DU DERNIER ALINEA DE L 145-9 NECESSAIRE ? NON- LA CHARGE DE LA PREUVE DE L'USAGE LOCAL PESE SUR CELUI QUI L'INVOQUE : OUI - ERREUR SUR LE POINT DE DEPART DU DELAI DE FORCLUSION, EXIGENCE D'UN GRIEF ? OUI
Dans cette affaire, les bailleurs (certainement indivis....mais peu importe) ont fait délivrer deux congés (un par bail) à leur locataire, portant refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction.
Ils respectèrent le délai de 6 mois minimum.
Mais la locataire voulut rester dans les lieux et invoqua la nullité des congés.
Pour le reste il faut avoir à l'esprit que l'absence de poésie de chaque congé qui n'empêchera pas une certaine approximation toute verlainienne de leur rédacteur, sera approuvée paradoxalement par la Cour (carrée) de Cassation.
Suivez-moi, il n'y en a pas pour longtemps. Ames sensibles s'abstenir.
D'abord entrons dans les moyens annexés au pourvoi, nous cernerons ainsi mieux le litige, la Cour d'appel jugeant le fond, s'étant attachée aux faits étayant ses réponses juridiques, acceptées par la Cour de cassation...
L'arrêt d'appel
1°) La locataire prétendait que les congé auraient dus être donnés pour le dernier jour d'un trimestre civil.
La Cour d'appel répondit à la locataire ce que je traduis par "non seulement la loi du 4 août 2008 ne s'appliquait pas au moment où les congés ont été délivrés et vous ne pouviez donc pas exiger un effet au dernier jour d'un trimestre civil, mais en plus vous ne démontrez pas que l'usage local vous permettait d'exiger ce terme du dernier jour d'un trimestre civil....alors que vous aviez la charge de cette preuve, puisque c'est vous même qui vous fondiez sur cet usage...".
Voilà donc un beau rappel sur le principe de la charge de la preuve à ne pas perdre de vue !
2°) Puis, dans un creschendo malicieux, la locataire prétendait que l'offre de paiement d'une indemnité d'éviction n'était pas véritable car les congés ne la chiffraient pas... la Cour répondit, que ce qui comptait, était que les bailleurs aient bien précisé que la locataire avait la possibilité de demander une indemnité d'éviction.
Là encore un beau principe est remis en perspective: il ne faut pas ajouter à la loi des conditions d'application qu'elle ne contient pas.
3°) Enfin, summum du fortissimo, la locataire s'est plainte de l'absence de reproduction littérale de l'article L 145-9 du code de commerce et décrivit des expressions utilisées différentes, effectivement, de celles figurant dans cet article et indiqua - ce qui était malheureusement vrai - que les bailleurs s'étaient trompés dans le point de départ du délai de forclusion.
La Cour d'appel rétorqua que, somme toute, de quoi se plaignaient les locataires ? L'essentiel y était !
Ainsi " Les congés contiennent bien l'avertissement de la possibilité de contester le refus de renouvellement ou de demander le paiement d'une indemnité d'éviction et précisent que le délai est de deux ans, à peine de forclusion". La Cour d'appel concluait : "qu'ainsi aucune ambiguïté n'apparaît des termes utilisés par les bailleurs"....
Le problème du mauvais point de départ du délai de forclusion (qu'effectivement à tort l'huissier des bailleurs avait fait courir au jour de la délivrance des congés) ? Pour la Cour la locataire qui de facto fit valoir ce qu'elle désirait, dans le bon délai, n'avait aucun grief à faire valoir du fait de cette irrégularité....de sa réclamation, elle en fût donc déboutée.
Le vice de forme n'est sanctionné que s'il y a grief.
La COUR DE CASSATION qui approuve la Cour d'appel, confirme bien que la charge de la preuve du contenu de l'usage pesait bien en l'espèce sur la locataire, que par ailleurs les congés qui n'avaient pas à être spécialement motivés étaient valables dès lors qu'ils offraient le paiement d'une indemnité d'éviction, qu'enfin l'inexactitude relative au point du départ de la forclusion n'avait pas causé de grief à la dite locataire.
Voilà donc de grands principes, précisément appliqués !