dimanche 28 janvier 2024

Convention d'occupation précaire : à manier avec précaution !

 3ème civ., 12 décembre 2019 n° 18-23.784


Dans cette affaire, les parties rompent de manière anticipé le bail commercial qui les lie et concluent ce qu'elles nomment une convention d'occupation précaire (c'est ce qui ressort de l'arrêt de la Cour d'appel) pour 23 mois, le temps que la locataire puisse vendre son fonds. Cette convention prévoit donc un terme.

Or la locataire se maintient et est maintenue dans les lieux 10 mois après ce terme.

La bailleresse se réveille et sollicite l'expulsion de l'occupante qui n'avait donc pas réussi à vendre son fonds. 

Tout le débat a été de savoir si le maintien dans les lieux de la locataire avait pu constituer un nouveau bail et donc s'il l'on pouvait ou non qualifier la convention de précaire.

Pour la cour d'appel, il y avait bien lieu de qualifier la convention d'occupation précaire et de déclarer la locataire occupante sans droit ni titre à l'expiration de son terme, car la vente dépendait de l'intervention incertaine d'un tiers et cet vente constituait donc un évènement extérieur à la volonté des parties.

Au visa la l'article L.145-5 du code de commerce, la Cour de cassation ne l'entend pas de cette oreille : le fonds appartient à la locataire et le projet de sa cession par la locataire exclut l'existence d'une cause objective de précarité de l'occupation des lieux et le maintien de la locataire, au-delà des 23 mois convenus, opère un nouveau bail.

Cette mauvaise qualification de leur convention par les parties a fait croire à la bailleresse, que la locataire à l'issue du terme de ladite convention serait sans droit ni titre et que son maintien dans les lieux ne lui ouvrirait aucun droit à se prévaloir du statut des baux commerciaux.

La bailleresse délivrait au delà du terme de la convention des quittances où figuraient conjointement les termes de "quittance" et "d'indemnité d'occupation".

Peut-être aurait-elle du veiller à ne plus y faire figurer la mention de "loyer"...



samedi 27 janvier 2024

Pour mettre fin à un bail dérogatoire, les dispositions statutaires relatives aux congés ne s'appliquent pas !

3ème civ. 11 mai 2022 n° 21-15.389 PB

Dans cet affaire un bail dérogatoire est conclu, pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction dans la limite de trois années et ce à compter d’une certaine date. Deux jours avant l’expiration de la deuxième année, donc juste avant que la tacite reconduction intervienne, les bailleurs signifient à la locataire un congé puis l’assignent en libération des lieux et en paiement d’une indemnité d’occupation.

Pour la locataire le congé est nul comme ne respectant pas les exigences de délais et les dispositions relatives au congé conformément à l’article L.145-9 du code de commerce.

Pour la Cour d’appel il résulte qu’en application de l’article L. 145-5 du même code qu’à l’expiration du délai prescrit, le bail dérogatoire prend fin automatiquement. Pour elle, les dispositions statutaires concernant les conditions prescrites pour les congés n’ont pas lieu d’être invoquées. Elle donne raison aux bailleurs, confirme le jugement entrepris et déboute la locataire de toutes ses demandes.

La locataire se pourvoit en cassation et soutient clairement que le congé devait respecter les formalités prévues pour les baux commerciaux régis par le statut découlant des articles 145-1 et suivants du code de commerce.

On rappellera selon le 1er alinéa de l’article L. 145-9 invoqué par la locataire, que pour faire cesser le bail, un congé doit être donné six mois à l’avance ce qui, en l’espèce n’était clairement pas le cas.

Comme la Cour d’appel, la Cour de cassation donne raison aux bailleurs, bien que toutes les deux invoquent pour fonder leur solution l’inapplicabilité de L. 145-41 alors que la locataire invoquait L. 145-9…on ne voit pas en effet ce que viennent faire les dispositions relatives au mécanisme de la clause résolutoire dans cette affaire.

En tout état de cause cette solution est une reprise de la jurisprudence antérieure (3ème civ., 5 juin 2013 n° 12-19634 [information empruntée à Me Jehan-Denis BARBIER]).

mardi 23 janvier 2024

Attention aux clauses du bail imposant des formalités de cession du fonds de commerce !

 

Dans cette affaire, une cession de fonds de commerce est régularisée par acte sous seing privé, contresigné par l’avocat des toutes les parties à l’acte.

Or le bail contenait une clause aux termes de laquelle « toute cession » devra être « réalisée par acte authentique auquel le bailleur sera appelé et une dont une grosse sera délivrée sans frais".

Aussi cette clause n’a-t-elle pas été respectée.

La bailleresse, qui a assigné cédante et cessionnaire, demande aux juges du fond de ne pas lui déclarer cette cession opposable …ce qui a pour effet évidemment de faire du cessionnaire du fonds, un occupant sans droit ni titre. Elle demande également l’acquisition de la clause résolutoire, après avoir délivré un congé avec refus de renouvellement dont elle demande également l’entérinement.

Les juges du fond vont donner tort à la bailleresse qui avait écrit à l’avocat rédacteur préalablement à la cession, en lui demandant de bien rappeler les clauses du bail aux parties et être respectées dans leur intégralité. Cependant pour en avoir conclu que l’écrit valait ainsi renoncement de la bailleresse à se prévaloir de la clause obligeant à passer la cession par acte authentique, les juges du fond vont être censurés, la Cour de cassation estimant qu’il n’y avait dans le courrier « aucune renonciation claire et expresse de la bailleresse à se prévaloir de la clause du bail » reprochant ainsi à la Cour d’appel d’avoir « dénaturé les termes clairs et précis » de la clause.

Comme l’a fait remarquer un commentateur de cet arrêt, finalement dans sa lettre la bailleresse ne faisait qu’appuyer sa volonté de faire respecter les clauses du bail…TOUTES les clauses, et rien d’autre.

3ème civ., 7 septembre 2022 n° 21-17.750 inédit