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samedi 23 novembre 2024

Le loyer évoluant par paliers ou par l'effet d'une remise ou une franchise. Un choix aux conséquences importantes, au moment du renouvellement et dans le cas du plafonnement !

 

La fixation du loyer par paliers et la franchise sur le loyer.

Le plafonnement au moment du renouvellement oblige à anticiper et choisir entre deux mécanismes.

 

Le fonctionnement du bail à loyer fixé par paliers et du bail avec une clause de franchise de loyer

Le loyer à paliers

On imagine que les parties déterminent un prix final à atteindre et une période durant laquelle le prix de base va évoluer pour atteindre de prix final, en évoluant, par palier.

Ce mécanisme va d’ailleurs dans les deux sens, d’autant qu’il n’est régit par aucun texte et qu’en matière de fixation du loyer d’origine la liberté des parties est par principe totale.

Tous les types de paliers sont permis.

Il peut y avoir des paliers annuels ou triennaux. Par exemple durant la première période triennale le loyer HT HC serait fixé à 100 000 € par an, puis à 120 durant la deuxième et à 150 000 € lors de la 3ème période triennale.

La durée de l’évolution par paliers peut aussi varier. Ainsi, les parties pourraient convenir que les paliers s’étalent sur quelques années ou sur toute la durée du bail. Dans ce dernier cas les parties pourraient convenir que sur 9 ans le loyer devrait être d’un certain montant, par exemple 120 000 € HT HORS CHARGES, puis être échelonné d’année en année de façon à ce que le montant de 120 000 € ait été effectivement perçu par le bailleur.[1]

ATTENTION à ne pas confondre avec une clause par laquelle les parties conviendraient de réviser le loyer à la date anniversaire du bail selon un pourcentage ! Dans ce cas les Juges réputeraient cette clause non écrite l’analysant en une « clause de révision s’effectuant uniquement à la hausse, détachée de toute référence indiciaire et prohibée par les dispositions des article L. 112-1 et s. du code monétaire et financier… ».[2] Donc la rédaction d’une clause expliquant bien le mécanisme des paliers s’imposera « le choix échéant ».

Ce mécanisme peut lui-même être adopté au moment du renouvellement du bail.[3] C’est d’après un auteur l’hypothèse la plus courante.

A quelle nécessité répond ce mécanisme ?

En synthèse de la littérature sur le sujet, il symbolise la volonté des parties de pérenniser leurs relations, de contracter sur le long terme avec une volonté, l’image est la mode, que chaque partie soit gagnante.

Ainsi dans le sens de la progression , le bailleur paraît perdant au départ.

Cependant, son locataire pourra libérer de la trésorerie plus aisément, réaliser des travaux, des aménagement, lancer son activité en souplesse, acquérir des matières premières ou des marchandises en plus grandes quantités, prévoir des investissements…

Le bailleur quant à lui pourra moins craindre que le locataire ne s’effondre avec des chances qu’il maximise son activité. Il aura pu négocier en fin de paliers un loyer plus élevé que le prix du marché.

 

La franchise ou allègement de loyer

Ici, le loyer est fixé en totalité initialement. Hypothèse classique. Un loyer annuel de 120 000 € HT HC sera, s’il est payable mensuellement de 1000 € HT HC par mois.

Mais il sera amputé par une franchise ou une réduction qui dure plus ou moins longtemps pour laisser apparaître le prix initialement fixé quand prend fin la réduction.

Ce système sera utilisé pour permettre au locataire de faire réaliser des travaux permettant aux locaux de remplir leur destination par exemple.

Ainsi qu’il va l’être précisé immédiatement, le choix du mécanisme de fixation n’est pas sans conséquence face aux règles statutaires concernant le plafonnement et le loyer d’origine. Présenter cette problématique c’est en l’espèce déjà y répondre.

Les conséquences du choix entre la fixation du loyer par paliers ou par franchise de loyer au moment du plafonnement.

Si les parties qui pouvaient le faire n’ont pas prévu dès l’origine le déplafonnement du loyer, elles peuvent se retrouver face au plafonnement qui est finalement la règle.

C’est donc là qu’entre en jeu une partie des dispositions de l’article L. 145-34 du code de commerce :

« A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques… ».

Il faut donc identifier le loyer initialement fixé.

Pour aller droit au but, dans le bail à paliers, c’est le montant du loyer du premier palier qui est le loyer initial prix en compte pour le calcul du plafonnement. Tel est ce que nous indique la 3ème Chambre de la Cour de Cassation dans son arrêt publié au Bulletin, du 6 mars 2013 n° 12-13.962.

Ainsi dans notre exemple où le choix se porte un loyer qui évolue par paliers, de 100 000 à 150 000 € ce sera la somme de 100 000 € qui constituera le loyer fixé initialement et à partir de laquelle le loyer plafonné sera calculé. C’est avec justesse qu’un auteur toujours clair au demeurant fait remarquer que le prix du loyer plafonné lors du renouvellement, risque de se retrouver inférieur au dernier loyer triennal, si l’on reprend l’exemple de paliers triennaux.[4]

Mais avec mécanisme de la franchise totale ou partielle de loyer, ce sont bien les 150 000 € fixés initialement qui seront pris en compte. C'est d'ailleurs ce que permet la Cour de cassation, puisque le loyer pris en compte est le loyer initialement stipulé et non le loyer réellement payé.[5]


 

 

 



[1] Le bail à paliers et sa problématique par Philippe-Hubert BRAULT, Avocat au Barreau de Paris, dans GP N° 71 du 12 mars 2011 p. 4.

[2] CA PARIS, 5-3, 25 avr. 2024 RG n° 21/14916 GP mardi 3 sept. 2024 n° 27, note par Charles-Edouard BRAULT.

[3] idem

[4] Traité des baux commerciaux, J-P BLATTER, Ed. LE MONITEUR, 6ème éd. Page 504 § n° 978.

[5] Cass. 3ème civ., 17 mai 2006, Dalloz 2006 page 1818.

mardi 14 février 2012

Loyer binaire, fixation du loyer du bail renouvelé, pouvoir du juge, volonté des parties


RENOUVELLEMENT DU BAIL - FIXATION DU LOYER - POUVOIR DU JUGE VOLONTE DES PARTIES - LOYER BINAIRE [Civ. 3è 7 mars 2001]

de Eric DESLANDES Avocat au Barreau de Paris TEL 01 40 72 690 45, deslandesavocat@orange.fr

RAPPELS

 Selon les dispositions de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953 (aujourd'hui L 145-15 du code de commerce) , celles des articles 23 à 23-9 n'ont pas de caractère d'ordre public. En d'autres termes, les parties peuvent convenir librement du mode de fixation du loyer, d'où la possibilité de fixer un loyer comportant une partie fixe et une partie variant en fonction du chiffre d'affaires du preneur.

2° L'article 23 du même décret (L 145-33 du code de commerce) définit les éléments qui servent à établir la valeur locative.

3° En application de l'article 1134 du Code civil, le contrat fait la Loi des parties.



DANS CETTE AFFAIRE, le loyer convenu à l'origine entre une société preneuse et une société bailleresse est composé d'un loyer fixe annuel indexé et d'un complément variable constitué par un pourcentage du chiffres d'affaires de la preneuse, réalisé dans les lieux. Le bail d'origine, déjà renouvelé, est conclu pour une durée de 12 années.
Au moment du renouvellement, la bailleresse prétend que le loyer fixe annuel indexé (ce minimum garanti) doit correspondre à la valeur locative en application de l'article 23 sus-visé.

LA COUR D'APPEL rejette les prétentions de la bailleresse en retenant NOTAMMENT que :

- les parties ont le pouvoir de déterminer conventionnellement les modalités selon lesquelles le loyer du bail renouvelé sera fixé (cf «RAPPELS 1°, application de l'article 35 du décret),
- la convention a valeur de Loi entre les parties,
- la clause litigieuse est claire et précise et la volonté d'origine des parties a été réitérée plusieurs fois sans qu'il ait été fait référence à la valeur locative,
- dans ces conditions le Juge n'a pas le pouvoir de modifier la volonté des parties et de dénaturer le contrat.

LA COUR DE CASSATION accueille la motivation de la COUR D'APPEL et rejette le pourvoi de la bailleresse : « La Cour d'Appel a retenu à bon droit que par les stipulations du bail relatives à la fixation du loyer les parties avaient entendu déroger aux dispositions du décret du 30 septembre 1953... ».


COMMENTAIRE

La volonté des parties en matière de fixation du loyer d'origine est libre.

Dès lors qu'il en résulte que le loyer contient une partie fixe et une partie variable, sans aucune référence à la valeur locative, ce qui d'ailleurs serait incompatible comme le relève à juste titre la Cour d'appel in fine (valeur locative et chiffre d'affaires résultant de deux visions économiques très différentes) cette commune volonté des parties - si elle n'a pas changé en cours de route de manière non équivoque - continue de s'imposer à tous au moment du renouvellement du bail.

Ainsi en l'espèce il importait peu que le bail ait duré plus de 12 années et que le statut des baux commerciaux prévoit en ce cas le déplafonnement automatique du loyer lors de son renouvellement.