lundi 12 mars 2012

Même en référé, l'irrévocable existe


CLAUSE RESOLUTOIRE ORDONNANCE DE REFERE - CONSTATION DE SON ACQUISITION - IRREVOCABILITE - NON RESPECT DES DELAIS ACCORDES - DEMANDE DE RENOUVELLEMENT - SAISINE DU JUGE DU FOND POUR INVALIDER LA DEMANDE - REMISE EN CAUSE DU CONTENU DE L'ORDONNANCE DE REFERE : NON.

CIV. 3, 25 février 2004. Arrêt n° 241 FS-P+B


DANS CETTE AFFAIRE... le bailleur fait délivrer au preneur un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire. Le bailleur saisit le juge des référés qui accorde des délais au preneur et suspend les effets de la clause résolutoire précisant de manière tout à fait classique qu'à défaut d'un seul versement d'arriéré à bonne date les effets de la clause résolutoire seraient acquis et l'expulsion du preneur poursuivie. Le preneur ne respectant pas les délais accordés se voit délivrer un commandement de quitter les lieux et attrait devant le juge de l'exécution qui le condamne à quitter les lieux sous astreinte.

Le nœud du problème apparaît lorsque le preneur sollicite le renouvellement de son bail.

Bien entendu le bailleur l'assigne illico pour voir déclarer cette demande « nulle et de nul effet » et se voit donner raison par le TRIBUNAL et la COUR de PARIS qui considèrent que la décision du juge des référés qui a prononcé l'acquisition de la clause résolutoire qui non frappée d'appel est « donc passée en force de chose jugée, peu important l'absence au principal d'autorité de la chose jugée de cette ordonnance ».

A l'appui de son pourvoi en cassation le preneur affirme :

« 1°) que la bonne foi du locataire dans l'exécution de ses obligations » est « de nature à faire obstacle à l'acquisition d'une clause résolutoire » et qu' « il appartient aux juges du fond de caractériser la bonne ou mauvaise foi du locataire avant de pouvoir constater l'acquisition de la clause résolutoire ».
2°) « que l'ordonnance de référé n'a pas, au principal l'autorité de la chose jugée, qu'en se bornant à se référer à l'ordonnance (...) pour énoncer la clause résolutoire acquise la Cour dAppel a violé l'article 488 du Nouveau Code de Procédure Civile. »

La COUR de CASSATION rejette cette argumentation : une ordonnance de référé ne s'impose pas au juge du fond saisi aux mêmes fins que le juge des référés, mais ce principe trouve une exception dès lors que le juge du fond statue dans une instance ayant un objet distinct. Il doit alors respecter les termes de l'ordonnance qui n'ayant pas été frappée d'appel devient irrévocable.

OBSERVATIONS : comment, sous l'empire des dispositions régissant les baux commerciaux, peut-on remettre en cause une ordonnance de référé -non frappée d'appel ou confirmée- ayant accordé des délais qui ne sont pas respectés ? La saisine du juge du fond suffit-elle ? Ces questions sont récurrentes.
La réponse est donnée ici dans l'hypothèse où le juge du fond est saisi à d'autres fins que la demande de délais et de suspension de la clause (voir déclarer nulle la demande de renouvellement).

Mais que se passe-t-il lorsque le juge du fond est saisi aux mêmes fins que le juges des référés ?

La COUR de CASSATION a tranché cette question dans son arrêt du 22 avril 2003 N° 485 : le juge du fond ne peut pas accorder de nouveaux délais.
Je reprend mon analyse de l'époque : il s'agit simplement d'appliquer à la lettre les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce.
Il ne fait pas de distinction entre les effets d'une Ordonnance et d'un Jugement, décisions qui toutes les deux ont l'autorité de la chose jugée par rapport à ce qu'elles tranchent.
Au contraire il évoque chacun des types de décisions en mentionnant celle qui constate la résiliation du bail (par principe l'Ordonnance de référé) et celle qui la prononce (par principe le Jugement). Dès que l'une ou l'autre de ces décisions et donc dès que l'ordonnance de référé acquiert l'autorité de la chose jugée : il est trop tard.

samedi 10 mars 2012

LE BAIL VERT VIENT D'ARRIVER

Depuis le premier janvier 2012 le "bail vert" est rendu obligatoire pour la baux conclus et renouvelés à partir de cette date pour des locaux de plus de DEUX MILLE M² à usage du bureau ou de commerces. Le décret relatif à son contenu est paru le 31 décembre 2011 ; il précise les obligations qui pèsent sur les bailleurs et les preneurs.

vendredi 9 mars 2012

DELAI OFFERT PAR LA CLAUSE RESOLUTOIRE

CLAUSE RESOLUTOIRE - REDACTION- DELAI INFERIEUR A UN MOIS- CONSEQUENCES  

Cass. 3e civ. 8 décembre 2010 n° 09-16939

Une clause résolutoire insérée dans un bail prévoyait qu'elle prendrait effet passé un délai de quinze jours après la délivrance d'un commandement. Un commandement fut délivré, mais, qui conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L 145-41 du code de commerce laissait le délai d'un mois au locataire pour se mettre en règle.

La cour de cassation a donné raison à une cour d'appel qui avait déclaré nulle la clause résolutoire.

OBSERVATIONS : Même si le commandement était régulier en la forme, il se trouvait donc vicié "au fond" consécutivement à la nullité de la clause résolutoire ; ce commandement ne pouvait conduire à l'acquisition de la clause mais ne valait que comme simple mise en demeure.

En d'autres termes un commandement régulier ne rattrape pas l'irrégularité de la clause résolutoire, il la subit.
CONGE SANS OFFRE D'IDEMNITE D'EVICTION - MISE EN DEMEURE - OBLIGATION

Cass. civ. 3e 23 novembre 2011, n° 10-24180


Dès lors que le preneur peut régulariser sa situation, le bailleur est tenu de lui délivrer un mise en demeure préalablement à la délivrance du congé.

OBSERVATIONS : le débat de la possibilité de remédier à l'infraction, au manquement, ne doit pas être éludé  ni par le bailleur qui pourrait s'engager dans un procès long et coûteux, ni par le locataire qui a intérêt à garder son bail. La jurisprudence est fluctuante. Aucun argument n'est fixé dans le marbre.

Je conseillerais aux bailleurs de ne pas prendre de risque et sauf dans des cas évidents "d'irremédiabilité" (coups, injures....) de faire délivre par voie d'huissier une mise en demeure.

La mise en demeure, qui doit reproduire à peine de nullité les dispositions de l'article L 145-17 du code de commerce, doit être précise. Mais sa délivrance à elle seule est insuffisante !

Il ne faut pas oublier de démontrer que la ou les infractions visées, ont perduré au-delà du délai d'un mois qui était octroyé au locataire pour se "mettre en règle".

D'ailleurs la mise en demeure pourra aussi viser la clause résolutoire.
LIQUIDATION JUDICIAIRE - CLAUSE RESOLUTOIRE - DEMANDE DE SUSPENSION DES EFFETS PAR LE LIQUIDATEUR

Cass. com. 6 décembre 2011, arrêt n° 10-25689

L'article L. 622-14 du code de commerce n'interdit pas au liquidateur de solliciter des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire sur le fondement des dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce. 

lundi 20 février 2012


ORDONNANCE DE REFERE - RETRACTATION - CIRCONSTANCES NOUVELLES - DEFINITION -
CIV 3, 16 décembre 2003, N° 1437




RAPPEL DES DISPOSITIONS LEGALES

Article 488 du Nouveau Code de Procédure Civile :
« L'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.
Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles. »


Dans cette affaire, une locataire assigne sa bailleresse en référé, aux fins de voir rapportée une ordonnance (rendue le 5 juillet 2000), ayant constaté la résiliation du bail commercial pour le non-paiement de loyers dans le mois d'un commandement.

La Cour d'appel de CAEN rétracte l'ordonnance et déboute la bailleresse de sa demande en paiement de loyers, en retenant qu'au 30 mai 2000 la locataire était à jour de ses loyers et que n'ayant pas fait état de cette situation à l'audience du 14 juin 2000 devant le Juge des référés (initialement saisi), elle était autorisée à en faire état pour la première fois à l'appui de sa demande en rétractation, cette circonstance devant donc être qualifiée de nouvelle.

La Cour de Cassation interprète strictement les dispositions du Nouveau Code de Procédure Civile et censure la Cour d'Appel dans les termes suivants :

«(...) ne constituent pas une circonstance nouvelle autorisant la rétractation d'une ordonnance de référé des faits antérieurs à la date de l'audience devant le juge des référés qui a rendu l'ordonnance et connus de celui qui sollicite la rétractation ».




OBSERVATIONS : la juridiction des référés est à manier avec précaution. Que l'on se souvienne également qu'une ordonnance de référé a l'autorité de la chose jugée dans la sphère des référés et qu'ayant déclarée acquise la clause résolutoire elle ne peut plus être remise en cause par le juge du fond, dès lors que cette ordonnance n'est plus susceptible d'appel (cf. l’article L 145-41 § 2 du code de commerce).


FORMALITE CONTRACTUELLE NON RESPECTEE - INFRACTION AUX EFFETS IRREVERSIBLES : OUI
COMMANDEMENT NECESSAIRE AVANT CONGE : NON.

CIV.3, COUR DE CASSATION  arrêt N° 892 du 9 juillet 2003

RAPPEL DES TEXTES
Article L 145-31 du Code de Commerce : «sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite. En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte. (...)" [attention, reproduction seulement partielle de cette article].
Article L 145-17 : « -I - Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité :
1° s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L 145-38, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser (...)» [attention, reproduction partielle de cet article].
Dans cette affaire, un bail commercial contient au profit du locataire, l'autorisation de sous- louer à condition toutefois de faire participer la bailleresse à l'acte. Or, le locataire consent une sous-location passant outre cette formalité.
La bailleresse porte alors une demande de résiliation du bail en Justice, qui est rejetée (par contre des dommages-intérêts lui sont accordés payables par les sous-locataires et correspondant à l'augmentation du loyer qu'elle aurait dû percevoir du fait des sous- locations).
Or, avant que le Jugement (devenu définitif par la suite), ne soit prononcé, la bailleresse avait fait délivrer à son locataire un congé avec reftis de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction prenant effet à l'expiration du bail. Le locataire assigna à son tour sa bailleresse pour voir annuler de congé.
Le TRIBUNAL annule le congé et la COUR d'APPEL de POITIERS confirme la décision. Pour eux le congé n'est pas valable (et le bail renouvelé) car, l'infraction qui a consisté à ne pas appeler la bailleresse à concourir à l'acte de sous-location aurait dû être précédée du commandement de l'article L 145-17 du Code du commerce sus-visé, n'étant pas une infraction « irréparable ».
La COUR de CASSATION casse cet arrêt en ces termes : « Qu 'en statuant ainsi, alors que l'omission du preneur d'appeler la bailleresse à concourir à un acte de sous- location ne pouvant être régularisée, une mise en demeure préalable au congé n 'est pas nécessaire, la cour d'appel a violé » l'article L 145-31 du Code de commerce.
OBSERVATIONS : de cette affaire on peut tirer quelques enseignements, qu'il est bon d'avoir à l'esprit lorsque l'on est bailleur et que l'on entend refuser le renouvellement du bail,  et refuser de régler l'indemnité d'éviction pour motif grave et légitime.
1-     Un refus définitif de résiliation du bail, n'exclut pas la présentation d'une demande en validation de congé pour non-renouvellement sans indemnité d'éviction.
2-      L'infraction aux clauses du bail, lorsqu'elle est irréparable, rend inutile la délivrance du commandement de l'article L 145-17 sus-visé préalablement à celle du congé invoquant cette infraction
     3-      Le caractère irréparable (la jurisprudence utilise aussi le terme « irréversible ») de l'infraction doit bien entendu être le centre du débat judiciaire, puisque de sa qualification dépend la nécessité de délivrer préalablement au non-renouvellement, un congé reproduisant l'article  L 145-17 I-1° du code de commerce. En l'état celles retenues par la jurisprudence et qui « simplifient » la procédure de non-renouvellement sont les suivantes :
          inexploitation d'un fonds dans les lieux loués ;
          cessation de toute activité de manière irréversible,
          défaut d'inscription au registre du commerce à la date de notification du congé ou de la demande de renouvellement,
          destruction par le preneur d'une partie de l'objet du bail,
          infraction délictuelle,
            cession de bail occulte,
          les effets eux mêmes irrévocables pour le preneur d'une décision judiciaire,
          la fermeture d'un fonds sur décision administrative.
La présente décision reprend un jurisprudence qui dans le même cas avait parlé d'infraction « instantanée » pour justifier l'inutilité du commandement (Cass 3è civ, 2 novembre 1982, N° 80-16.723, Rev. Loyers 1983, p 45). Mais au fait, l'instantané exclut-il l'irréparable ?