dimanche 8 mars 2015

Valeur du congé délivré pour une mauvaise échéance triennale : quand il reste toujours quelque chose d'un congé délivré pour une date fictive.

CIV 3è 10 février 2015
Pourvoi n° T 13-26.403 arrêt 159 F -D



Textes : L145-4 et L145-9 du code de commerce

Cet arrêt vient nous rappeler une jurisprudence déjà constante aux visas des articles L 145-4 et  L 145-9 du code de commerce, selon laquelle le congé délivré pour une date prématurée n'est pas nul, mais voit ses effets reportés à la première date utile.

En conséquence le congé tardivement donné par le locataire pour la fin de la première période triennale vois ses effets acquis uniquement à l'expiration de la seconde.

DANS CETTE AFFAIRE, les faits sont un peu différents en ce sens que le congé n'est pas délivré tardivement, mais pour une période non triennale (en l'espèce la date est effectivement prématurée d'un an), la locataire pensant (finalement à tort diront le juges) qu'un accord était intervenu avec la bailleresse pour que le congé soit délivré un an avant l'échéance marquant la fin de la première période triennale. 

La locataire était titulaire d'un bail qui avait pris effet le 1er septembre 2003. La fin de chaque période triennale était donc les 31 août 2006, 31 août 2009 et 31 août 2012.

Or la locataire avait délivré son congé pour le 31 août 2008 et quitta les lieux le lendemain.

Puis le litige ayant éclaté entre les parties également sur la date d'effet du congé (et sur l'existence de l'accord amiable par conséquent), la preneuse fit par précaution délivrer un nouveau congé pour le 31 août 2012. Cependant devant les juges du fond elle clama pouvoir bénéficier des effets du congé au 31 août 2009, histoire on la comprend de gagner quelques centaines de milliers d'euro(s).

La COUR D'APPEL argua notamment "que la volonté du locataire de donner congé ne peut être équivoque et il lui appartient de préciser dans les formes prévues par l'article L 145-9 du code de commerce qu'il donnait congé à compter du 1er septembre 2009 ; que dès lors le bail a été tacitement reconduit jusqu'au congé régulièrement délivré pour le 31 août 2012."

En d'autres termes la cour d'appel privait d'effets le congé donné pour la date erronée.

La COUR DE CASSATION répondit clairement, "qu'en statuant ainsi alors que le congé délivré pour une date prématurée mais dans le délai de six mois avant l'expiration de la période triennale produit ses effets à la première échéance utile après cette délivrance, la cour d'appel a violé les textes sus-visés".

Ne serait-ce pas encore une application de l'adage : il ne faut point ajouter des conditions que la loi ne contient pas ?

lundi 22 décembre 2014

Lorsque l'on a la liberté de choisir, on a le devoir d'exprimer clairement son choix.....

Civ. 3ème 16 décembre 2014

arrêt n° S 14-10.674


DROIT D'OPTION- FORMALISME- REFERENCE AUX TEXTES RELATIFS AU CONGE- ABSENCE DE REFERENCE A LA PRECEDENTE ACCEPTATION DU RENOUVELLEMENT- EXERCICE REGULIER DU DROIT D'OPTION: NON

Si les conditions d'expression du droit d'option sont peu contraignantes, encore faut-il que la volonté d'exercer ce droit soit clairement exprimée.

Dans cette affaire, une société locataire se voit délivrer un congé avec offre de renouvellement. Elle déclare dans une lettre, accepter le principe du renouvellement mais contester le montant du loyer proposé. Jusque-là, tout va bien. Cependant qu'un peu plus d'un an plus tard, un soir de pleine lune, la locataire fait délivrer un congé au visa des articles L 145-4 et L 145-9 du code de commerce puis quitte les lieux précipitamment.

La bailleresse refuse de recevoir les clefs et demande notamment à la justice de résilier le bail aux torts de la preneuse ainsi que le paiement des loyers jusqu'à la première date utile d'expiration du bail en cours, c'est à dire vous l'aurez compris, jusqu'au terme de la première période triennale du bail renouvelé.

La locataire réplique qu'elle a exercé régulièrement son droit d'option, sans qu'elle ait eu l'obligation de faire référence au renouvellement qu'elle avait accepté (selon elle ce serait ajouter à la loi une condition qu'elle ne contient pas....bien tenté, oserais-je ajouter) et que la référence expresse dans son congé à la tacite reconduction et la manifestation de sa volonté de partir à une date sans signification particulière (en tout état de cause antérieure à l'expiration de la première période triennale) permettaient l'exercice régulier de son droit d'option.

Le tribunal adopte la position de la locataire.

La cour d'appel, infirme la décision attaquée au motif notamment que le congé délivré par la locataire
"ne fait référence ni au renouvellement dont le principe a été accepté par elle (...) ni à un refus de renouvellement de sa part, mais ne vise que les dispositions des art. L 145-4 et L 145-9 du code commerce."

La cour en tire dès lors les conclusions suivantes qui s'enchaînent : la locataire "ne pouvait donc donner de congé valable qu'à la fin de la période triennale qui avait débuté lors du renouvellement du bail", "que le congé délivré par la locataire est donc nul et non avenu, et qu'il ne peut être déduit de la délivrance de ce congé une renonciation tacite au renouvellement dont le principe avait été accepté expressément".

La cour de cassation rejette le pourvoi de la locataire et reprenant les principaux motifs de la cour d'appel, suit cette dernière  en retenant que le congé de la locataire "ne constituait pas l'expression (...) de l'exercice du droit d'option".

Le droit d'expression exige de la clarté de la part de son bénéficiaire....La Palisse.

Civ. 3ème arrêt du 16 décembre 2014
pourvoi n° S 14-10.674

DROIT D'OPTION - FORMALISME - REFERENCE AUX ART. L 145

dimanche 29 septembre 2013

CONGE AVEC REFUS DE RENOUVELLEMENT: l'imprécision à des limites !

Arrêt du 17 septembre 2013 rendu par la 3ème chambre de la Cour de cassation
n° de pourvoi H 12-20.041 - rejet 


Chapeau de mon cru ! CONGE PORTANT REFUS DE RENOUVELLEMENT - REPRODUCTION LITTERALE DU DERNIER ALINEA DE L 145-9 NECESSAIRE ? NON- LA CHARGE DE LA PREUVE DE L'USAGE LOCAL PESE SUR CELUI QUI L'INVOQUE : OUI - ERREUR SUR LE POINT DE DEPART DU DELAI DE FORCLUSION, EXIGENCE D'UN GRIEF ? OUI


Dans cette affaire, les bailleurs (certainement indivis....mais peu importe) ont fait délivrer deux congés (un par bail) à leur locataire, portant refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction.
Ils respectèrent le délai de 6 mois minimum.

Mais la locataire voulut rester dans les lieux et invoqua la nullité des congés.

Pour le reste il faut avoir à l'esprit que l'absence de poésie de chaque congé qui n'empêchera pas une certaine approximation toute verlainienne de leur rédacteur, sera approuvée paradoxalement par la Cour (carrée) de Cassation.

Suivez-moi, il n'y en a pas pour longtemps. Ames sensibles s'abstenir.

D'abord entrons dans les moyens annexés au pourvoi, nous cernerons ainsi mieux le litige, la Cour d'appel  jugeant le fond, s'étant attachée aux faits étayant ses réponses juridiques, acceptées par la Cour de cassation...

L'arrêt d'appel

1°) La locataire prétendait que les congé auraient dus être donnés pour le dernier jour d'un trimestre civil.

La Cour d'appel répondit à la locataire ce que je traduis par "non seulement la loi du 4 août 2008 ne s'appliquait pas au moment où les congés ont été délivrés et vous ne pouviez donc pas exiger un effet au dernier jour d'un trimestre civil, mais en plus vous ne démontrez pas que l'usage local vous permettait d'exiger ce terme du dernier jour d'un trimestre civil....alors que vous aviez la charge de cette preuve, puisque c'est vous même qui vous fondiez sur cet usage...".

Voilà donc un beau rappel sur le principe de la charge de la preuve à ne pas perdre de vue !


2°) Puis, dans un creschendo malicieux, la locataire prétendait que l'offre de paiement d'une indemnité d'éviction n'était pas véritable car les congés ne la chiffraient pas... la Cour répondit, que ce qui comptait, était que les bailleurs aient bien précisé que la locataire avait la possibilité de demander une indemnité d'éviction. 

Là encore un beau principe est remis en perspective: il ne faut pas ajouter à la loi des conditions d'application qu'elle ne contient pas.

3°) Enfin, summum du fortissimo, la locataire s'est plainte de l'absence de reproduction littérale de l'article L 145-9 du code de commerce et décrivit des expressions utilisées différentes, effectivement, de celles figurant dans cet article et indiqua - ce qui était malheureusement vrai - que les bailleurs s'étaient trompés dans le point de départ du délai de forclusion.

La Cour d'appel rétorqua que, somme toute, de quoi se plaignaient les locataires ? L'essentiel y était !

Ainsi " Les congés contiennent bien l'avertissement de la possibilité de contester le refus de renouvellement ou de demander le paiement d'une indemnité d'éviction et précisent que le délai est de deux ans, à peine de forclusion". La Cour d'appel concluait : "qu'ainsi aucune ambiguïté n'apparaît des termes utilisés par les bailleurs"....

Le problème du mauvais point de départ du délai de forclusion (qu'effectivement à tort l'huissier des bailleurs avait fait courir au jour de la délivrance des congés) ? Pour la Cour la locataire qui de facto fit valoir ce qu'elle désirait, dans le bon délai, n'avait aucun grief à faire valoir du fait de cette irrégularité....de sa réclamation, elle en fût donc déboutée.

Le vice de forme n'est sanctionné que s'il y a grief.


La COUR DE CASSATION  qui approuve la Cour d'appel, confirme bien que la charge de la preuve du contenu de l'usage pesait bien en l'espèce sur la locataire, que par ailleurs les congés qui n'avaient pas à être spécialement motivés étaient valables dès lors qu'ils offraient le paiement d'une indemnité d'éviction, qu'enfin l'inexactitude relative au point du départ de la forclusion n'avait pas causé de grief à la dite locataire.

Voilà donc de grands principes, précisément appliqués !







mardi 9 juillet 2013

IMMATRICULATION AU RCS ET DROIT AU RENOUVELLEMENT

Sous-location autorisée conventionnellement. Locataire principal non immatriculé au moment du renouvellement. Sous-location dispensant le locataire principal d'être immatriculé (NON). Locataire principal déchu du statut (OUI). Perte du droit à indemnité d'éviction (OUI).

Cour de Cassation 3ème civ. 3 juillet 2013
pourvoi n° Z 12-21.966

Les enseignements de cet arrêt sont les suivants :
  1. - le bailleur peut revenir sur son offre de renouvellement s'il découvre postérieurement une infraction
  2. - en l'espèce en l'absence d'immatriculation au moment du renouvellement le locataire principal perd son droit à renouvellement ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'éviction
  3. - la présence d'un sous-locataire ne peut lui servir de prétexte pour ne pas avoir été immatriculé

A bientôt.

Cordialement


Eric DESLANDES, Avocat PARIS

lundi 6 mai 2013

USUFRUITIER TITULAIRE DU BAIL: la reconnaissance de son droit à cession avec despécialisation

Cass. 3e civ., 6 fév. 2013, n° 11-24.708, n° 121 P + B,
Bauer et a. c/ Duret et a.



Texte discuté : art. L 145-51 du Code de commerce

Dans cette affaire, le locataire commerçant décède. Il laisse pour héritière, son épouse qui devient usufruitière du bail et leurs trois enfants, nu-propriétaires. L'épouse s'immatricule "immédiatement" et exploite le fonds. Tout va juridiquement bien.

Puis faisant valoir sa volonté de partir en retraite, elle sollicite auprès du bailleur la déspécialisation pour pouvoir céder le bail.

Renonçant à son projet initial d'acquérir le fonds, le bailleur assigne la preneuse et ses enfants pour voir juger qu'elle n'a pas le droit au bénéfice des dispositions de l'article L 145-51 du code de commerce, arguant que l'usufruitière du droit au bail n'est pas la locataire seule et expressément visée par ledit texte.

Si la Cour d' Appel qui a eu à connaître du litige, fait droit à la position du bailleur, elle se trouve censurée par la Cour de Cassation qui reconnaît à l'usufruitier régulièrement immatriculé au RCS pour le fonds qu'il exploite, le bénéfice des dispositions de l'article L 145-51 du code de commerce sur la cession et la déspécialisation, à condition que pour la cession du droit au bail, il justifie également de l'autorisation des nus-propriétaires (puisque l'on est en face d'un acte de disposition, sommes nous en droit d'ajouter).

Eric DESLANDES
Avocat - PARIS

jeudi 14 mars 2013

LOYER BINAIRE: attention au montant du loyer minimum garanti


Arrêt de la 3ème Chambre civile du 5 mars 2013
N° 294 F-D
Pourvoi n° P 11-28.461

LOYER BINAIRE - REVISION - MODALITES - VOLONTE DES PARTIES


DANS CETTE AFFAIRE une société preneuse accepte en toute connaissance de cause, après avoir négocié longuement, de signer un bail aux termes duquel elle est tenue de régler un loyer variable, déterminé année par année, correspondant à 7 % des son chiffres d'affaires HT et HC. Il s'agit d'une clause dite , "clause-recette".

Elle accepte également, de payer un loyer minimum garanti, soumis à une clause d'indexation (clause d'échelle mobile) uniquement à la hausse, automatique et annuelle, en fonction de la variation de l'indice INSEE.

Pour la locataire, le problème devient crucial à partir du moment où elle s'aperçoit qu'elle est toujours obligée de payer le loyer minimum garanti (le loyer dépendant des recettes étant quant à lui toujours inférieur à ce loyer minimum) et qu'elle constate que cet écart est trop grand puisqu'effectivement elle indique dans son pourvoi qu'il faudrait pour que la clause-recette s'applique, qu'elle ait un chiffre d'affaires trois fois plus important (elle prend une année en exemple).

En d'autres termes la locataire estime que le loyer minimum garanti est beaucoup trop élevé, trop éloigné de la réalité de ses recettes. Elle aurait souhaité voir appliquer les dispositions de l'article L 145-9 du code de commerce qui visent à mettre le loyer en adéquation avec la valeur locative et donc éviter les effets d'une variation excessive de l'indice retenu dans la clause d'échelle mobile (voir mon article précédent).

Elle tente donc de faire annuler cette clause décrivant le loyer binaire en invoquant la fraude à l'article              L 145-9, c'est à dire le fait que la clause attaquée aurait eu pour but unique d'empêcher l'application desdites dispositions de l'article L 145-9.

La COUR DE CASSATION se range au côté de la COUR d'APPEL qui avait rejeté les prétentions de la locataire en relevant et décidant que :

- les parties s'étaient librement accordées sur chacune des composantes du loyer comportant une partie fixe et une partie variable;
- que les composantes du loyer formaient un tout indivisible;
- les règles fixant la révision de ce loyer binaire étaient purement régies par le contrat et échappaient donc aux modes de révision prévus par le statut des baux commerciaux donc à l'article L 145-9 du code de commerce notamment.

La Cour d'appel précisait même : "qu'enfin il n'est rapporté aucune intention malicieuse imputable aux bailleresses, de telle sorte que le contrat qui fait la loi des parties à laquelle elles ont entendu  se soumettre, ne peut être écarté".

Eric DESLANDES 
Avocat -PARIS