lundi 14 août 2023

L' exception d'inexécution invoquée par le locataire, suppose que le local soit inexploitable : impropre à l'usage pour lequel il a été loué.

3e civ., 6 juillet 2023 n° 22-15.923



Preneur – Obligations – Paiement des loyers – Exception
d’inexécution – Réparation incombant au bailleur – Impossibilité
d’utiliser les lieux conformément à la destination du bail –
Recherches nécessaires.
Ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles 1184, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719 du code civil, la cour d’appel qui retient que l’exception d’inexécution opposée par le locataire est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les locaux loués avaient été rendus impropres à l’usage auquel ils étaient destinés.
 

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 10 mars 2022), le 1er mars 2002, la société civile
immobilière du Pavillon de Flore (la bailleresse) a donné en location à Mme [Z] (la
locataire) un local à usage commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la
copropriété.
2. Au motif de divers manquements de la locataire à ses obligations contractuelles, la
bailleresse l’a, le 16 août 2017, assignée en résiliation du bail, expulsion et paiement
d’une indemnité d’occupation.
3. Invoquant l’inexécution par la bailleresse de son obligation de délivrance à raison
d’infiltrations d’eau dans les locaux loués, la locataire a conclu au rejet des demandes
dirigées contre elle et a reconventionnellement sollicité l’autorisation de procéder à la
consignation des loyers.
Sur le moyen du pourvoi incident
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas
lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La bailleresse fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à prononcer la résiliation du
bail, de la débouter de ses prétentions tendant à voir ordonner l’expulsion de la lo-
cataire et fixer l’indemnité d’occupation et d’ordonner la consignation du montant
des loyers, alors « que le non-respect de ses obligations par le bailleur ne dispense le
locataire de remplir les siennes que lorsque ce manquement rend impossible la jouis-
sance des lieux loués ; qu’en affirmant, pour décider que Mme [Z] était fondée à se
prévaloir de l’exception d’inexécution et à retenir les loyers, qu’il existe des infiltra-
tions affectant le local loué et concernant le clos et le couvert, qu’il a laissé perdurer
des désordres sans demander de travaux à la copropriété, qu’il refuse de laisser réaliser
des travaux par la copropriété, et qu’il a manqué à une obligation essentielle du bail de
procéder aux réparations exigées par l’état des lieux et de garantir la jouissance d’un
local conforme à celui loué, la cour d’appel qui n’a pas recherché, ainsi qu’elle y était
invitée, si le manquement du bailleur à ses obligations rendait impossible la jouissance
des lieux, a violé l’article 1728 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1184 du
code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 16 février 2016. »
 

Réponse de la Cour
Vu les articles 1184, alinéa 1, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719 du code civil :
6. Aux termes du premier de ces textes, la condition résolutoire est toujours sous-en-
tendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne
satisfera point à son engagement.
7. Selon le second, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit
besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d’en-
tretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire
jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
8. Pour rejeter les demandes de la bailleresse et ordonner la consignation des loyers,
l’arrêt [attaqué] retient que, peu important que l’exploitation ne soit pas totalement impossible,
l’exception d’inexécution est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation
essentielle du bail.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les infil-
trations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient
destinés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur
l’autre grief du pourvoi principal, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mars 2022, entre
les parties, par la cour d’appel de Douai ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les
renvoie devant la cour d’appel de Douai, autrement composée

Observations
L'exception d'inexécution est une arme redoutable tant pour celui qui l'utilise que pour celui qui la subit.
Elle est invoquée et pratiquée en dehors de toute décision par le locataire qui ainsi, se fait justice à lui-même. Telle est la raison pour laquelle s'il souhaite user de cette exception, il doit bien réfléchir et se poser la question si le local est matériellement exploitable ou non malgré les manquements du bailleur.
Une solution intéressante parce que rapide, et préalable à toute initiative : l'action en référé (voir d'heure à heure) pour demander la consignation totale ou partielle des loyers devant un trouble manifestement illicite. Bien évidemment, il est indispensable d'envoyer au bailleur une ou deux mises en demeure RAR avec des photos et d'autres pièces justifiant de l'ampleur des conséquences de l'inexécution alléguée et même avec un constat d'huissier, et justifier de leur réception, avant toute action en justice.

lundi 27 mars 2023

Un aspect du pouvoir des indivisaires : l'acte conservatoire pouvant par définition être régularisé ou exercé seul par un indivisaire

 

 Cass. 3ème civ., 8 décembre 2004 n° 03-17.902

 

Article 815-2 du code civil

version en vigueur depuis le 1er janvier 2007

  "Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.

Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers.

A défaut de fonds de l'indivision, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.

Lorsque des biens indivis sont grevés d'un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l'usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations."

Dans cette affaire,  les héritiers d'un commerçant se voient délivrer un congé avec refus de renouvellement. Le tribunal le valide et déclare les héritiers occupants sans droit ni titre.

L'un des indivisaires fait appel et la Cour juge que "la mise en œuvre d'une action en appel n'est pas une mesure nécessaire ) à la conservation des biens indivis mais un acte d'administration".

La Cour de Cassation casse péremptoirement l'arrêt de la Cour d'appel dans les termes suivants : "Qu'en statuant ainsi, alors que l'appel d'un jugement déclarant valable un congé et ordonnant une expulsion constitue un acte conservatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé."

 Cet arrêt est d'autant plus intéressant qu'il statue sous l'empire de la version de l'article 815-2 du code civil, antérieure à sa modification entrant en vigueur le 1er janvier 2007 version qui croit devoir préciser que pour agir de manière conservatoire, l'urgence de la mesure n'est pas requise. La version antérieure quant à elle, n'avait pas cette précision ce qui paradoxalement avait permis à la jurisprudence d'ajouter cette condition d'urgence ou de péril, que la loi ne contenait pas.

Dans cet arrêt, la cour de cassation ne parle ni d'urgence, ni de péril, ni d'imminence d'un dommage...sans doute parce que l'appel est par nature un acte conservatoire. Cette qualification était souvent employée dans ma jeunesse d'avocat. On disait au client qu'un appel à titre conservatoire allait être régularisé par l'avoué, lorsque la cause n'était pas évidente...justement parce que l'on pouvait s'en désister tant que l'on avait pas conclu, ce qui nous permettait de négocier ou de réfléchir aux chances de succès dudit appel.

Par essence, aujourd'hui un appel interjeté peut être stoppé seul par l'appelant, tant qu'il n'a pas conclu au fond dans le délai de trois mois. Par ailleurs, j'ai vu récemment des appels interjetés qui se sont retrouvés mis à néant par ordonnance de la Cour, simplement parce que l'appelant n'avait pas conclu dans le délai de trois mois.

L'on voit bien qu'un acte - la déclaration d'appel- "aussi fragile", peut permettre de conserver une situation, en l’occurrence éviter l'écoulement d'un délai rapide capable de figer en principe définitivement une situation préjudiciable à l'ensemble des indivisaires. 

Citons Christian ATTIAS qui dans son excellent livre "L'indivision" paru chez Edilaix ed. de sept. 2008, commente cet arrêt en ces termes : " Un seul indivisaire aurait donc qualité et pouvoir pour saisir la cour d'appel après jugement rendu à l'égard de tous les indivisaires. Toutefois, la qualification ne devrait valoir que pour l'acte d'appel; le délai à respecter peut lui conférer un caractère conservatoire. Il n'en est pas de même pour la poursuite de l'instance d'appel". Effectivement il faut voir ensuite l'objet de l'action en cause pour apprécier le nombre des participants à la poursuite dudit l'appel.

En conclusion, on fait appel et l'on conserve la situation. L'on discute posément ensuite.

 

samedi 25 mars 2023

DROIT DE REPENTIR - Sa mise en échec par ce qui est assimilé au départ du locataire : les démarches irréversibles

Vous souhaitez une consultation sur les démarches irréversibles du locataire qui rendent inopérant le droit de repentir du bailleur ? Exposez-moi votre problème, documents ou non à l'appui. Après acceptation de mon devis, je répondrai à vos questions.


 

 


mardi 14 mars 2023

Pour mémoire...le mémoire n'interrompt la presciption que devant le Président du Tribunal ou le juge des loyers !

 

Cass. 3e civ 25 janvier 2023 n° 21-20.009

DECRYPTAGE

 

Le mémoire – son rôle interruptif de prescription.

 

Dans cette affaire, le 19 septembre 2013, une bailleresse fait délivrer par huissier de justice, à sa locataire, un congé avec offre de renouvellement, à effet du 1er avril 2014 et propose un nouveau loyer.

Le 21 mai 2014, la locataire exprime par acte d’huissier, son accord sur le principe du renouvellement, son désaccord sur le prix proposé et opère une contre-proposition.

Le 30 mars 2016, la bailleresse notifie son mémoire à sa locataire en vue d’obtenir évidemment le loyer qu’elle souhaite.

Le 4 octobre 2016 la locataire notifie son mémoire en réponse.

On s’attend donc à ce que le juge des loyers soit saisi.

Or la bailleresse assigne sa locataire, le 14 mars 2018 devant le TGI en validation du congé et accessoirement en fixation du loyer.

Le Tribunal déclare prescrite l’action de la bailleresse.

La bailleresse fait appel et demande à ce qu’il soit jugé que :

-          Le congé du 19 septembre 2013 est valable et qu’il doit produire ses effets ;

-         Le bail s’est renouvelé à compter du 1er avril 2014, aux clauses et conditions du bail expiré, à la seule exception du loyer minimum garanti.

La bailleresse demande également la fixation d’un prix d’un nouveau loyer et subsidiairement la désignation d’un expert pour déterminer les loyer minimum garanti selon la valeur locative.

 

La locataire demande la confirmation du jugement entrepris et de déclarer en conséquences les demandes irrecevables car prescrites et subsidiairement :

-          de juger que le bail est renouvelé pour une durée de 12 années à effet du 1er avril 2014 aux mêmes clauses et conditions,

-          de juger que la bailleresse « ne peut demander la modification du loyer de base en dehors des termes de 12 années contractuellement stipulés au bail »,

-        et plus subsidiairement elle offre un prix de loyer…évidemment inférieur à celui demandé par la bailleresse.

Quels sont les moyens qui, selon la Cour d’appel ont été exposés par l’appelante pour contrer le jugement ?

1.     La prescription de l’action en fixation du prix du bail renouvelé a pour point de départ, le jour de la prise d’effet du nouveau bail. Donc il faut prendre en compte la date du 1er avril 2014 comme point de départ de cette prescription.

2.     En application de l’article 33 du décret du 30 septembre 1953, la notification du mémoire le 30 mars 2016 a interrompu la prescription de l’action en fixation du prix du nouveau loyer et à cette date un nouveau délai de deux ans a commencé à courir s’achevant le 30 mars 2018. Dès lors, l’assignation ayant été délivrée le 14 mars 2018, son action n’était pas prescrite.

3.   Pour la bailleresse, elle avait présenté une demande de validité des effets du congé avec offre de renouvellement qui servait d’appui à sa demande en fixation du loyer et que ces demandes tendaient vers un seul et même but ; elle reproche aussi à sa locataire sa déloyauté : d’avoir attendu de déposer son mémoire en réplique le 4 octobre 2016 pour remettre en cause « les effets de validité du congé ce qui l’a contrainte à saisir le Tribunal de grande instance (et non le juge des loyers).

Quelles sont les réponses de l’intimée reprises par la Cour d’appel ?

Le mémoire tel que visé à l’article R.145-23 du code de commerce et à l’art. 33 du décret de 1953, n’est pas une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil. Il n’a de caractère interruptif que s’il s’inscrit dans une procédure de fixation ou de révision du loyer d’un bail commercial devant le président du tribunal de grande instance statuant en qualité de juge des loyers commerciaux (juge maintenu aujourd’hui au sein du tribunal judiciaire.) et que l’article 33 s’inscrit une procédure spécifique et il « n’a pas vocation à s’appliquer devant le tribunal de grande instance, juge de droit commun des baux commerciaux devant lequel seules les causes d’interruption de droit commun son applicables…(et donc « sous entendu » la délivrance de l’assignation…)….dès lors que le point de départ de l’action en fixation du prix du nouveau bail était le 1er avril 2014 et que seule la délivrance d’une assignation pour interrompre la prescription, celle du 14 mars 2018 était tardive.

SUR CE : la cour rappelle les stipulations des article 33 et 29 du décret de 1953 et que les stipulations de l’article 29 ont été insérées dans l’article R145-23 du code de commerce. Elle souligne que la procédure en fixation du prix du bail renouvelé est une procédure spéciale sur mémoire qui rend spécialement compétent le juge des loyer, c’est-à-dire le président du tribunal de grande instance et que le TGI (aujourd’hui le TJ) peut agir comme juge des loyers dès lors que la demande en fixation du prix du bail est une demande ACCESSOIRE.

Elle accepte ensuite l’argumentation de la locataire :

1.     Le mémoire préalable n’est pas une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil, puisqu’il n’a pas pour effet de saisir une juridiction ;

2.     S’il interrompt la prescription c’est uniquement dans le cadre de l’article 33 du décret de 1953 article dédié à la procédure spéciale devant le juge des loyers commerciaux…

3.     Dès lors qu’il est rédigé dans le cadre d’une procédure devant le TGI (TJ) il perd sa vocation d’effet interruptif….d’autant plus qu’il n’est pas nécessaire devant le TGI pour exprimer accessoirement une demande en fixation du prix du bail.

Reprenant les dates ci-dessus, elle conclut que l’assignation a été délivrée tardivement car « le mémoire préalable notifié par le bailleur n’a pas d’effet interruptif de prescription dès lors qu’il n’a pas été suivi d’une saisine du juge des loyers commerciaux et le mémoire en réponse du preneur notifié le 4 octobre 2016, qui n’est pas un acte de procédure, n’a pas davantage pu interrompre la prescription. »

 On relèvera également que la Cour a considéré – c’est mon interprétation- que tant qu’à rédiger un mémoire pour faire fixer un nouveau loyer, il fallait assigner devant le juge des loyers commerciaux quitte ayant saisi le tribunal pour un problème d’interprétation d’une clause du contrat, demander au juge des loyers de surseoir à statue.

Et la cour de confirmer le jugement entrepris.

La bailleresse se pourvoit en cassation.

Pour elle, la notification du mémoire « doit être regardée comme la formation d’une prétention ayant vocation d’être ultérieurement soumise au juge en cas de désaccord entre les parties, c’est-à-dire comme l’exercice d’une action en justice par la formation d’une demande en justice ». Elle ajoute que l’article 33, lorsqu’il dit que le mémoire interrompt la prescription, ne distingue pas entre les actions et vise « toute action tendant à la fixation judiciaire du loyer d’un bail commercial renouvelé, quelle que soit la juridiction – juge des loyers commerciaux ou juridiction de droit commun-devant laquelle est ensuite portée l’action ». Effectivement le principe selon lequel il ne faut pas ajouter à la loi une ou des conditions qu’elle ne contient pas est souvent utilisé par la Cour de cassation pour statuer.

Elle ajoute que le mémoire concerne toutes les actions en fixation du prix du bail renouvelé, qu’elles soient principales ou accessoires.

Enfin elle soutient que finalement, en faisant la preuve de sa volonté de voir prospérer ses prétentions par la délivrance de ce mémoire elle n’était pas concernée par la nature de la prescription qui est la sanction de l’inaction selon l’article 2219 du code civil et que par conséquent le fait que le mémoire ne soit pas prévu devant le TGI (TJ) n’entrave en rien son effet interruptif.

 

En fait la question posée à la Cour de cassation était : le mémoire est-il autonome par rapport à la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé ?

 

Que répond la Cour à ce pourvoi ?

 

Avec les règles du code civil relatives avec la prescription nous sommes dans le droit commun et les causes d’interruption de la prescription sont énumérées de manière limitative.

L’article 33 du décret de 1953 qui fait de la notification du mémoire une cause interruptive est donc quant à lui un texte à part. Il est instauré par l’article R.145-23 du code de commerce et cet article érige le mémoire en vecteur procédural devant le président du tribunal ou le juge des loyers qui le remplace pour la fixation du prix du loyer du bail renouvelé (ou révisé)…le TGI (TJ) quant à lui ne statuant que dans les autres cas.

C’est pourquoi le mémoire n’interrompt la prescription que pour répondre aux nécessités de la procédure pour les besoins de laquelle il a été spécialement institué.

Ce n’est pas parce que le TGI (TJ) peut statuer à titre accessoire sur la fixation du prix du loyer du bail renouvelé, que le mémoire peut être utilisé devant lui…qui doit se voir saisi selon sa propre procédure qui n’est pas celle à utiliser devant le juge des loyers…et donc le mémoire préalable n’est pas vis-à-vis de cette juridiction de droit commun la cause interruptive de prescription de droit commun.

La cour de cassation impose donc une sorte de parallélisme des formes : face à une procédure de droit commun on interrompt la prescription avec les causes de droit commun…

samedi 26 novembre 2022

Droit de préemption du locataire en cas de vente des murs du local qu'il exploite : art. L.145-46-1 du code de commerce

CASS. 3e civ., 29 juin 2022 n° 21-16.452, B


L'article L.145-46-1 du code de commerce fixe le principe d'un droit de préemption du locataire sur les murs qu'il exploite au cas où leur propriétaire envisage de les vendre. Ses cinq premiers alinéas fixent le régime de l'exercice de ce droit de préemption et de la vente au profit du locataire.

Et...bien entendu, dans son sixième alinéa cet article impose des exceptions à ce droit de préemption :

-lorsque le propriétaire envisage de céder en une fois ("cession unique"), plusieurs locaux d'un ensemble commercial,

- dans la même hypothèse, lorsque la vente porte sur les locaux distincts au profit d'un copropriétaire d'un ensemble commercial,

- dans la même hypothèse, lorsque l'objet de la vente projetée est un local commercial et qu'elle est au profit dudit copropriétaire,

- lorsqu'un immeuble comprenant plusieurs locaux commerciaux doit être cédé dans sa globalité au conjoint, un ascendant ou un descendant du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du conjoint dudit bailleur, cette exception s'appliquant également si la cession porte sur un seul local;

- enfin, depuis le 23 février 2022 : pas de droit de préemption du locataire dans le cadre de l'exercice du droit de préemption visé par le code de l'urbanisme (cf. Livre II, Titre 1er, chap. I et II du CU + art. L.213-11 du même code.)

A suivre...exposé et commentaire en cours de rédaction.


vendredi 29 juillet 2022

La fixation de la provision de loyer durant la procédure en fixation du prix du bail renouvelé devant le juge des loyers : à argumenter de part et d'autre !

 Cass. 3ème civ., 11 mai 2022 

n° 20-21.651 (joint avec 689 et 652)

 

R.145-23 du code de commerce : "Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble".

NB Cet arrêt a ordonné la jonction de trois pourvois entre les mêmes parties, il n'est question ici que d'un des trois pourvois tranchés par cet arrêt.

Pour bien comprendre l'intérêt de la question il faut juste préciser quelques faits contenus dans l'arrêt d'appel (PAU 09/09/2020, n° 19/00730).

DANS CETTE AFFAIRE, la locataire saisit le juge des loyers pour faire fixer le prix du loyer du bail dont le renouvellement a été accordé par la bailleresse.

Le juge des loyers ordonne une expertise et le temps que la solution soit apportée, fixe un loyer provisionnel. Le montant de ce dernier est celui que la bailleresse avait demandé dans son mémoire.

L'expert rend son rapport et le montant du loyer qu'il préconise est inférieur au montant du loyer provisionnel versé durant l'expertise par la locataire.

Je juge des loyers suit l'expert sur le montant du loyer, mais refuse de faire droit à la demande de condamnation formulée par la locataire  en remboursement du trop-perçu de loyers par la bailleresse, estimant que cette demande dépasse ses pouvoirs.

La cour d'appel se range de l'avis du premier juge et est elle-même suivie par la Cour de cassation: une demande de condamnation excède la compétence du juge des loyers commerciaux telle que réglementée par l'article R.145-23 du code de commerce.

 

jeudi 28 juillet 2022

Tout ce qui est illégal, mais seulement ce qui est illégal - La clause d'indexation illégale, n'est pas forcément indivisible...

 Cass 3ème civ. 12 janvier 2022

n° 21-11.169

 

Art. L.145-15 du code de commerce, Modifié par LOI n°2014-626 du 18 juin 2014 - art. 6

Sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54.

En outre, et par dérogation à l'article L. 145-38, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

[Conformément au 21 II de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les présentes dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.]

 

Dans cette affaire....un bailleur fait figurer dans son bail, une clause d’indexation dont le contenu en son alinéa 2, l’empêche d’être prise en compte lorsqu’elle varie à la baisse…Pour le bailleur c’est une clause fondamentale, sans laquelle il n’aurait pas contracté, et il se réserve le droit de solliciter la résiliation du bail si cette clause est violée, même partiellement.

Dans le cadre d’un litige portant sur des trop-payés de charges et de frais de gestion, la locataire en profite pour solliciter le remboursement d’un trop-payé de loyer résultant du jeu de cette clause d’indexation, car elle estime cette dernière non-écrite « dans son intégralité ».

Les juges du fond, lui donnent raison car ils estiment, cour d’appel y compris, que :

la clause qui écarte toute réciprocité de variation fausse le jeu normal de l’indexation et est donc contraire aux dispositions de l’article L.112-1 du code monétaire et financier.

 Ils ajoutent que ne permettant pas une baisse du loyer elle est contraire à la lettre de l’article L145-39 du code de commerce et doit donc être réputée non écrite.

Le bailleur répond que ce qui n’est pas valable dans la clause peut être déclaré non-écrit sans que le reste de la clause ne soit altéré et effectivement, si l’on supprime l’interdiction de prise en compte de la variation à la baisse de l’indice, la clause redevient conforme à l’article L.145-39 du code de commerce.

La Cour d’appel vient contrer ce moyen en soulignant « que l’on comprend mal » que le bailleur ait fait de la clause un tout indivisible en stipulant qu’elle est un élément essentiel de son contrat, en sanctionnant sa violation même partielle par la possibilité de demander la résiliation du bail…et qu’aujourd’hui il considère que finalement sa clause « puisse être amputée d’une partie de son contenu. »

La Cour de cassation qui reconnait que la clause fausse le jeu de l’indexation en modifiant le délai d’atteinte de la variation du quart conditionnant la révision du loyer, censure la Cour d’appel : les termes de cette clause ne sont pas indivisibles, seule la stipulation doit être déclarée non écrite.


Commentaire : le droit est dit, mais justice a-t-elle été rendue ? La Cour de Cassation donne raison à une personne qui finalement se prévaut de sa turpitude. Voici ce qu'elle pourrait se dire : "J'insère dans mon contrat une clause qui viole une disposition d'ordre public et je gagne quand même, à tous les coups...soit la locataire ne voit rien et elle paye...si elle s'aperçoit de la "supercherie" elle paye quand-même...nonobstant le fait que j'ai bien précisé que ma clause illégale était essentielle et indivisible, puisque sa violation même partielle me permettait de demander la résiliation de mon contrat".

La Cour d'appel avait relevé la contradiction du bailleur, tantôt prônant l'indivisibilité de sa clause, tantôt sa possible division.

Ceux qui justifient l'indivisibilité de la clause font référence au principe du réputé non écrit du code de la consommation dont les effets sont définis à l'article L.241-1 dudit code : " le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ses clauses."

Pardon, mais en l'espèce, il ne s'agit pas d'apprécier l'intégralité d'un contrat, mais l'intégralité d'une clause. 

Enfin, la cour de cassation ne peut pas dire que la clause dans son ensemble fausse le jeu de l'article L.145-39 du code de commerce,qui est d'ordre publique, et accepter sa réparation au nom d'une division possible de ses composantes. Le sens de la clause forme un tout, une réalité économique, sociale et même morale. On le prend tel qu'il est ou pas. On ne le déforme pas pour pouvoir le prendre.