vendredi 13 décembre 2019

LA REFORME DE LA PROCEDURE CIVILE ET LA PROCEDURE EN BAUX COMMERCIAUX


La Section 5 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile à trait à l’extension de la représentation obligatoire.

Y figure l’article 7 qui modifie les article R.145-26, R.145-27, R.145-29, R.145-31 du code de commerce ; à compter du 1er janvier 2020 ces articles s’appliquent, et sont rédigés dans les termes suivants :

« R.145-26 : Les mémoires sont signés par les avocats des parties. Les copies des pièces que les parties estiment devoir y annexer sont certifiées conformes à l'original par le signataire du mémoire. Les mémoires sont notifiés par chacune des parties à l'autre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification est valablement faite par le locataire au gérant de l'immeuble. »

« R.145-27 : Le juge ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi.
La partie la plus diligente remet au greffe son mémoire aux fins de fixation de la date de l'audience. Elle y annexe les pièces sur lesquelles elle fonde sa demande et un plan des locaux. Elle y joint également le mémoire et les pièces reçus de l'autre partie.
La remise peut être faite par la partie elle-même ou par un avocat. Les mémoires et les pièces peuvent être remis en original ou en copie. »

« R.145-29 : Les parties sont tenues de constituer un avocat. Elles ne peuvent, ainsi que leur conseil, développer oralement, à l'audience, que les moyens et conclusions de leurs mémoires. »

« R.145-31 : Dès le dépôt du constat ou du rapport, le greffe avise les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, si elles sont représentées, leurs avocats, de la date à laquelle l'affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l'exécution de la mesure d'instruction devront être échangés.
Le juge, en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées, peut entendre l'expert ou l'auteur du constat pour lui demander les éclaircissements qu'il estime nécessaires.
En cas de conciliation intervenue au cours d'une mesure d'instruction, le technicien commis constate que sa mission est devenue sans objet et en fait rapport au juge. Mention en est faite au dossier de l'affaire et celle-ci est retirée du rôle. Les parties peuvent demander au juge de donner force exécutoire à l'acte exprimant leur accord. »

Il faut passer à l’article 16 du décret pour que l’article R.145-28 soit modifié au regard de la nouvelle topographie du code de procédure civile :
R.145-28 : « Il est procédé pour le surplus comme il est dit, en matière de procédure à jour fixe, aux articles 840 à 844 du nouveau code de procédure civile. L'assignation n'a toutefois pas à reproduire ou à contenir les éléments déjà portés à la connaissance du défendeur. »

mercredi 11 septembre 2019

L'OBLIGATION DE DELIVRANCE DU BAILLEUR

Cass. 3e civ. 4 juillet 2019, n° 18-17.107



Art. 1719 du code civil :
Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.

DANS CETTE AFFAIRE...un hangar est loué à une société de discount à destination de tous commerces ou fonds artisanal.
Cette dernière estimant que les lieux ne peuvent dans leur état,  permettre l'accueil du public, et que leur superficie réelle est inférieure à celle qui était contractuellement indiquée, assigne le bailleur en résiliation du bail et en indemnisation de ses préjudices.
Mais la situation devant les juges du fond et notamment devant la cour d'appel, n'est pas celle escomptée par la locataire et celle que l'on entrevoit, ne serait-ce que par équité, mais surtout par une simple lecture de la jurisprudence bien établie !
Le bail est résilié aux torts DE LA LOCATAIRE.
Quelle a été la motivation des juges du fond ? Pourquoi ont-ils considéré que les travaux de remise en état incombait à la locataire et non au propriétaire ?
 Pour eux:
1°) aucune activité spécifique n'était prévue...et les lieux seraient destinés à une activité différente;
2°) le bail ne stipulait pas expressément que le local devait être aux normes permettant de recevoir du public;
3°) la locataire a accepté de prendre les lieux dans l'état où ils étaient;
4°) elle n'a pas mis en demeure le bailleur de remettre le local aux normes.

La Cour Suprême casse cet arrêt, et heureusement !

Il est consternant, compte tenu de la jurisprudence bien établie, qu'elle soit obligée de rappeler tout d'abord que la clause selon laquelle le locataire prend les lieux en l'état où ils se trouvent ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance.
"La seule chose" qui peut délier le propriétaire des murs de cette obligation, c'est une clause expresse  par laquelle le locataire s'oblige à effectuer des travaux (qui doivent être bien précisés).
La Cour de cassation le rappelle et pour elle, peu importe l'activité antérieure qui a été exercée dans les lieux.

On rappellera simplement que cette clause joue pendant toute la durée du bail.
Mais je sujet est récurrent....j'y reviendrai.



mardi 4 juin 2019

Clause résolutoire : les quelques mots qui peuvent faire la différence.

Cass. 3e civ., 6 sept. 2018 
n° 17-22.767 F-D


Effectivement, ajouter dans le texte de la clause résolutoire, que le bailleur pourra se prévaloir de ses effets, si bon lui semble, est une sage précaution d'autant que cette clause sera également reproduite dans le commandement de payer.


Ainsi, en cas de non régularisation de l’infraction dans le délai d’un mois, la clause ne sera pas automatiquement appliquée.


Mais pourquoi cette remarque au bout du compte, tirée d'une logique juridique évidente ?

Dans cette affaire, un locataire ne paye plus ses loyers. Le bailleur lui délivre donc un commandement de payer visant la clause résolutoire. Le locataire fait opposition audit commandement et demande la nullité du contrat.


Le bailleur, reconventionnellement, demande le paiement des loyers jusqu’à l’échéance triennale et pour le contrer sur ce point, le locataire invoque…l’acquisition de la clause résolutoire, ce qui en l’espèce limite fortement la période débitrice.

La Cour de cassation, va confirmer l’arrêt de la cour qui donnait raison au locataire dans les termes suivants : « Mais attendu que la cour d’appel, qui a retenu, sans dénaturation, que la clause n’était pas stipulée dans l’intérêt exclusif du bailleur, a légalement justifié sa décision ».

La présence de l’expression « si bon semble au bailleur » dans la clause résolutoire reprise dans le commandement, permet au bailleur, de ne pas saisir le juge pour faire constater l’acquisition des effets de cette clause et même en cas de saisine du juge, de se cantonner à ne demander qu’une condamnation (provisionnelle,  lorsqu'elle est demandée en référé) sans solliciter la résiliation du bail.


A contrario, si tant dans la clause que dans le commandement l’expression « si bon semble au bailleur » ne figure pas mais qu’au contraire le bailleur fait part d’une intention certaine de se prévaloir de la clause, le locataire pourra tirer les conséquences de l’acquisition de la clause résolutoire et prendre acte, acquiescer en quelque sorte à la résiliation du bail.


On peut au surplus se poser la question si le commandement ne pouvait pas en quelque sorte rectifier le contenu de la clause résolutoire qui n’aurait pas contenu l’expression « si bon semble au bailleur ».


En d’autres termes le commandement ne pourrait-il pas pallier à la carence de la clause résolutoire en rétablissant pour le bailleur le droit de renoncer à s’en prévaloir ? On peut en douter, dès lors que le commandement vise la clause qui a force obligatoire entre les parties.


En tout état de cause, ce n’est qu’une piste de réflexion, en cas de problème avec la teneur de sa clause résolutoire, le bailleur pourrait se cantonner à solliciter le paiement de sa créance en justice en ayant fait délivrer préalablement la mise en demeure visée à l’article L.145-17 du code de commerce dans la perspective d’un non-renouvellement du bail sans paiement d’une indemnité d’éviction.

dimanche 2 juin 2019

La révision triennale et la présence dans le bail d'une clause d'échelle mobile


TGI PARIS LOYERS COMMERCIAUX 6/10/2011 n°2011-032447
Cass. 3ème civ. 20 mai 2015 n° 13-27.367 publié


Texte en cause : L.145-33, L.145-38 et L.145-39 du code de commerce. 

Soit un bail, assorti d’une clause d’échelle mobile.

Soit une locataire qui souhaite que s'applique la valeur locative supérieure au loyer d'origine mais inférieure au loyer issu de la variation indiciaire.

Soit une bailleresse qui s'appuyant sur le fait que la locataire n’apporte pas la preuve que l’un des deux modes de révision peut conduire au déplafonnement du loyer révisé et que le bail contient une clause d'échelle mobile, demande à ce que celle-ci s'applique pour aboutir finalement à un loyer indexé, supérieur à la valeur locative.

Face à l'absence des conditions de déplafonnement, tant selon L. 145-38 que 39, le tribunal va donner effet au loyer en cours, qui sera le loyer plancher EN RETENANT que le loyer en cours sera le loyer d’origine indexé par le jeu de la clause d'échelle mobile. Il exclura dès lors l'application de la révision triennale.

La même affaire ira jusque devant le Cour de cassation qui dans son arrêt du 20 mai 2015, confirmera la solution donnée par le Tribunal.

Pourtant l'argumentation de la locataire dans son pourvoi était "audible": comment exclure l'application d'un texte d'ordre publique, l'article L.145-38 en l’occurrence ? L'application de ce texte, permettait à la valeur locative située entre le prix plancher et le prix résultant de la variation indiciaire, de s'appliquer, le prix plancher étant celui résultant du loyer d'origine ou celui résultant de la dernière révision triennale amiable ou judiciaire. Dès lors rehausser le prix plancher en appliquant la clause d'indexation, pour le rendre supérieur à celui de la valeur locative, revenait à priver d'effet l'article L.145-38.

mercredi 1 mai 2019

La déchéance du droit au renouvellement peut aussi naître de la nullité du contrat de location-gérance.

Cass. 3e civ., 22 mars 2018,
 n° 17-15.830, F-P+B

Textes du code de commerce : 
L. 144-3 (modifié par ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004):

"Les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance".  
L. 144-10

"Tout contrat de location gérance ou toute autre convention comportant des clauses analogues, consenti par le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions  prévues aux articles ci-dessus, est nul. Toutefois les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l'encontre des tiers.
La nullité prévue à l'alinéa précédent entraîne à l'égard des contractants la déchéance des droits qu'ils pouvaient éventuellement tenir des dispositions du chapitre V du présent titre réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal."

Dans cette affaire...une personne, physique en l’occurrence,  est titulaire d'un fonds de commerce  depuis moins de deux ans et le donne alors en location-gérance.

La bailleresse, c'est à dire, la propriétaire des murs, fait délivrer à sa locataire, deux commandements dans portant refus du droit à renouvellement et refus de payer une indemnité d'éviction, invoquant l'absence d'exploitation du fonds de commerce pendant les deux ans précédent la mise ne location gérance.

La locataire assigne alors en contestation des congés mais le tribunal la déboute de ses demandes et lui refuse dès lors toute indemnité d'éviction.

La Cour d'appel va infirmer ce jugement et décider que les motifs des congés n'étaient pas justifiés et que la bailleresse était tenu au paiement d'une indemnité d'éviction.
Ladite Cour d'appel motive sa décision en retenant que même si la locataire d'origine n'a pas exploité le fonds durant deux ans, cette faute n'a de conséquence qu'entre les parties au contrat de location-gérance et n'entraîne pas ipso facto la nullité dudit contrat, CETTE MÊME FAUTE ne constituant pas dès lors "un motif grave et légitime privatif d'une indemnité d'éviction dès lors que la bailleresse ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle lui cause sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil." 

La Cour suprême ne pouvait que sanctionner une telle erreur dans l'application des textes pourtant clairs, rappelant au passage que les règles de validité du contrat de location-gérance et notamment les conditions tenant au  loueur et la sanction qui les accompagne "n'ont pas pour finalité la protection des intérêts particuliers des parties".

Si les deux ans d'exploitation par le locataire d'origine c'est à dire le propriétaire du fonds (ou de l'établissement artisanal) ne sont pas respectés, les sanctions de l'article L.144-10 du code de commerce s'appliquent :
* le contrat de location gérance est nul;
* le locataire (propriétaire du fonds de commerce ou du fonds artisanal) est déchu des droits qu'il tire du statut des baux commerciaux et notamment du droit au renouvellement de son bail.

La locataire aurait du demander (art. L.144-4 du code de com.) la réduction du délai légal au Président du TGI, par voie de requête, en prouvant qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de proposés, et attendre une décision positive AVANT de conclure son contrat de location-gérance.

mardi 30 avril 2019

Demande de fixation (ou de paiement) d'une indemnité d'occupation, par le bailleur : prescription

Cass. 3ème Civ., 18 janvier 2018 n° 16-27.678 FS-P+B
Sté PACA c/ Sté Parcs Enchères







Cet arrêt nous précise que "le délai de l'action en paiement de l'indemnité d'occupation fondée sur l'article L.145-28 du code de commerce ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré dans son principe, le droit du preneur au bénéfice d'une indemnité d'éviction."

Il s'inscrit dans l'hypothèse où le paiement de l'indemnité d'éviction commence par être refusé par le bailleur à la suite d'un congé portant refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction.

Par contre si l'indemnité d'éviction est offerte, la prescription en paiement de l'indemnité d'occupation court à compter de la date d'expiration du bail.