lundi 24 septembre 2018

Le sort du bail renouvelé après la délivrance du commandement de saisie immobilière


Cass. 3ème civ. 7 septembre 2017
n° 16-17174


Pour mémoire on rappellera les dispositions de l’article 2199 du code civil applicables depuis le 1er janvier 2007 : « Les baux consentis par le débiteur après la saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur.

La preuve de l’antériorité du bail peut être faite par tout moyen."



Cependant le présent litige porte sur l’ancien article 698 du code de procédure civile, applicable aux saisies diligentées avant la réforme et aux termes de ces dispositions :



« Les baux qui n'ont pas acquis date certaine avant le commandement peuvent être annulés et ceux postérieurs au commandement doivent l'être si, dans l'un ou l'autre cas, les créanciers ou l'adjudicataire le demandent. »

Dans cette affaire étaient posées deux questions :



1°) Un adjudicataire des murs commerciaux, doit-il avoir été informé de la demande de renouvellement formée par le locataire après la délivrance au bailleur du commandement de saisie-immobilière, pour que la prescription de son action en annulation du bail et de la demande en renouvellement, puisse lui être opposée ?



2°) Un adjudicataire peut-il prétendre que la demande de renouvellement a pu, suite à l’absence de contestation du bailleur durant trois mois, former un nouveau bail postérieurement au commandement expropriatif, de telle sorte que l’adjudicataire peut obtenir l’annulation de ce bail nouvellement formé ?



A la première question la Cour suprême, répond par la négative et casse l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point.
La prescription biennale a eu pour point de départ la date d’effet de la demande de renouvellement et point n’était besoin que cette demande ait été portée à la connaissance de l’adjudicataire… 

Il convient également de préciser que la demande en renouvellement avait été effectuée postérieurement à la date de délivrance du commandement expropriatif.


Cette question était légitime car l’on sait que la prescription ne court que le jour ou le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.


Ceci étant pour la Cour de cassation, le locataire doit bénéficier du statut à partir du moment, où, il a, même entre les mains du bailleur qui a fait l’objet du commandement, adressé sa demande de renouvellement, de sorte que la prescription biennale a commencé à courir à compter de la date d’effet de la demande de renouvellement.


En l’espèce les demandes de l’adjudicataire furent donc déclarées prescrites et l’arrêt de la Cour d’appel, cassé.

A la seconde question la Cour de cassation, à l’instar de la Cour d’appel, a répondu par la négative.
Le bailleur ne pourra pas solliciter l’annulation du bail, car, selon la Cour de cassation, « la demande de renouvellement de bail commercial n’entre pas dans les prévisions de l’article 698 de l’ancien code de procédure civile. »
Le bail renouvelé n’est donc pas assimilé au bail d’origine, ce que l’on peut comprendre, parce qu’il va suivre, au travers de la fixation de son prix une trajectoire qui découle de ce bail d’origine, sans hiatus. Il n'est pas le bail conclu.

dimanche 23 septembre 2018

Le point de départ de l'action en rétractation de l'offre de renouvellement

3ème civ. 9 novembre 2017 
n° 16-23.120


L145-60 du code de commerce : "Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans."

Dans cette affaire, le 14 février 2008, le bailleur notifie à sa locataire un congé avec offre de renouvellement et de paiement d'une indemnité d'éviction.
Estimant postérieurement à ce congé que sa locataire avait violé la destination contractuelle des lieux, le bailleur, après l'avoir mise en demeure le 4 janvier 2013  d'avoir à faire cesser cette infraction, l'assigna le 19 avril 2013 en validité du refus de renouvellement.

La Cour d'appel confirmant la décision des premiers juges, valide le refus de renouvellement.

Dans son pourvoi, bref et sans réelle motivation, la locataire continue de prétendre que l'action du bailleur était prescrite, la prescription commençant à courir soit, du jour de la date de délivrance du congé, soit du jour où un bailleur normalement diligent aurait dû avoir connaissance de l'infraction.

Sur cette dernière date, la locataire n'apporte aucun élément permettant en l'espèce de la déterminer.

Ceci étant dans cette deuxième branche de son moyen, la locataire commet l'erreur de se prévaloir de sa faute : c'était à elle de solliciter la déspécialisation plénière et elle ne pouvait se taire en obligeant le bailleur à faire des diligences, à l'aveugle, pour "traquer" la faute...alors de plus, que, par principe, chacun est présumé de bonne foi.

C'est normalement et sans surprise que la Cour suprême rejette le pourvoi.

mercredi 25 octobre 2017

SUSPENSION DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE PAR LE JUGE DU FOND POSTERIEUREMENT A UNE DECISION DU JUGE DES REFERES

Cass. 3ème civ 12 mai 2016
n° 15-14.117


Art. L 145-42 du code de commerce : "Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux article 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge."



Dans cette affaire sur fond de liquidation, la cour de cassation rappelle l'absence d'autorité de la chose jugée en référé pouvant affecter les pouvoirs du juge du fond.
Une société locataire débitrice est l'objet d'une ordonnance de référé qui met fin à son bail, sans lui accorder le moindre délai (ce qui s'explique par son absence au procès).
Elle est mise en liquidation quelques mois plus tard et son liquidateur, fort de la détention de la preuve qu'elle s'était mise à jour de ses loyers au moment où le juge des référés avait statué, saisit le juge du fond qui accorde des délais rétroactivement et donc redonne vie au bail (que le liquidateur a certainement pu céder par la suite).
La cour de cassation approuve en cela la cour d'appel en rappelant que la débitrice avait été de bonne foi, n'avait pas déjà obtenu des délais de paiement et que la décision en référé n'avait pas autorité de la chose jugé au principal. 

Ce qui permet au juge du fond d'octroyer des délais rétroactivement et de redonner vie au bail, est les fait que des délais de paiement n'aient pas déjà été accordés.
La prise de connaissance de l'arrêt in extenso permet aussi de faire ressortir le danger dans certains cas, d'une expulsion d'une locataire commerciale, sur la base d'une ordonnance de référé ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire, n'ayant pas l'autorité de la chose jugée au principal. Dans une autre partie de l'arrêt non commentée ici, la cour d'appel a ordonné une expertise pour déterminer le montant du préjudice subi par la locataire qui du fait de l'expulsion a perdu son bail et partant son fonds de commerce. Elle a été suivie par la cour de cassation.

mercredi 16 août 2017

La demande en acquisition de la clause résolutoire acceptée en référé peut être annihilée par une décision du juge du fond : une application de l'article 488 § 1er du CPC

CASS. 3è CIV. 2 mars 2017
 n° 15-29.022


Texte : art. 488 § 1er du CPC



Dans cette affaire, la bailleresse a fait délivrer à sa locataire -une maison de retraite- un commandement visant la clause résolutoire, d’avoir à justifier de son assurance concernant les locaux et les risques inhérents à son activité professionnelle.

Le commandement était délivré le 11 mars 2013 et la locataire ne justifia de son assurance que le 19 avril suivant, par la transmission d’une attestation de son assureur du 15 avril, précisant que la locataire était assurée depuis le 1er février 2013.

La bailleresse a cru bon de saisir le juge des référés en acquisition de la clause résolutoire, mais a été déboutée.

La cour d’appel statuant donc elle aussi en référé a réformé l’ordonnance entreprise en se fondant sur la lettre de la clause résolutoire au contenu classique mais auquel était ajouté un passage au terme duquel le bail serait résilié de plein droit « même dans le cas de paiement ou d’exécution postérieur à l’expiration « du délais d’un mois ». C’est l’arrêt attaqué devant la cour de cassation.

Pendant que la bailleresse bataillait devant les juridictions des référés, la locataire avait saisi le juge du fond soutenant que la mise en œuvre de l’acquisition de la clause résolutoire avait eu lieu de mauvaise foi.

Bien lui en prit puisque le juge du fond retenait la mauvaise foi en relevant notamment :

·     *  que l’expulsion des retraités et la perte de leur emploi par les membres du personnel était une situation extrêmement sérieuse ;
·     *    et surtout que la police d’assurance était valable pour la période du 1er février 2013 au 31 janvier 2014 qu’ainsi, au jour de la délivrance du commandement la locataire exécutait correctement ses obligations découlant du bail, ce qui aurait dû conduire la bailleresse à ne pas intenter sa procédure.

Telles sont les conditions dans lesquelles la locataire faisait-elle valoir devant la cour de cassation que face à la décision des juges du fond, l’arrêt de la cour d’appel rendu en référé était dépourvu de l’autorité de la chose jugée en application de l’article 488 du CPC et que subsidiairement la mauvaise foi de la locataire (dont elle reprenait la description qu’en avait fait le tribunal) était une contestation sérieuse au sens de l’article 808 du CPC dont la cour d’appel aurait dû tenir compte.

La Cour de cassation au visa de l’article 488 du CPC, a annulé l’arrêt de la cour d’appel ayant statué en référé « en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à ce jugement, qui a statué sur le fond du litige (…) ».

C’est une décision logique, cependant que très utile à retenir, puisqu’elle décrit une issue possible à des justiciables victimes de mauvaise foi devant le juge des référés et rappelle les bailleurs à la prudence, voir-même en l’espèce, à la raison.


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dimanche 19 février 2017

Le danger de la sous-location totale

CA PARIS, pôle 5, ch 3, 2 décembre 2016
RG n° 15/12231



Rappel du texte appliqué :
Article L145-8 du code de commerce
 
Le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux.
Le fonds transformé, le cas échéant, dans les conditions prévues à la section 8 du présent chapitre, doit, sauf motifs légitimes, avoir fait l'objet d'une exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d'expiration du bail ou de sa prolongation telle qu'elle est prévue à l'article L. 145-9, cette dernière date étant soit la date pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.

Solution

Dans cette affaire la cour d'appel fait droit à la demande de la bailleresse de dénégation du droit au renouvellement sollicité par la locataire qui n'a fait que sous-louer les lieux. Elle précise bien les éléments de preuve apportés par la bailleresse. On pourra retenir qu'elle se fonde, notamment, sur un constat d'huissier.

samedi 18 février 2017

LE DROIT DE REPENTIR ET SON CARACTERE IRREVOCABLE



COMMENTAIRE EXPRESS…


Cass. 3e civ., 17 nov. 2016, N° 15-18.926

Textes du code de commerce
Article L145-58
Le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.
Article L145-59
La décision du propriétaire de refuser le renouvellement du bail, en application du dernier alinéa de l'article L. 145-57, ou de se soustraire au paiement de l'indemnité, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 145-58, est irrévocable.



Dans cette affaire, un bailleur signifie un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction.

Puis il rétracte son congé en demandant la révision du loyer... (au lieu d’exercer clairement un droit de repentir).

Le locataire fait appel à justice pour voir fixer le montant de l’indemnité d’éviction.
En riposte, le bailleur fait délivrer un droit de repentir au cas où la rétractation du congé n’aurait pas été valable et demande en cas de défaut d’accord amiable, la fixation judiciaire du loyer.

La cour dit que le bailleur n’a pas exercé son droit de repentir valablement, car il l’a exercé seulement pour le cas où son droit de rétractation ne serait pas déclaré valable et que cet acte de repentir en conséquence « n’a pas le caractère irrévocable qui est la condition de validité de l’exercice du droit de repentir ».

La Cour suprême rejette cette motivation car :

 « …le droit de repentir, même formé à titre subsidiaire aux mêmes fins que la demande principale en rétractation du congé en vue d’échapper au paiement de l’indemnité d’éviction, est valablement exercé et entraîne irrévocablement le renouvellement du bail à la date à laquelle il est signifié. 

En d'autres termes, la cour suprême casse cet arrêt…l’irrévocabilité est une conséquence du droit de repentir…pas la condition de son existence.

mercredi 1 février 2017

Résiliation du bail par un seul locataire en cas de co-preneurs....attention.....



Civ 3 12 janvier 2017

Pourvoi F 15-23.686 Arrêt 47 - FD


Dans cette affaire, un bail est accordé à une société et à une personne physique en l’occurrence, au gérant de la société.

A la signature du bail, trois personnes se portent cautions solidaires de tout somme que pourraient devoir les locataires à la bailleresse.

Six mois avant la fin de la première période triennale, seule la société locataire, sous la plume de son gérant résilie le bail et rend les clefs. Puis la société est mise en liquidation et le liquidateur résilie le bail, toujours avant l'expiration de la période triennale.

Les cautions sont assignées par la bailleresse pour régler un solde locatif et une clause pénale, arrêté au jour de l'expiration de la période triennale.

Les cautions estiment :

- que leur dette doit être arrêtée au jour où le liquidateur a résilié le bail, ce dernier ayant pris fin à cette date;
- que la bailleresse ne pouvait ignorer que "les co-preneurs" avaient l'intention de libérer les lieux, puisque le gérant avait écrit.....
- qu'elles n'ont donc pas à payer les loyers jusqu'à l'expiration de la période triennale.

La cour suprême au visa des articles 1134 et 1208 du code civil casse et annule l'arrêt de la cour d'appel qui avait accueilli l'argumentation des cautions, dans les termes suivants:

" Qu'en statuant ainsi, alors que la seule volonté d'un locataire de résilier le bail ne peut suffire en l'absence de stipulation conventionnelle le prévoyant, à mettre fin au contrat à l'égard des autres co-preneurs la cour d'appel a violé les textes sus-visés".