lundi 20 février 2012


ORDONNANCE DE REFERE - RETRACTATION - CIRCONSTANCES NOUVELLES - DEFINITION -
CIV 3, 16 décembre 2003, N° 1437




RAPPEL DES DISPOSITIONS LEGALES

Article 488 du Nouveau Code de Procédure Civile :
« L'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.
Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles. »


Dans cette affaire, une locataire assigne sa bailleresse en référé, aux fins de voir rapportée une ordonnance (rendue le 5 juillet 2000), ayant constaté la résiliation du bail commercial pour le non-paiement de loyers dans le mois d'un commandement.

La Cour d'appel de CAEN rétracte l'ordonnance et déboute la bailleresse de sa demande en paiement de loyers, en retenant qu'au 30 mai 2000 la locataire était à jour de ses loyers et que n'ayant pas fait état de cette situation à l'audience du 14 juin 2000 devant le Juge des référés (initialement saisi), elle était autorisée à en faire état pour la première fois à l'appui de sa demande en rétractation, cette circonstance devant donc être qualifiée de nouvelle.

La Cour de Cassation interprète strictement les dispositions du Nouveau Code de Procédure Civile et censure la Cour d'Appel dans les termes suivants :

«(...) ne constituent pas une circonstance nouvelle autorisant la rétractation d'une ordonnance de référé des faits antérieurs à la date de l'audience devant le juge des référés qui a rendu l'ordonnance et connus de celui qui sollicite la rétractation ».




OBSERVATIONS : la juridiction des référés est à manier avec précaution. Que l'on se souvienne également qu'une ordonnance de référé a l'autorité de la chose jugée dans la sphère des référés et qu'ayant déclarée acquise la clause résolutoire elle ne peut plus être remise en cause par le juge du fond, dès lors que cette ordonnance n'est plus susceptible d'appel (cf. l’article L 145-41 § 2 du code de commerce).


FORMALITE CONTRACTUELLE NON RESPECTEE - INFRACTION AUX EFFETS IRREVERSIBLES : OUI
COMMANDEMENT NECESSAIRE AVANT CONGE : NON.

CIV.3, COUR DE CASSATION  arrêt N° 892 du 9 juillet 2003

RAPPEL DES TEXTES
Article L 145-31 du Code de Commerce : «sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite. En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte. (...)" [attention, reproduction seulement partielle de cette article].
Article L 145-17 : « -I - Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité :
1° s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L 145-38, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser (...)» [attention, reproduction partielle de cet article].
Dans cette affaire, un bail commercial contient au profit du locataire, l'autorisation de sous- louer à condition toutefois de faire participer la bailleresse à l'acte. Or, le locataire consent une sous-location passant outre cette formalité.
La bailleresse porte alors une demande de résiliation du bail en Justice, qui est rejetée (par contre des dommages-intérêts lui sont accordés payables par les sous-locataires et correspondant à l'augmentation du loyer qu'elle aurait dû percevoir du fait des sous- locations).
Or, avant que le Jugement (devenu définitif par la suite), ne soit prononcé, la bailleresse avait fait délivrer à son locataire un congé avec reftis de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction prenant effet à l'expiration du bail. Le locataire assigna à son tour sa bailleresse pour voir annuler de congé.
Le TRIBUNAL annule le congé et la COUR d'APPEL de POITIERS confirme la décision. Pour eux le congé n'est pas valable (et le bail renouvelé) car, l'infraction qui a consisté à ne pas appeler la bailleresse à concourir à l'acte de sous-location aurait dû être précédée du commandement de l'article L 145-17 du Code du commerce sus-visé, n'étant pas une infraction « irréparable ».
La COUR de CASSATION casse cet arrêt en ces termes : « Qu 'en statuant ainsi, alors que l'omission du preneur d'appeler la bailleresse à concourir à un acte de sous- location ne pouvant être régularisée, une mise en demeure préalable au congé n 'est pas nécessaire, la cour d'appel a violé » l'article L 145-31 du Code de commerce.
OBSERVATIONS : de cette affaire on peut tirer quelques enseignements, qu'il est bon d'avoir à l'esprit lorsque l'on est bailleur et que l'on entend refuser le renouvellement du bail,  et refuser de régler l'indemnité d'éviction pour motif grave et légitime.
1-     Un refus définitif de résiliation du bail, n'exclut pas la présentation d'une demande en validation de congé pour non-renouvellement sans indemnité d'éviction.
2-      L'infraction aux clauses du bail, lorsqu'elle est irréparable, rend inutile la délivrance du commandement de l'article L 145-17 sus-visé préalablement à celle du congé invoquant cette infraction
     3-      Le caractère irréparable (la jurisprudence utilise aussi le terme « irréversible ») de l'infraction doit bien entendu être le centre du débat judiciaire, puisque de sa qualification dépend la nécessité de délivrer préalablement au non-renouvellement, un congé reproduisant l'article  L 145-17 I-1° du code de commerce. En l'état celles retenues par la jurisprudence et qui « simplifient » la procédure de non-renouvellement sont les suivantes :
          inexploitation d'un fonds dans les lieux loués ;
          cessation de toute activité de manière irréversible,
          défaut d'inscription au registre du commerce à la date de notification du congé ou de la demande de renouvellement,
          destruction par le preneur d'une partie de l'objet du bail,
          infraction délictuelle,
            cession de bail occulte,
          les effets eux mêmes irrévocables pour le preneur d'une décision judiciaire,
          la fermeture d'un fonds sur décision administrative.
La présente décision reprend un jurisprudence qui dans le même cas avait parlé d'infraction « instantanée » pour justifier l'inutilité du commandement (Cass 3è civ, 2 novembre 1982, N° 80-16.723, Rev. Loyers 1983, p 45). Mais au fait, l'instantané exclut-il l'irréparable ?

dimanche 19 février 2012

VALEUR LOCATIVE -SURFACE PONDEREE

Pour estimer la valeur locative de locaux commerciaux on compare notamment les prix pratiqués dans le voisinage. Il s'agit des loyers calculés à partir des surfaces pondérés des commerces considérés.

jeudi 16 février 2012


ACTE EXTRA JUDICIAIRE – CONGE DU LOCATAIRE A SON BAILLEUR - ANOMALIE DANS LA DELIVRANCE- NULLITE DE FORME - APPLICATION DU REGIME DE DROIT COMMUN: OUI - POSSIBILITE DE COUVRIR LA NULLITE : OUI, SAUF DEFENSE AU FOND OU FIN DE NON RECEVOIR SANS SOULEVER PREALABLEMENT LA NULLITE DE FORME

Civ 3ème, COUR DE CASSATION arrêt du 27 mai 2003 N° 661


RAPPEL DES TEXTES :

Article 112 du Nouveau Code de Procédure Civile : « La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »


Dans cette affaire, une société locataire fait notifier par voie d'huissier un congé à sa bailleresse, à domicile élue par cette dernière dans le bail d'origine.

La bailleresse ayant entre-temps changé d'adresse, ce que n'ignorait pas sa locataire, ne reçoit pas le congé. Or le bail est cédé à l'insu de la bailleresse et le nouveau locataire est défaillant. Cette dernière réclame donc en justice les loyers impayés et recherche la responsabilité de son ancienne locataire              « indélicate ».

L'affaire se retrouve une première fois devant la Cour de Cassation où la bailleresse invoque pour la première fois la nullité du congé pour vice de forme à savoir l'irrégularité de sa signification.

La Cour d'Appel de renvoi (en l'espèce VERSAILLES, chambres commerciales réunies) accueille le moyen tiré de la nullité et condamne l'ex-locataire à régler les loyers impayés échus postérieurement au congé (106 255 €) et des dommages-intérêts (128 697 €).

Pour elle en effet, peu importe que la bailleresse ait soulevé moult arguments de fond avant de se pencher (enfin) sur le vice de forme, car « l'irrégularité de la signification du congé affecte la validité même de ce congé ». Dès lors conclut la Cour d’appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 112 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La COUR de CASSATION censure cette argumentation au visa de l'article 112 sus- visé, pour Elle : « (...) la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement, mais (...) elle est couverte si celui qui l'invoque a postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »


OBSERVATIONS : Le congé délivré par exploit d'huissier appartient bien à la sphère des dispositions régissant les actes de procédure et ce en application des dispositions de l'article 649 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En l'espèce, pour la COUR d'APPEL, la forme était fondamentalement viciée, tandis que pour la COUR de CASSATION le fond était vicié formellement. Ce sont des débats qui arrivent...

Alors devant un congé du locataire à son bailleur, ou de manière plus générale devant un acte « extra-judiciaire » ou de procédure « par nature », l'examen de sa validité doit être préalable à toute discussion sur ses conséquences juridiques.

mercredi 15 février 2012


CLAUSE RESOLUTOIRE - SUSPENSION - NON RESPECT DE L'ORDONNANCE DE REFERE - POSSIBILITE D' OBTENIR DE NOUVEAUX DELAIS DEVANT LE JUGE DU FOND : NON
Civ. 3, 2 avril 2003, arrêt N° 485
RAPPEL DES TEXTES

Article L 145-41 du Code commerce : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 et 1244-3 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »

Dans cette affaire... une société locataire, qui a reçu un commandement de payer un arriéré de loyers est condamnée en référés, tant en première instance que devant la COUR d'APPEL. Mais, cette dernière lui octroie des délais de paiement (ce qui implique que les loyers à échoir soient payés en temps utile) et suspend durant le cours de ces délais les effets de la clause résolutoire.
La locataire ne respecte pas l'un des termes du loyer courant. La bailleresse lui fait donc délivrer un commandement de quitter les lieux.
La locataire paye ensuite l’arriéré de loyers proprement dit, mais saisit les Juges du fond (autrement dit, le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE) pour annuler le commandement de quitter les lieux, arguant avoir respecté les délais octroyés par la Cour et prétendant en outre que l'ordonnance de référé n'a pas l'autorité de la chose jugée au principal (i.e. devant les Juges du fond). Prudente elle demande subsidiairement des délais de paiement.
Le TRIBUNAL de GRANDE INSTANCE, déboute la locataire de ses demandes.
La COUR d'APPEL statuant au fond- bien que constatant le non respect des premiers délais accordés par la COUR statuant en référé- infirme le Jugement, c'est à dire octroie de nouveaux délais à la locataire en précisant que « bien que passée en force de chose jugée » (c'est à dire bien que l'ordonnance de référé ne puisse plus être l'objet d'un recours suspensif d'exécution), l'Ordonnance de référé « n'a pas au principal [au fond ndla] l'autorité de la chose jugée et ne fait donc pas obstacle à ce qu'il soit statué sur l'acquisition de la clause résolutoire par la juridiction saisie au fond du même litige. » (effectivement cf. l'article 488 du Nouveau Code de Procédure Civile).
La COUR DE CASSATION en notant explicitement que la COUR d' APPEL a constaté que les délais accordés en référé en même temps que la suspension de la clause résolutoire n'avaient pas été respectés, CASSE l'arrêt de la COUR d'APPEL.
OBSERVATIONS : il est vrai que le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE saisi au fond, peut toujours remettre en cause une décision du juge des référés. Mais, la présente décision de la COUR de CASSATION pose une limite importante spéciale en matière de baux commerciaux. Bien qu'elle ne s'étende pas sur la motivation de sa cassation l'explication suivante me paraît sérieuse.
La COUR d' APPEL qui statuait en référé a jugé que la clause résolutoire serait acquise si les délais accordés n'étaient pas respectés.
Or cette Ordonnance possède l'autorité de la chose jugée... certes dans son domaine du référé...mais elle la possède car le juge des référés qui l’a prononcée ne pourrait lui-même la remettre en cause en dehors de faits nouveaux.
Puis, dans ce contexte, la locataire ne respecte pas les délais ; aussi, conformément à l'Ordonnance, la clause résolutoire est-elle acquise.
Or, l'article L 145-41 (voir au début) ne fait pas de distinction entre les effets d'une Ordonnance et d'un Jugement, décisions qui toutes les deux ont l'autorité de la chose jugée par rapport à ce qu'elles tranchent (aussi la saisine du Tribunal de Grande Instance devient-elle tardive).
Au contraire il évoque chacune d'elles en mentionnant celle qui constate la résiliation du bail (par principe l'Ordonnance de référé) et celle qui la prononce (par principe le Jugement).
Souvent pour apprécier le contenu d'un texte il faut appliquer l'adage « là où la loi ne distingue pas, nous ne devons pas distinguer ».
Le Tribunal de Grande Instance n'est donc pas en la matière un troisième degré de juridiction.

BAIL DEROGATOIRE - BENEFICE DU STATUT DES BAUX COMMERCIAUX- CONSENTEMENT DU BAILLEUR A LA RECONDUCTION NECESSAIRE - NON - LOCATAIRE LAISSE EN POSSESSION - OUI
Civ. 3, 22 janvier 2003 arrêt N° 30
RAPPEL DES TEXTES

Article L 145-5 du Code commerce : « Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que le bail soit conclu pour une durée égale au plus à deux ans.
Si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. Il en est de même en cas de renouvellement express du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier. »

DANS CETTE AFFAIRE, le divorce étant prononcé entre Monsieur et Madame, une décision irrévocable du 29 juillet 1998 attribue à Madame le local à usage commercial qui faisait l'objet d'une société d'acquêts.

Une société occupait ce local en vertu d'un bail de 23 mois pour la période du 1er octobre 1994 au               1er septembre 1996. Monsieur, par lettre du 10 juillet 1996 lui avait donné congé pour le 30 septembre 1996.

La locataire sollicite en justice le bénéfice du statut des baux commerciaux qui lui est accordé par jugement du 9 juin 1997.
Madame qui n'avait pas été partie au procès de lère instance fit tierce opposition, mais en fut déboutée ce que la Cour d'appel confirma. Madame diligenta un pourvoi en cassation en soutenant :

-         que les dispositions de l'article L 145-5 du Code de commerce impliquent que « le bénéfice de la législation sur les baux commerciaux ne peut être accordé au locataire que si est relevé le consentement, au moins tacite, du bailleur à la reconduction du bail dérogatoire » or suite au congé de Monsieur ce consentement était absent,
-         que si elle avait été inactive postérieurement au 30 septembre 1996 (date d'effet du congé), c'est que les locaux ne lui avaient été attribués que le 29 juillet 1998.
La COUR de CASSATION rejette ce pourvoi en relevant que la locataire ayant été laissée en possession à l'expiration du bail précaire, il s'était opéré un nouveau bail soumis aux dispositions des article L 145-5 et suivants du Code de commerce.
OBSERVATIONS : le principe, est que la création d'un contrat doit recueillir le consentement des parties. On pourrait croire que la Cour de Cassation le rejette. Au contraire elle ne fait qu'appliquer un texte qui, en la matière, crée une présomption de consentement du bailleur à l'application du statut des baux commerciaux dès lors qu'il laisse en possession le preneur dans les lieux. Pourquoi ne pas avoir pris en compte le congé donné ? Parce que le texte de l'article 145-5 ne pose que deux conditions bien précises et nul ne doit ajouter à la Loi. Le congé n'est qu'un élément. Ce qui compte avec ce texte c'est l'action du bailleur. A lui de donner corps à la volonté qu'il avait manifestée dans le contrat de bail dérogatoire.

Ne confondons pas bail dérogatoire et bail précaire. Le bail précaire est celui dont la fin est conditionnée à la réalisation d'un évènement sur lequel les parties n'ont aucune prise. Il résulte de cette définition, que la durée n'est pas un critère de la précarité.

INEXECUTION D'UNE OBLIGATION CONTRACTUELLE - REPARATIONS LOCATIVES- ALLOCATION DE DOMMAGES ET INTERETS AU BAILLEUR-PREJUDICE NECESSAIRE ? NON
CIV 3ème 30 janvier 2002. arrêt N° 193

RAPPEL DES TEXTES

Article 1147 du Code civil: « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement des dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Article 1731 du Code civil : « S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire. »


Dans cette affaire, une société locataire a réclamé après son départ amiable des lieux, la restitution de son dépôt de garantie auprès de son bailleur. Ce dernier n'a pas obtempéré forçant son ex-locataire à saisir le Tribunal.

Le bailleur contre attaque, sollicitant des dommages et intérêts pour des réparations locatives non effectuées. Durant la procédure devant la Cour d'Appel, les locaux sont vendus par le bailleur puis rasés par l'acheteur.

La Cour d'Appel de REIMS déboute le bailleur de sa demande de dommages et intérêts aux motifs suivants :
-         les locaux ont été démolis depuis le Jugement,
-         le bailleur n'a jamais réalisé les travaux de remise en état et ne les réalisera jamais,
-         le bailleur ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait par exemple d'une impossibilité de relouer les locaux ou d'une privation de jouissance.
Mais la COUR d'APPEL est censurée par la COUR de CASSATION qui décide que  « l'indemnisation du bailleur en raison de l'inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail n'est subordonnée ni à l'exécution de ces réparations ni à la justification d'un préjudice ».
Tous les livres de droit reprennent cette phrase sacro-sainte : « La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle suppose la réunion de trois éléments : l'inexécution du contrat, un dommage et un lien de causalité entre ces deux éléments. »
De plus l'article 1147 du Code civil, sur lequel se fonde la Cour de Cassation emploi l'expression « s'il y a lieu » dans la phrase : « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts... ». On attendait donc en l'espèce que de l'inexécution naisse un dommage, un préjudice, pour ouvrir la voie à une condamnation.
Néanmoins, nul bailleur ne se plaindra de la présente décision, somme toute morale : si un locataire n'exécute pas son obligation d'entretien de la chose louée, il s'enrichit...sans cause.

DETTE NEE DE REPARATIONS NECESSAIRES A LA CHARGE DU BAILLEUR- DETTE DE LOYER - REDRESSEMENT JUDICIAIRE DU LOCATAIRE - PAIEMENT PAR COMPENSATION : OUI - CIV 3ème 13 février 2002 N° 246

Rappel des textes :
Article 1289 du Code civil: « Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes (...) ».
Article L 621-24 § 1er du Code de commerce : « Le jugement ouvrant la procédure [de redressement judiciaire] emporte de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture. Cette interdiction ne fait pas obstacle au paiement par compensation de créances connexes ».
Dans cette affaire les bailleurs, en l'absence de stipulation expresse contraire du bail, sont à la suite d'un rapport d'expertise judiciaire, contraints de remettre en état les lieux loués. Cette remise en état est chiffrée par l'Expert judiciaire. Bien entendu ne sont pas concernées les réparations locatives.
Parallèlement, la société locataire qui a contracté des dettes et notamment des dettes de loyer, est mise en redressement judiciaire et un plan de continuation est arrêté par un Jugement.

La preneuse veut que ses bailleurs fasse l'avance du montant des travaux de remise en état.
Les bailleurs invoquent la compensation entre le coût des travaux à leur charge et le montant des loyers dus antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire.
*      La COUR d'APPEL de RIOM rejette la prétention des bailleurs, la déclarant sans objet.
*       Mais Elle est censurée par la COUR de CASSATION qui rappelle les dispositions de l'article L 621-24 § 1er du Code de commerce.
Sur les travaux incombant au bailleur, la COUR SUPREME rappelle incidemment mais clairement qu'il faut s'attacher à examiner les stipulations expresses du bail pour déterminer leur existence et leur étendue.
Il est bon de se souvenir qu'en l'absence de stipulations du bail sur les grosses réparations, l'article 1719 du Code civil qui dispose notamment que le bailleur est tenu « d'entretenir » la chose louée « en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée », s'applique.

mardi 14 février 2012


DEMANDE DE REVISION TRIENNALE - PRESCRIPTION BIENNALE - CHAMP D'APPLICATION - Civ 3ème 13 février 2002 N° 257  exposé et commenté par Eric DESLANDES, Avocat au Barreau de Paris, 8 rue des Saints Pères 75007 PARIS Tél. 01 40 72 60 45 deslandesavocat@orange.fr

Textes appliqués :

L 145-38 § 1er du Code de commerce : « La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé.»
L 145-60 du Code de commerce : « Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans. »

Teneur de l’arrêt

Dans cette affaire, le renouvellement du bail litigieux intervient le 1er janvier 1990. Le 30 octobre 1995, les bailleurs notifient aux locataires par lettre RAR un mémoire en révision du loyer à la hausse.
Les locataires prétendent que cette demande est tardive.
La COUR d'APPEL de GRENOBLE, décide que la présentation de cette lettre est effectivement tardive et donc inopérante au motif que les demandes en révision sont soumises à la prescription biennale de l'article      L 145-60 du Code de Commerce. Selon Elle, cette lettre RAR aurait dû être envoyée avant le 1er janvier 1995, soit dans les deux ans suivant la première date utile pour former la demande en révision triennale (en l'espèce cette première date utile est le 1er janvier 1993 cf.  l'article l 145-38 du Code de commerce).

La COUR de CASSATION censure cette décision : la prescription biennale ne court que du jour de l'expédition de la demande de révision par le bailleur au locataire.
COMMENTAIRE

La demande en révision échappe à la prescription biennale tout simplement parce qu'elle n'est pas une action en justice. Cette demande de révision n'est en fait qu'un préalable à une éventuelle action en justice : la Loi fait obligation au bailleur de s'adresser d'abord au locataire, soit par acte extrajudiciaire, soit par lettre RAR.

L'article L 145-60 du Code de commerce signifie que le conflit que peut générer l'envoi de cette demande de révision doit être porté devant la justice dans un délai de deux ans.
Il est utile de rappeler que :  le délai de trois ans de l'article L 145-38 § 1er du Code de commerce est un délai minimal, la demande en révision doit être chiffrée ou chiffrable, le nouveau loyer ne prendra effet que du jour de la demande.

Loyer binaire, fixation du loyer du bail renouvelé, pouvoir du juge, volonté des parties


RENOUVELLEMENT DU BAIL - FIXATION DU LOYER - POUVOIR DU JUGE VOLONTE DES PARTIES - LOYER BINAIRE [Civ. 3è 7 mars 2001]

de Eric DESLANDES Avocat au Barreau de Paris TEL 01 40 72 690 45, deslandesavocat@orange.fr

RAPPELS

 Selon les dispositions de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953 (aujourd'hui L 145-15 du code de commerce) , celles des articles 23 à 23-9 n'ont pas de caractère d'ordre public. En d'autres termes, les parties peuvent convenir librement du mode de fixation du loyer, d'où la possibilité de fixer un loyer comportant une partie fixe et une partie variant en fonction du chiffre d'affaires du preneur.

2° L'article 23 du même décret (L 145-33 du code de commerce) définit les éléments qui servent à établir la valeur locative.

3° En application de l'article 1134 du Code civil, le contrat fait la Loi des parties.



DANS CETTE AFFAIRE, le loyer convenu à l'origine entre une société preneuse et une société bailleresse est composé d'un loyer fixe annuel indexé et d'un complément variable constitué par un pourcentage du chiffres d'affaires de la preneuse, réalisé dans les lieux. Le bail d'origine, déjà renouvelé, est conclu pour une durée de 12 années.
Au moment du renouvellement, la bailleresse prétend que le loyer fixe annuel indexé (ce minimum garanti) doit correspondre à la valeur locative en application de l'article 23 sus-visé.

LA COUR D'APPEL rejette les prétentions de la bailleresse en retenant NOTAMMENT que :

- les parties ont le pouvoir de déterminer conventionnellement les modalités selon lesquelles le loyer du bail renouvelé sera fixé (cf «RAPPELS 1°, application de l'article 35 du décret),
- la convention a valeur de Loi entre les parties,
- la clause litigieuse est claire et précise et la volonté d'origine des parties a été réitérée plusieurs fois sans qu'il ait été fait référence à la valeur locative,
- dans ces conditions le Juge n'a pas le pouvoir de modifier la volonté des parties et de dénaturer le contrat.

LA COUR DE CASSATION accueille la motivation de la COUR D'APPEL et rejette le pourvoi de la bailleresse : « La Cour d'Appel a retenu à bon droit que par les stipulations du bail relatives à la fixation du loyer les parties avaient entendu déroger aux dispositions du décret du 30 septembre 1953... ».


COMMENTAIRE

La volonté des parties en matière de fixation du loyer d'origine est libre.

Dès lors qu'il en résulte que le loyer contient une partie fixe et une partie variable, sans aucune référence à la valeur locative, ce qui d'ailleurs serait incompatible comme le relève à juste titre la Cour d'appel in fine (valeur locative et chiffre d'affaires résultant de deux visions économiques très différentes) cette commune volonté des parties - si elle n'a pas changé en cours de route de manière non équivoque - continue de s'imposer à tous au moment du renouvellement du bail.

Ainsi en l'espèce il importait peu que le bail ait duré plus de 12 années et que le statut des baux commerciaux prévoit en ce cas le déplafonnement automatique du loyer lors de son renouvellement.